Lievanta > Complots

Auteur : Aknahau Slavar
14/05/06 18h21 | 24 Volcan 3724

Marbre blanc, chrome. Je jette un coup d’œil rapide autour de moi. Personne. Je dépose la coke sur le bord du lavabo, et m’envoie un rail vite fait. Je renifle, m’essuie le bord du nez avec mon doigt, et le lèche. La poudre m’envoie une décharge au cerveau, une coulée de plomb en fusion dans les nerfs. Mon cœur bat plus vite, j’ai l’impression que mon cerveau accélère, que mon champ de vision s’élargit. J’inspire, et me regarde dans le grand miroir mural. Costume trois pièce grande couture, coupe impeccable, dents blanches. Je me souris.

Plus on monte dans la société, plus les choses deviennent meilleure. Le shoot que je viens de m’envoyer aurait probablement tué un camé novice. Mais là est le secret du pouvoir : la drogue devient plus pure, le champagne plus cher, les putes plus belles, les costumes mieux taillés et les liasses plus épaisses.

Qui je suis ? La question est amusante, il est normal que vous ne le sachiez pas. Pour faire simple : je suis beau, jeune, riche, et célibataire, évidemment. Dans le détail ? Je suis sous directeur, à 26 ans à peine, du 5ème bureau de coordination nationale. Un vrai petit bijou bureaucratique, chargé de gérer les communications entre l’armée, la police, le Parlement et les renseignements. Mais, quand je me présente à un inconnu, je me contente de dire « Haut Fonctionnaire », c’est moins intimidant, surtout quand je ne porte pas mon uniforme. Il vous plairait. Long imperméable en cuir noir, bottes montantes, pantalon d’équitation. Ca ne vous rappelle rien ? Qu’est ce que je fais, à tirer un rail dans les toilettes de l’hôtel le plus huppé de la ville ? Je viens assister à une conférence-cocktail de ma sœur, Schkaliah Slavar. Oh, moi, c’est Aknahau Slavar.

Je sors des toilettes du Crown Plaza Hôtel, et me dirige vers la salle de conférence. Je croise pas mal de monde, de beau monde. Messieurs d’âge mûr, femmes plus jeune, en robe de soirée. Strass, paillette, voix feutrées et grands couturiers. Je souris, car la plupart des femmes me suivent du regard.
Lorsque j’arrive enfin dans la salle, mon regard, comme celui de beaucoup d’autre, est attiré par Schkaliah, ma sœur. Grande, belle… Jambes interminables, ventre plat, silhouette bien découpée, poitrine généreuse, visage angélique, aux pommettes hautes, aux yeux gris-bleu à peine bridés, encadré par des cheveux d’un blond foncé, relevé en un chignon à la fois strict, et savamment négligé. Son tailleur chic, son maquillage discret, ses bas noirs et ses longs talons achèvent de la mettre en beauté.

Elle parle de la récente acquisition par son holding d’investissement d’une grande banque d’affaire, et en profite pour annoncer la création d’un hôpital sur ses fonds privés. Elle termine, remercie l’assistance. Salve d’applaudissements, stewards en costumes et gants blancs, petits fours, champagne et piano discret. Elle descend de l’estrade, et, souriante, va discuter avec ses invités, qui la félicitent. J’ai la satisfaction de voir son regard s’allumer quand elle me remarque, elle vient me voir, et me demander comment elle a été. Elle a beau sortir de la plus grande école du pays, diriger le vingtième groupe financier de la planète et avoir 2 ans de plus que moi, elle a toujours une mine d’écolière timide quand elle me demande mon opinion. Je la félicite, évidemment. Elle a été parfaite. Elle est parfaite.

