Archives du Conseil > Plus qu'un état, un rêve...

Auteur : Kemeth
11/12/06 01h17 | 10 Aquan 3725

Au début, il n'y avait qu'une pièce. Et dans cette pièce, il n'y avait aucune conscience de soi. Aucun signe d'intelligence ni même de présence, aucun mouvement nulle part. Puis des images défilèrent. Qu'est-ce que cela signifiait ? Pourquoi ces images se montraient si fugitives ? A tel point qu'il était impossible de se souvenir de l'une d'entre elles ? Vint alors une lumière, si forte et douce à la fois qu'elle n'eut aucun mal à se faire une place dans cet esprit. Un esprit dont le sommeil se dissipait par l'action même et la puissance de la lumière.

Une vision... un mal être... un souffle douloureux... une bouffée d'air... un soupir... Le réveil...

Une jeune femme était allongée sur un tas de coussins moelleux. Elle se réveillait progressivement, dans cette pièce qu'elle avait vue au sein de ses songes, et pourtant elle ne se souvenait pas d'être jamais venue en ces lieux. Sa tête lui faisait affreusement mal et elle se sentait faible. Elle se leva doucement et eut un vertige, la faisant s'asseoir. Elle porta ses mains à son visage pour se le frotter vivement. Pourquoi ressentait-elle autant de fatigue ? Que faisait-elle là ? Et maintenant qu'elle y pensait, qui était-elle ? Voilà qu'en plus de se retrouver dans un endroit qui ne lui était pas familier, elle ne savait même plus quelle était son identité. Elle se concentra fortement, cherchant loin dans sa mémoire, mais celle-ci semblait vide de souvenirs, vide de tout ce qu'elle était et avait pu être. Peu à peu, elle fut gagnée par l’affolement. Elle jeta des regards partout en espérant voir quelque chose qui lui ferait retrouver ce qu'elle paraissait avoir perdu. Elle réussit à se lever et marcha, tant bien que mal, jusqu'à la porte fermée qui la faisait se sentir confinée dans un espace inconnu et quelque peu restreint. Ses jambes tremblaient énormément, elle manqua presque de tomber mais se rattrapa à l'aide d'un petit meuble en bois qui accompagnait la porte. Juste devant elle, se trouvait un miroir. Elle y regarda l'image qu'il lui renvoyait mais ne reconnut pas son reflet. Cela lui apprit toutefois qu'elle était brune, cheveux longs, peau très blanche et délicate, elle ne devait pas avoir plus de vingt cinq ans. Ensuite, après avoir marqué un temps d'arrêt afin de se reposer, elle alla fébrilement poser une main sur la poignée. Doucement, ou plutôt avec beaucoup de difficulté, elle la tourna afin de sortir de cet endroit. Mais à peine eut-elle aperçu un pan du mur appartenant au couloir qu'elle tomba nez à nez avec un jeune homme. Celui-ci avait apparemment marché jusqu'ici en rêvassant, sans faire attention à ce qu'il pouvait y avoir devant lui pendant son déplacement, car il bouscula la jeune femme en renversant sur elle le contenu du plateau qu'il portait. Immédiatement, il balança le plateau et rattrapa la jeune femme au vol pour lui empêcher une mauvaise chute, ce qui aurait pu l'affaiblir davantage, vu l'état dans lequel elle était. Puis il la lâcha et recula dans un sursaut surprenant.

- Merci... Enfin si j'ose dire... Mais si je n'avais pas ouvert cette porte, vous savez que vous seriez probablement rentré dedans sans préliminaires ? Enfin, encore une fois, si j'ose dire...

Lança la jeune femme sur un ton de soulagement mêlé à de l'amusement.

