Lievanta > [ 988 ] Le Prix d'un Songe

Auteur : Kalyso
31/10/07 00h10 | 33 Galan 3726

C’est le conte d’une petite fille qui rêvait d’aventures. Elle n’était pas bien grande, pas très jolie, frêle et sans histoire. Son passé n’était porteur d’aucun brillant secret, et son avenir ne s’annonçait guère plus lumineux. En somme, la seule chose qui permettait à cette enfant de fuir la tristesse de son ordinaire quotidien, était le don qui lui avait été fait de savoir rêver. Et elle ne s’en privait jamais.

Quand bien même l’hiver s’annonçait rude, quand l’orage était un peu trop bruyant, quand les loups affamées s’approchaient trop près des murs de la ville, elle trouvait toujours le réconfort dans la chaleur de ses songes. Et l’aventure la menait par delà les neiges, elle affrontait les intempéries, combattait les fauves, et jamais ne craignait cette solitude qui lui donnait à caresser des mondes si merveilleux.


C’est l’histoire d’un homme maintenant. Il n’est pas vieux mais pourtant il sait que sa vie s’achèvera ce soir. Il est responsable de sa mort prématurée. De son tabouret, il regarde les murs de sa cellule. Sur son menton carré sèche un filet de sang, prémisse de la punition qui l’attend ce soir. Qu’importe. Il assumera. Il a senti une vie se briser entre ses mains. Fragile, innocente. Celle d’un être qui comme lui jadis avait le don. Cette pureté qui lui permettait de s’enfuir, autrefois. Il a voulu en voler un peu au petit être. Quelques instants il a embrassé ses songes passés tandis que l’âme suppliante de l’enfant glissait sur sa peau et fuyait avec ses rêves. Et plus rien. Il est seul. On vient le chercher. Il meurt.


C’est le récit d’une petite fille, qui a bien grandit. Elle ne rêve plus. Elle vit. Elle recherche le banal où elle se cache.
Aujourd’hui, elle avance. Comme hier, comme le jour d’avant. Elle longe les ombres du mur qui la sépare de l’infini désert qui entoure sa Lievanta. Elle erre dans ses souvenirs. Elle revoit les images. Avec le temps, elles se sont estompées. Mais l’essentiel est toujours là. Gravé en elle. Et qui la ronge à coups rageurs. Et qui lui donne en même temps cette force insoupçonnée chez une jeune gardienne de vingt cinq ans et des poussières.

Elle passe devant une statut de Jahikel le sanguinaire et songe qu’il est étrange qu’elle n’ait été mise à bas. Le sourire qui éclaire le visage de pierre ri des vagabondages du passé de la jeune femme.
Décidemment, cette foutue solitude ne lui va pas. Elle se rappelle qu’en un temps éloigné, elle l’aimait. Maintenant se retrouver seule avec son histoire la tue. Se retrouver au milieu d’un groupe la met mal à l’aise aussi, mais au moins elle ne pense pas.

La jeune femme s’appuie contre le mur et se laisse glisser. La veste de son uniforme, qu’elle dépose par terre, heurte le sol dans un bruit de verre brisé. Elle laisse échapper un juron tandis que les dernières gouttes de l’alcool brun se répandent dans le tissu. Et, doucement, ses doigts fébriles caressent le canon de son arme. Et tout semble si simple qu’elle se surprend à rêver.
Comme avant. Avant cette nuit là. Avant sa dernière promenade. son dernier rêve. Avant lui.

Et le revolver se promène dans sa nuque, comme la tendre main d’un amant affectueux. Il soulève ses cheveux, effleure ses joues, et se pose, doigt froid sur sa tempe fiévreuse.

Le rêve n’est plus si loin. Ses paupières se ferment. Et elle sait que quand elle les ouvrira elle sera ailleurs. Sur le dos d’un cheval, au bras d’un joyeux pirate, traversant un nuage coloré…

Je crois, mademoiselle, que ce n’est pas la meilleure des idées qui soient. L’alcool ne fait pas toujours bon ménage avec la possession d’une arme, surtout lorsqu’emprunt d’une tristesse comme celle qui noie votre regard.