La soirée s’achève, et je l’attends sur le parvis de l’Hôtel, m’amusant du ballet des phares des limousines dans le brouillard pluvieux de la nuit. Je fredonne pour moi même un vieil air de jazz, tout accordé à l'ambiance fin de soirée sous la bruine. Je me souris: l'originalité n'a jamais été mon fort. Nous sommes venus dans la même voiture. D’ailleurs, la voilà qui s’avance, sous le parapluie que lui tiens le steward qui l'escorte, et qui nous ouvre la portière. On s’installe à l’arrière.

Où tu veux que je te dépose, Aknahau ?

Au bureau, ma chérie. J’ai du travail. C’est un peu loin, ça ne te gène pas ? Je peux prendre un taxi.

Arrête de dire des conneries, frère, je peux bien prendre un quart d'heure pour t’y emmener.


Elle lance sèchement au chauffeur la destination. Aimable et poli avec les égaux, obséquieux et dynamique avec les supérieurs, cassant et paternaliste avec les subordonnés. La base de l’ordre hiérarchique, et ce depuis les vieux systèmes féodaux. Je note que mes pensées se dispersent dans tous les sens; il faut que je lève le pied sur la coke. Je remonte la vitre opaque de séparation, car je dois enfiler mon uniforme. J’enlève ma veste.

Tu n’as pas un peu de coke, Aknahau ? Celle qu’on vous donne est de loin la meilleure !

Je lui tends mon sachet. Elle a raison. Pour éviter la corruption, le gouvernement a eut une idée de génie : arroser les hauts fonctionnaires de fric, et de putains et drogues de luxe. On ne peut pas rêver mieux. Mais elle et moi, on veut mieux. C’est pour ça qu’elle dirige ce holding, c’est pour ça que je m’apprête à diriger le bureau le plus secret et le plus puissant de l’administration. A nous deux, nous serons bientôt… Imbattables. Il ne manque plus qu’un élément déclencheur, et on y travaille.

Elle tire son shoot, et se tourne vers moi, les yeux brillants. J’en tire un aussi, léger, et la regarde. Elle est si belle… Depuis la Grande Emeute, depuis que les zonards nous ont pris familles, amis, foyers, nous sommes tout l’un pour l’autre. Par le sang, elle est ma sœur, et je suis son frère, mais nous sommes bien plus. Elle est aussi ma mère, ma conseillère, ma fille, mon amante, ma putain, mon esclave… Et j’en suis autant pour elle. Ballotés d'orphelinats glauques en familles d'accueil dépravées, de collèges de secondes zones en universités prestigieuses et décadentes, notre abandon total l'un à l'autre nous a sauvé de la folie, de l'échec et du suicide, nous assurant les meilleurs résultats, les bourses d'études, notre statut actuel. Nous ne nous refusons rien, jamais. Drogues, argent, trafic d’influence, jeux sexuels tarabiscotés, autant de passions inavouables qui nous lient aussi sûrement que notre lien du sang. Et cela nous permet aussi de résister. Car les orgies et la came dont nous arrose le gouvernement servent aussi à limer les ambitions, astucieux freins dissimulé dans le cadeau empoisonné. Mais pour nous, ce n’est qu’une récompense, un amusement passager, ou un outil pour plier les autres. Nos vrais plaisirs sont inavouables, nuits blanches de coke, complots, cuir et sexe, et ne concernent que nous deux. Car nous avons un projet. Un grand projet. Pas pour nous, mais pour notre pays, pourri jusqu'à la moelle, tiraillé par la souffrance, la misère et le désespoir. Nous voulons changer les choses, en mieux, pour que personne n'ai plus jamais à souffrir ce que nous avons enduré pendant et après la Grande Révolte. Espoir utopique? Peu être.

Sans la quitter des yeux, je continue à me déshabiller, afin de me changer. Je regarde ses yeux qui glissent sur mon corps et sa langue sur ses lèvres, et achève de me changer. Elle reprend ses esprits: on n'a pas le temps de s'amuser, même si on en a envie tous les deux et qu'elle m'adore en uniforme.

Beaucoup de boulot, ce soir ?