Le jeune homme, qui devait approximativement avoir le même âge qu'elle, lui fit lentement un signe affirmatif de la tête pour lui répondre, aucune expression lui montrant qu'il avait compris ou non sa tentative d'humour. Puis en croisant son regard, la jeune femme s'aperçut alors qu'il la dévisageait étrangement. Il plissait les yeux et l'observait de bas en haut comme s'il tentait, lui aussi, de se souvenir de qui elle était. Il recula ensuite d'un pas, tout en continuant sa troublante attitude. En fait, l'expression de son visage témoignait d'une certaine incompréhension, ainsi qu'une sorte de choc qui se serait abattu sur lui de plein fouet. Allons donc, quelle idée, choqué par un choc ? voilà une logique digne des plus petits. La jeune femme regarda le plateau et en conclut qu'il devait lui être destiné, mais dans ce cas, pourquoi avait-il l'air aussi étonné de la voir ? Ils restèrent ainsi, sans ouvrir la bouche, durant près d'une dizaine de minutes. La jeune femme se sentait plus que gênée par les regards insistants et bizarres de celui qui se trouvait en face d'elle. Elle s'était alors adossée au mur du couloir en attendant qu'il ne daigne prononcer un mot et lui expliquer enfin ce qui se passait. Jusqu'au moment où...

- C'est vraiment toi... Je n'hallucine pas... Tu es bien là...

Dit le jeune homme en tendant maladroitement une main vers le visage de la jeune femme.

- Eh bien... Je ne saurais pas vraiment vous dire si je suis en effet la personne à laquelle vous pensez, car je ne me souviens de rien du tout. Ni de vous, ni même de moi.

Répondit-elle en jaugeant cette main tendue dans sa direction.

Un des sourcils du jeune homme se haussa nettement, de son propre chef sembla-t-il.

- Tu ... ? Tu ne te souviens de rien ? Mais ... Voilà qui me déboussole encore plus et qui me déçoit... Je souhaitais justement que tu me dises ce que tu faisais là et ... et pourquoi tu n'es ... comment tu as ...

Le jeune homme bafouilla et s'arrêta tout bonnement de parler, pour certainement appeler à l'aide son calme et son sens du raisonnement.

- Je ne comprends pas... Je me trouvais dans cette pièce et vous teniez un plateau dans vos mains quand vous vous apprêtiez à entrer dans cette même pièce ... Enfin était-ce je pense votre intention, sans vouloir critiquer votre façon, si originale, d'ouvrir une porte. Ce plateau devait donc m'être destiné n'est-ce pas ?

Demanda-t-elle en pointant du doigt le plateau retourné sur le sol.

- Pourtant, voilà que vous trouvez que ma présence ici est anormale.

- Oh que oui, plus qu'anormale. Mais je crois bien que pour le moment je ne te dirais pas pourquoi... Laisse moi m'expliquer s'il te plaît avant de protester !

Surenchérit-il alors que la jeune femme avait esquissé un début de mot en fronçant les sourcils. Elle se sentait un peu mieux et elle n'avait plus droit aux regards de bête curieuse. Le jeune homme était pâle, mais rien n'indiquait qu'il était fou ou dangereux. D'ailleurs, elle sentait qu'elle pouvait lui faire confiance, l'avait-elle donc vraiment connu ?

- Ce plateau t'était destiné, oui. Ce qui n'empêche que ta présence est, comme tu l'as deviné et comme je te l'ai confirmé, totalement anormale. Si je ne te dirais pas pourquoi pour le moment, c'est parce que tu sembles déjà assez décontenancée par ce qui t'arrive... Et si tu savais ce que je sais, tu le serais encore plus ...

- Puisque, pour le moment comme vous dites, vous n'avez pas l'intention de me révéler ce qui fait de moi une personne qui ne devrait pas se trouver là, vous devriez donc ne plus en parler et cesser de me titiller nerveusement ... Pourrais-je au moins savoir qui je suis ? quel est mon nom ? Où sommes nous censés nous être rencontrés ?

- Tu t'appelles Mya Adenis. Tu es ... disons que tu étais militaire mais tu as subitement ... tu as quitté l'armée pour aller je ne sais où. Quant aux rapports que nous avions... je préfère ne pas non plus te le dire pour le moment.

- Est-ce vraiment afin de préserver mon esprit de tourments supplémentaires que vous entretenez tant le mystère ? Ou bien seulement par soucis de pouvoir mieux contrôler la situation ? Allons, j'aimerais avoir toutes les informations que vous avez sur moi, car peut-être que l'une d'entre elles pourrait me faire recouvrer la mémoire.