Auteur : Mekoga
31/10/07 01h18 | 34 Galan 3726

* Errant de rue en rue, l'ancien marchand était à la recherche de l'introuvable, sa gloire d'antan. Après avoir passé sa jeunesse dans les meilleures école, il avait reprit le commerce de son père et l'avait fait fleurir. Il avait fait craquer plus d'une femme et il passait ses nuits sous des draps en soie, en compagnie de sa déesse. Mais lorsque Jahikel le sanguinaire était arrivé au pouvoir, il n'avait eu aucune pitié pour ceux qui s'opposaient à son régime et sa jeune compagne comme son fils à peine âgé d'un an furent massacrés. Afin d'échapper à la mort, il du fuir et changer d'identité, tout ce qu'il avait acquis par son travail il l'avait perdu si rapidement qu'il ne s'y était jamais fait.

Devenu une ombre dans les rues, il avait du apprendre à se débrouiller sans son confort. Après plusieurs dizaines de jours à dormir dans le froid glacial des nuits de Lievanta, il comprit que pour s'en sortir, il n'avait plus qu'une seule solution: voler. Conscient des dangers qu'il courrait, il passa des heures à mettre ses techniques au point avant de les mettre en pratique. Peu à peu, il progressa et il pu se débrouiller pour vivre à nouveau dans un semblant de confort.

Perdus dans ses souvenirs, il n'avait plus de but. Chaque jour lui ajoutait de nouvelles images auxquelles il se raccrochait, mais rien ne lui semblait pouvoir remplacer sa splendeur passée.

Cruellement, ses pas l'avaient emmenés en face de la statue de celui qui avait causé sa ruine. Il ne réussit pas à masquer sa colère et ne put s'empêcher de grommeler quelques injures. Malgré ses vingt-deux ans, il paraîssait vieux et usé. La vie dans la rue marque les visages, les corps, mais aussi les esprits.

Un bruit de verre brisé le sortit de ses rêveries. Il le connaissait parfaitement pour avoir cassé des centaines de bouteilles vides. L'alcool avait creusé encore plus profondément sa misère, mais sans lui, il n'aurait pas réussi à survivre. Au premier regard, il n'éprouva que du mépris pour la femme qui venait de lâcher le récipient. Mais en s'y attardant, il la vit s'emparer de son arme avec une douceur sensuelle et glaciale. S'approchant lentement, il ne quitta pas le canon des yeux. À n'en pas douter, cette femme souffrait énormément, chacun de ses gestes paraîssait empreint d'une certaine beauté. Il lui semblait qu'elle allait se donner la mort dans un plaisir de délivrance intense.

Il faillit la laisser faire, mais au dernier moment il se ravisa et, faisant glisser le canon sur le front de la jeune femme d'une simple pression du doigt, il laissa des mots s'échapper de sa bouche.*


Je crois, mademoiselle, que ce n’est pas la meilleure des idées qui soient. L’alcool ne fait pas toujours bon ménage avec la possession d’une arme, surtout lorsqu’emprunt d’une tristesse comme celle qui noie votre regard.

* Il savait bien que s'il avait posséder une arme dans sa détresse, il n'aurait pas hésité à en finir. Mais à présent, il voyait la mort comme un échec, l'affirmation au grand jour d'une défaite totale. C'est à cet instant qu'il comprit en quoi sa vie actuelle pourrait devenir meilleure que la précédente, il lui suffisait d'aider les personnes souffrantes pour être une personne bien plus aimable et honorable que le marchand sans pitié plein de richesse qu'il avait été. Saisissant avec douceur et fermeté l'arme par le canon, il la fit pointer vers le sol. Déposant son autre main sur l'épaule de la jeune femme il tenta d'ouvrir le dialogue. *

Que diriez-vous de lâcher cette arme et d'aller boire un verre avec moi? C'est moins dangereux que de vider une bouteille en solitaire et on pourra même discuter si le coeur vous en dit.