Assez, chérie. Je planche sur notre petit détonateur social. Si tout se passe bien, je deviendrais directeur, et on se rapprochera de notre but. Mais il va falloir que j’interroge, ce soir.


J’enfile mes gants noirs. Dieu, je déteste les interrogatoires. Souffrance, sang… Qui y trouverait du plaisir ? C’est un mal cruel, mais nécessaire. Que vaut la vie d’un homme, fasse au bonheur de millions d’autres? C’est ce que l’on appelle l’intérêt national. Schkaliah connaît cela aussi bien que moi. Elle secoue tristement la tête, pitié pour moi, pitié pour le pauvre bougre qui va souffrir ce soir. Elle sait ce que ça me coûte, et ne me juge pas, mais me plaint. Elle connaît mes cauchemards pour dormir souvent avec moi, et mes hurlements nocturnes la réveillent aussi sûrement qu'il font saigner ma gorge.

La voiture s’arrête, nous sommes devant mon Bureau. Je m’apprête à descendre, mais Schkaliah me retient.

Je ne travaille pas demain matin. Tu veux que je t’attende chez toi ?

J’hésite. Les interrogatoires ne me mettent pas en jambes pour ce genre de choses. Elle me sourit. Elle veut me changer les idées. Elle est si douce, si prévenante. Je ne peux m'empêcher de lui sourire en retour.

Aknahau, ça fait longtemps, quand même...

Je ne te refuserai jamais rien, ma sœur. Mais prépare quelque chose, je ne serais pas d’humeur, ça va être… dur, ce soir.


On se sourit tristement, et je regarde sa limousine partir. Puis, je chasse pour quelques heures le visage de ma sœur de mon esprit. Même en pensée, je ne veux pas qu’elle voie ce que je dois faire pour satisfaire nos objectifs. Rajustant ma casquette, je rentre dans le bâtiment. Les soldats à l’entrée me salut avec déférence et crainte: ils savent ce que je vais faire, car j'encourage les rumeurs les plus terribles. Qu'ils me craignent donc! Je ferme mon coeur à toute pitié, à tout sentiment: l'intérêt national avant tout. Je prends une grande inspiration. Au travail.

Auteur : Kalyso
14/05/06 18h22 | 24 Volcan 3724

Je rentre chez moi. Enfin, dans une des douze chambres identiques que nous possédons mon frère et moi dans les plus grands palaces de cette ville de merde. Je sors une bouteille de bérichampagne, le meilleur, et regarde par la baie vitrée.

La vue qui m'est offerte embrasse la totalité du territoire de Lievanta, et au delà même de ses murs. D'ici je peux voir tous les petits bidonvilles qui nous entourent. C'est étrange le contraste qui se fait entre notre vie et la leur.
Ces petits parasites souffrent, se révoltent. Plus ils se révoltent, plus nous sommes heureux. Ils ne comprennent pas que chacun de leur pathétique soubressaut n'est qu'une possibilité de réforme en plus pour nous. Bientôt, ils finiront là où ils doivent finir. Dans des pièges à rat. Oh ils souffriront c'est un fait. Et une chose est sure, leur possibilité de se mélanger à nous sera définitivement éteinte.

Je souris en pensant à l'avenir. Encore quelques émeutes de ce genre, et l'état pliera sous notre volonté de les voir écrasés, un par un.
Quelque chose attire mon regard. Près du mur est, deux formes se meuvent. Des enfants qui jouent? A cette heure ci? Une des silhouettes escalade le mur. La seconde lui lance des objets.
Les rats sont venus piller le frigo royal...

Ni une ni deux, je saisis le téléphone et prévient ma police personnelle. Ce n'est qu'à eux que je peux faire confiance pour que ces monstres payent réellement ce qu'ils doivent.
Ce sont tous des hommes et des femmes, qui ont tout perdu dans la Grande Révolte. Des frères, des soeurs, des parents, des enfants qui ont pleuré la mort de leurs proches.
Ils fracassent ces parasites comme ceux ci le méritent.