- Ecoute M...

Le jeune homme bégaya ce M et eut l'air de se raviser. Puis il reprit.

- Ecoute Mya. Il va falloir que tu me fasses confiance, loin de moi l'idée de vouloir contrôler une quelconque situation à part celle qui va nous pousser à chercher la vérité. Je ne pense pas que te donner ce que tu souhaites immédiatement puisse justement nous aider car ce que je sais n'est peut-être pas une vérité. Et l’impact des informations que je ne veux pas encore te divulguer pourrait te faire excessivement réagir. Ou bien peut-être ne me croirais-tu pas ? Dans les deux cas, ce sont des raisons suffisantes à mes yeux pour que je garde tout cela pour moi.

- Bien !

Fit Mya, sans faire le moindre effort pour essayer de dissimuler son agacement.

- Et si vous m'expliquiez pourquoi je me suis réveillée dans cette pièce ? je suis bien arrivée de quelque part non ? Je ne suis pas apparue comme par miracle, en ayant oublié ma tête au passage.

- Un ouvrier t'a trouvé inerte par terre. Il te pensait... enfin ... oui il te pensait morte. Tu es donc restée quelques jours à la morgue, jusqu'à ce qu'un ami à moi qui est assistant du médecin légiste, te reconnaisse ... Il m'a alors appelé afin que je vienne t'identifier...

- A la morgue ? Plusieurs jours ? Mais alors j'étais dans le coma ? Sûrement, suite à un accident ! Ca expliquerait pourquoi j'ai maintenant du mal à savoir qui je suis. Donc cet assistant du médecin légiste, je le connais ?

- Euh ... en fait non, et il ne te connaît pas vraiment non plus ...

- Merveilleux !

Dit Mya en haussant le ton.

- Une personne qui ne m'a pas connue en sait plus que moi sur moi-même ! C'est tout simplement merveilleux !

Son impatience était piquée au vif, accentuée par son affolement qui resurgissait de nouveau.

- Ca n'a pas d'importance, garde ton calme s'il te plaît. Suis-moi, nous allons nous installer en bas dans le salon. Ce sera un meilleur cadre pour continuer cette discussion et pour boire un bon thé chaud. Je suis tellement content de te voir...

- D'accord, mais avant ça, dites moi comment vous vous appelez.

- Je suis Kemeth d'Espheme. Maintenant que cela est fait, allons-y.

Auteur : Kemeth
11/12/06 01h47 | 10 Aquan 3725

Kemeth passa le premier afin de guider Mya. En croisant une fenêtre, elle regarda à travers la vitre et vit qu'ils étaient à un étage assez élevé. Peut-être le troisième ou le quatrième. Cette maison devait être immense car le couloir s'allongeait de plus en plus, à mesure qu'elle voyait défiler tantôt d'autres fenêtres, tantôt d'autres portes.

- Ce ne doit pas être très pratique pour se déplacer dans cette demeure, si pour aller dans un simple salon, il faut traverser des kilomètres de couloir.

- Non cette maison est très bien faite, avec des issues un peu partout afin de raccourcir les trajets. Seulement je viens d’emménager et n'ai pas appris par cœur les plans, alors je dois avouer que j'ai encore un peu de mal à m'y retrouver. Je crois bien que nous avons raté au moins trois issues pour l'étage d'en dessous. Mais à chaque fois que je m'en rends compte, je me dis que la prochaine est certainement plus proche...

Mya se demanda si elle était vraiment bien tombée. Kemeth pourrait-il l'aider à retrouver la mémoire alors que de toute évidence il n'était même pas aidé par la sienne ? Cette pensée la fit doucement rire, elle commençait à se trouver trop dure avec lui. Après tout, il était plein de bonnes intentions, du moins en avait-il l'air.
Ils arrivèrent enfin dans le salon, après avoir parcouru une grande distance qui avait complètement épuisé Mya. Kemeth la fit s'asseoir dans un fauteuil très confortable et s'en alla chercher de quoi boire et manger. Une forte odeur de neuf emplissait toute la pièce. Mya n'était pas dérangée par ces essences de cuir à peine inauguré, de plastique et de la tapisserie fraîchement posée.