Maintenant, il me reste à observer.
Je m'installe dans un fauteuil et allume mon holo écran géant.
Les infos. Sirotant mon champagne, je découvre ces visages. Dieu qu'ils sont laids....
Des animaux qui se débattent contre l'implacable destin...
Je souris. Une gamine s'énerve contre le caméraman.

C'est à ce moment là que l'idée me vient.
Dans deux jours, j'ai une de ces soirées où nous discutons entre riches d'une solution pour ces vers. Je VEUX une d'entre eux. J'en ai assez de ces putes de luxes prêtes à tout pour effleurer du bout de l'index notre milieu.

Je travaille un peu, rêveuse jusqu’à ce que le téléphone sonne.
Mon génie de frère cadet a trouvé un moyen de trancher la tête du gang. Demain au plus tard nous dirigerons une partie des anarchistes et pourrons mettre en place les premières infrastructures de notre pauvreland. Il arrive bientôt. Enfin.
Un coup de fil à Blemp. Il me tiendra au courant. Parfait.

Un rail de coke, et mon sourire s'élargit. Je pense à l'argent que nous apporteront tous les touristes et journalistes avide de misère.
Aknahau revient à ce moment là. Il me trouve à genou devant sa petite table de verre.
Il n’a pas l’air en forme. Pauvre petit, il n’a jamais aimé la violence.

Je me lève, la tête qui tourne un peu, et marche vers lui. Je le déshabille et l’entraîne vers sa chambre. Là je le regarde. Qu’il est beau.
Des traits fins, des muscles pas trop dessinés. Un regard brillant de savoir, un sourire parfait.
Ses petits défauts défient la loi du genre, devenant des atouts de séduction. Il peut faire fondre n’importe quelle fille d’un clin d’œil. Un petit côté féminin dans sa manière d’être est une invitation à une protection maternelle.

Il a hérité la beauté de maman, l’intelligence de papa. Nos pauvres parents. Paix à leurs âmes. J’embrasse sa joue et le force à s’allonger, puis m’allonge à ses côtés. Il joue avec mes cheveux. J’aime ces moments où nous sommes seuls, lui et moi. Il n’y a plus rien de matériel. Il devient moi, je deviens lui. Les caresses se multiplient.

Sa voix trouble le rythme de ma respiration saccadée. Il me demande si j’ai vu ses projets, ses calculs. Je les ai corrigés en arrivant, modifié quelques détails. Je caresse sa tête et lui parle de mon idée de « prendre sous notre aile » une petite victime de cette misère, d’en faire un coup marketing, de montrer au monde ce qu’il désire voir. Pourquoi pas, ça a l’air de lui plaire.

Auteur : Aknahau Slavar
14/05/06 18h23 | 24 Volcan 3724

Je profite un instant encore de la chaleur de ses bras, enfouissant ma tête contre sa poitrine nue. Le "client" de ce soir était particulièrement brave. Il a fallu, hélas, atteindre des extrémités déplaisantes pour obtenir la liste des noms et les infos dont j'ai besoin: Sur le bureau du minsitre, demain matin, un rapport indiquant les négligences dont c'est rendu coupable le directeur du 5 ème bureau lors de l'emeute du Parlement. L'aboutissement de 6 mois de travail. Demain midi, je serais directeur, et je n'aurais plus à m'occuper d'interrogatoires.

Je me lève, et enfile un peignoir. Je jette un regard à ma soeur, qui me lance un sourire coquin depuis le lit. En temps normal, je relèverai le gant, mais cette soirée a été trop éprouvante. Je me dirige vers mes comptes, corrigés par ses soins, et les examines. Excellent. Il n'est pas facile de détourner de telles sommes, mais nous y arrivons.

Son plan est amusant, mais cynique. J'y repense un peu. C'est cruel, mais nécessaire. L'avenir doit se construire sans les zonards. Montrer à quel point ils sont ingrats sera un bon moyen d'accélérer les réformes.

Elle me parle de sa soirée entre gens de la haute, et m'y invite. Vu que tout le monde est masqués, ca ne me gène pas. Elle évoque aussi la petite zonarde dont elle veut faire l'attraction principale. Pas bête. Mon esprit, rôdé aux intrigues, conçoit un moyen de joindre l'utile à l'agréable. Une serviette pleines de documents, malancontreusement oubliée. Voilà qui pourrait orienter nos petits gangers sur la voie qui nous arrange. J'en parle à Shkaliah. Elle a un rire sans joie, et me dit OK.

Pour résumer, on va se débrouiller pour attraper... Sistra et Keld, se sont les noms de ces deux petits zonards. Je leur ferait croire que je représente un groupe voulant changer le système, ce qui n'est pas faux. Lui, je le placerai chez ma soeur. Il croira devoir l'espionner, ce qui facilitera sa petite opération de marketing. Elle, elle deviendra l'attraction de toutes les soirées partouzeuses et SM de la haute société. Ils croiront glaner des informations pour moi, alors qu'en réalité, nous leur donnerons nous même les fausses informations qu'on veut leur faire digérer. Quand il repartirons dans la zone, ils seront totalement manipulables, et n'auront qu'une vision faussée de la réalité. Ce plan est laid, cynique et tordu. Excellent.

Je vais la rejoindre. Il est tard, et, contrairement à elle, je dois travailler tôt demain matin, afin d'être prêt à endosser mes fonctions de directeur du 5ème bureau. J'avale quelques somnifères, histoire de chasser les cauchemards. Elle m'enlace tendrement, et caresse mon visage jusqu'à ce que le sommeil me gagne.

Auteur : Kalyso
14/05/06 18h23 | 24 Volcan 3724

Ce soir c’est la soirée. Faire les boutiques, m’acheter une belle robe bien moulante. Il n’est que 6h du matin. Je dors encore un peu ou je me mets au boulot ? Les draps froids à côté de moi m’indiquent que mon frère est parti depuis un moment. Quel amour, il ne m’a pas réveillée.

Cela m’encourage à me lever. Je trainasse, prends mon temps. Le miroir me renvoi mon image de perfection. Chignon stricte, comme toujours, et un tailleur sombre. Cette nuit, Blemp a chopé deux d’entre eux, et pas n’importe lesquels. Le leader du mouvement, et la fille dont on voit la tête dans tous les reportages au sujet des émeutes. Je pousse un soupir et pars en quête d’une tenue pour ce soir. Masque obligatoire. Il faut croire que ça leur donne une impression de sécurité et les décoince pour l’assouvissement de leurs fantasmes.

Plan de la journée : m’acheter une tenue, un masque le matin. Récupérer la fille, – Aknahau se chargera du gars – et la préparer à ce qui l’attends, lui faire croire que tout va bien pour elle et qu’elle gère tout. Je me demande si elle a déjà pris un bain. Je souris, bip mon chauffeur, et sors.

Vivement ce soir, que nous nous rapprochions encore de nos petits projets…

Auteur : Aknahau Slavar
14/05/06 18h24 | 24 Volcan 3724

Je reviens de la soirée. Je dépose la fille chez Shkaliah, en espérant qu'elle en fera quelque chose de présentable pour ce soir. C'est une partie fine, pas un plan zoophile. Le garcon, je l'emmene dans ma garçonnière. Il est temps d'en faire un pseudo espion suffisement convaincant pour qu'il y croit, au moins lui.

Il va dans la salle de bain. Dieu, qu'il est maigre! Pendant ce temps, je regarde les vêtements de domestiques que j'ai commandé. Ca devrait aller. J'ai aussi prit des faux papiers, un petit sac de voyage contenant quelques fausses affaires personnelles. Je relis les notes que jevais lui faire potasser. Faux antécédants, fausses vies, pour un jeune homme qui n'en a pas.

Officiellement, il viendra des quartiers bordant la zone, à la recherche d'une place de larbin, grâce à une agence. Je mélange quelque documents estampillés "secret defense" au milieux, manière de l'impressionner, et de faire plus vrai. Ah, mon faux espion sors de la salle de bain. Lavé, rasé, coiffé, il est déjà plus présentable. Il enfile sans pudeur et sans mot dire le discret costume que je lui tends.

Bien, Keld. A présent, regardons un peu ses documents. Ils vont te permettre d'en apprendre plus sur ta fausse identité.

Pourquoi?

Et bien, je doute que cette dame embaucherait un zonard, pas vrai?


Il s'assied à côté de moi, et commence à lire la paperasse. Il lit vite, sans mot dire. Je regarde ses yeux suivre à toute vitesse le fil de sa vie imaginaire. Il a l'air sérieux, mais je sens la haine qui l'habite. J'ai lu le rapport de son arrestation. Il est brave, débrouillard, haineux, libre. J'en suis presque jaloux. Mais il représente les racines qui retiennent notre société dans le chaos et la misère. Lui et les siens doivent disparaître. S'il était nait du bon côté, il serait un allié redoutable, ou un adversaire de grande classe. Mais ce n'est qu'un pauvre pantin.

Ma montre tinte doucement. Ah, oui, la soirée. Je vais le laisser là, avec ses papiers, et un guide des bonnes manières. Je vérifie tout demain, et je l'envoie chez ma très chère soeur, qui saura lancer la désinformation, et la petite manipulation médiatique.

Keld, je dois retourner travailler à notre petite... opération. Je te laisse réviser, je reviendrais demain matin. Essaye d'être au point, nous avons rendez vous en milieu d'après midi.

Sistra?

Ne t'inquiète pas.


Il lit le mensonge, mais sa haine lui donne la force d'accepter cette épreuve. Je me lève, et sors. Sur le pas de la porte, je lui lance:

Fais comme chez toi, Keld. Il y a à manger, à boire, l'holo TV et le cybernet. J'ai laissé 2000 shinyens, si tu veux aller faire des emplettes. Mais ne te fais pas remarquer. Le numéro de téléphone, sur le post it, c'est mon mobile. Apelle s'il y a un souci. A demain.

Je sors, et vais rejoindre ma très chère soeur, pour une soirée que j'envisage déjà comme haute en couleur. Je farfouille dans mes poches: téléphone, coke et masque. C'est bon.

Auteur : Kalyso
14/05/06 18h25 | 24 Volcan 3724

La petite garce, l'aurions nous sous estimée? Quoi qu'il en soit, l'apparence physique mise à part, elle n'a rien du petit animal avide de nourriture que je m'attendais à devoir dresser.
17 ans. C'est l'âge qu’aurait notre sœur aujourd’hui, si ces barbares ne l’avaient pas….
Les souvenirs remontent. Putain de zonards. Je pleure. Foutue mémoire.

Est-ce qu’elle a remarqué mon malaise ? Non bien sûr que non. Sa laideur doit avoir d’égale son insensibilité.
A-t-elle de la famille, cette sauvageonne qui pense me faire face bravement ? Comment a-t-elle fini parmi les rats ? J’hésite à lui demander son histoire. Mais non. Elle ne mérite pas un tel intérêt. Je la hais. Sans même la connaître, je la hais.
Je me ressaisis et pars comme une conne, accusant d’autres occupations quant à la fête.

__________________

C’est le soir maintenant. Les invités arrivent, un à un. Je suis assez contente du travail réalisé. Le décor est le meilleur. Putes de luxes croisent ministres et hommes d’affaire. Que des masques identiques, blancs, sans forme. Tout le monde se shoote, boit, baise. Tout le monde est heureux. Ils ont besoin de se cacher pour ça, mais ça leur va. Demain ils attendront la prochaine fête de ce genre comme je ne sais quel évènement miraculeux.

L’unique visage parmi cette foule d’anonymes inquiétants est le sien. Elle me ferait presque de la peine. Petite fille qui se rend compte qu’elle n’est pas si adulte que ça, et qui tremble comme une feuille mais n’a plus d’endroit pour se cacher.
Sistra attire les regards. Oh, tous l’ont reconnu, cette petite frimousse qui trois jours auparavant, couverte de sang et de crasse injuriait les journalistes et se révoltait.
Que fait elle ici ? Une nouvelle lubie de riche que d’installer comme un trophée, d’exhiber comme un animal rare, une de ces étranges créatures qui est notre opposé ?

Je décide de lancer la machine. Une fois qu’ils seront assurés qu’elle est là pour ça, ils se lanceront. Je m’approche d’elle. La peur anime son regard. M’a-t-elle reconnue ? J’en sais rien. Je m’en fous.
L’attention générale se tourne vers nous. Elle en a conscience. La fillette déglutit, se recule, se recroqueville contre un mur. Maintenant je peux sentir sa peau frémir sous mes doigts. J’aime ça, cette puissance, cette maîtrise totale.
Les larmes embuent ses yeux, mais elle les refoule. Que c’est mignon… Je lui crache ma fumée de cigarette au visage. Elle tousse et ne me rend qu’un regard meurtrier.
Petite salope. Tu vas supplier avant la fin de la soirée….

D’un geste discret j’écrase mon mégot sur sa gorge blanche. Elle sert les dents. Toujours aucune réaction. Alors je lance :

Messieurs dames, j’ai le plaisir de vous annoncer que nous avons parmi nous pour notre plus grand bonheur, Sistra. Je vais vous raconter son histoire.

Je la sens se contracter derrière moi. Ce n’était pas dans ses projets.

Il y a huit ans, notre adorable petite créature fut mise dans un foyer pour délinquants juvéniles, les orphelinats étant blindés. C’est triste n’est ce pas ? Suivant le destin de tous ces jeunes révoltés, elle se précipita vers une liberté illusoire auprès de ces sauvages qui encerclent nos murs. Mais, dans ma bonté extrême, je l’ai recueillie, nourrie, logée. Je lui ai appris la civilité. La pauvre enfant n’est pas habituée à tout ce luxe, et ne peut s’empêcher de me considérer comme sa maîtresse. Pour me remercier de ma générosité, elle s’est humblement proposée, malgré mes protestations, d’animer cette soirée pour vous. Elle est là pour cela, faites en absolument ce que vous voudrez. Pour mieux rentrer dans le rôle, elle se conduira même comme une de ces garces qu’elle a tant cotoyées.

SALOPE

Elle hurle. Je souris.
Enjoy ma belle…

Et je me glisse à la recherche de mon frère que je reconnaîtrais même dans l’obscurité la plus complète.

Auteur : Aknahau Slavar
14/05/06 18h25 | 24 Volcan 3724

J'enfile un imperméable, et sors. Il fait froid, j'ai envie de vomir. Il pleut, il fait froid. La soirée c'est achevée, délire psychédélique, échevelée de coke, de vice, de souffrance et de jouissance. Tel les marionnettes sans visages d'un théatre d'ombre, les participants sont rentrés, épuisés, rassasiés de came et de lubricité dans le confort rassurant de leur anonymat.

Elle est restée en position foetale sur le lit, couverte de bleus, de brûlure, de traces de fouet, de sperme, de merde. Elle n'a pas hurlé une seule fois de la soirée. J'aurais préféré. Quand tout le monde est sortie, elle a remarqué la malette, l'a ramassée, et l'a cachée au milieu de ses pauvres frusques. Puis, elle est rentrée dans la salle de bain. L'eau coulait encore quand je suis sortit.

Shkaliah m'a regardé, et j'ai vu dans son regard la même lassitude qu'y habitait mes pensées. Notre but nous oblige au pire. Je n'ai jamais été aussi proche de tout plaquer. Je rentre dans une ruelle attenante. Ordures, murs lépreux. La pourriture est même ici. Surtout ici, en fait: je repense à la soirée. Ces riches décadents sont aussi problématiques que les miséreux à l'avènement de l'ordre nouveau. La route sera encore longue.

Je vomis un immonde mélange d'alcool et de bile entre deux poubelles. Quelle différence entre le directeur du 5 ème bureau de coordination nationale et le dernier des zonards? A cet instant précis, aucun. Mais je me sens mieux. Je rentre. Shkaliah m'attend. On a un peu baisé, cette nuit. Plus pour ne pas paraître louche que par envie. Dans mon cas, en tout cas. Je regarde ma montre, six heures. Je vais rentrer chez moi. Keld m'attends. Je tire une trace, pour me remettre, trouver le courage d'affronter ces questions, de lui mentir. Il sont plus braves, plus rusés que nous le pensions. Aurions nous commis une erreur? La coke brûle mon sang, je retrouve ma volonté.

Ma soeur vient près de moi. Son visage exprime un instant un trouble, une peine que la coke efface bien vite. Je remets mon uniforme.

Enferme Sistra ici. J'enverrais un agent s'occuper de la nourrir. Rentre chez toi et repose toi, ma soeur. J'envoie Keld vers 15 heures chez toi. Je t'aime.

Elle caresse mon visage, m'aide à remettre mon uniforme. Une heure après, je retrouve Keld. Il ne pose pas de questions. Il a bien étudier son rôle. Je le brieffe un peu, mais il a l'air convainquant. Assez pour le rare voisinage de Shkaliah, en tout cas. Je lui dit de prendre un peu de repos, avant que nous partions. Le jeu d'ombre, la petite danse du mensonge va commencer. Pour le bien de tous.

Auteur : Kalyso
14/05/06 18h26 | 24 Volcan 3724

Définir la douleur est impossible tant qu’on ne l’a pas connue. Je pensais savoir ce que c’était. J’avais tort.
Sur tous les points j’avais tort.
Maintenant je gis, corps abandonné, sans force. J’aimerai me traîner jusqu’à un miroir, voir ce que ce monstre a fait de moi. Je hurle autant que mes forces me le permettent, mais personne ne répond.

L’horloge au dessus de ma tête indique que 2 heures se sont écoulées depuis sa venue. Des bruits de pas dans l’appartement m’indiquent que les domestiques arrivent. Je crie, appelle à l’aide, trop faible encore pour me lever.
Enfin, criant d’horreur, ma femme de ménage découvre mon corps. Je lui hurle que c’est une imbécile et qu’elle doit aller prévenir les secours.

Une journée à peine s’est écoulée. Cela m’a suffit à me remettre. Je suis dans l’hôpital le plus prestigieux de cette ville de merde. On me promet un nouveau visage pour la semaine prochaine.
Je m’en fous. Je veux un rail de coke.

Aknahau est là, bien sur. Il pleure comme un enfant, comme un mari, comme un père, comme un frère. Je lui assure que tout va bien. Les journalistes sont déjà venus. Je leur ai dévoilé mon visage jadis si merveilleux, et ils vont le dévoiler au reste de Lievanta. Martyr je suis devenue. Maintenant je suis certaine que notre plan marchera, et que bientôt notre petit « zoo » sera installé. Qu’ils crèvent tous.

J’ai ordonné une chasse à l’homme. Je veux que ces deux merdeux soient traqués, et qu’ils me soient amenés. Je la tuerai en premier, sous ses yeux. Avant cela je la ferai souffrir, physiquement, moralement. Ou mieux, alors qu'il pleurera éternellement sa douleur physique, j’en ferai ma petite chienne de compagnie pour le briser moralement.

Oui… Ma petite chienne de compagnie