Quand Kemeth revint, Mya releva la tête pour se rendre compte qu'elle s'était assoupie durant quelques minutes. Elle se redressa et se servit du thé et des biscuits, dans un plateau posé sur une petite table non loin d'elle.

- Revenons-en à là où nous nous sommes arrêtés tout à l'heure

Dit Mya, quand elle eut dévoré ses biscuits et avalé cul sec son thé. Celui-ci avait d'ailleurs été brûlant et sa langue était maintenant une sorte de masse dans sa bouche qu'elle ne ressentait plus vraiment, mais ça lui était égal et elle n'y pensa même pas.

- Est-ce vous qui vous êtes aperçu que je n'étais pas morte ? Ou bien était-ce votre ami ?

- Ce n'est pas très important de savoir cela...

- Dans ce cas pourquoi ne pas me répondre ? Ce n'est pas à vous de juger de ce qui est important ou non. Pourquoi votre ami a pu me reconnaître alors qu'il ne me connaît pas ?

- Les questions que tu poses sont sans intérêt Mya.

- Pour vous, je n'en doute pas, mais pour moi, toutes les questions qui me viennent à l'esprit ont de l'intérêt ! On voit bien que vous ne vous trouvez pas à ma place ! Peut-être que le plus petit détail pourrait être le plus efficace ! Pourrait être celui qui donne le plus de résultats !

- Je comprends ce que tu veux dire, mais dans ce cas, curieuse comme tu te montres, je vais finir écrasé sous le poids de tes intérrogations.

Kemeth fit alors un sourire à Mya, c'était la première fois qu'il lui souriait depuis leur rencontre, enfin, si on ose dire ... Ce sourire évacua une bonne fois pour toute le reste des soupçons que Mya avait contre Kemeth. Elle était maintenant certaine qu'il ne lui voulait que du bien et qu'il ne lui mentait pas.

- Dans ce cas je cède. Dites moi simplement ce que vous savez, de ce que vous pouvez encore me dire, et ce qui pourrait selon vous m'aider.

- Je viens justement d'avoir une idée. Nous allons nous rendre sur Vertana afin de camper en forêt, car je me souviens que tu aimais beaucoup la nature. Et là bas, je te raconterai la dernière partie de l'histoire de mes parents, car je la trouve intéressante.

Mya accompagna Kemeth jusqu'à un hangar d'une taille respectable. Il y avait très peu de vaisseaux et ils étaient les deux seules personnes présentes. Ils se dirigèrent alors vers un chasseur, qui se trouvait être le véhicule personnel de Kemeth. En effet, son nom était gravé en lettres noires aux contours rouges sur la coque, à côté d'un Tag. C’était un loup de couleur également noire.

- Joli dessin... Représente-t-il votre personnalité ? Sauvage et solitaire ?

- Pas exactement. C'est la légende du Loup noir Vralus. Celle-ci raconte qu'il a été frappé par une malédiction étant petit. Une malédiction non pas surnaturelle, mais tellement cruelle : celle d'avoir perdu sa mère à sa naissance. Son père ne s'en est pas préoccupé, ce n'est pas le rôle des loups mâles d'élever leurs progénitures. Vralus aurait dû alors mourir, mais l'injustice dont il était la victime l'a au contraire rendu fort, il a su se débrouiller seul, à un âge où un louveteau n'aurait normalement pas pu, mais lui l'a fait. Seulement sa nature profonde en fut à jamais changée, sombre et chaotique. Adulte, il avait une fourrure d'un noir parfait. Il était deux fois plus gros et plus fort que n'importe quel autre loup. Il a vécu très longtemps en régnant sur un état, sauvagement parlant, faisant sa loi et défiant ouvertement les hommes.

- Vous identifiez-vous à ce loup maudit ?

- Oui et non. Je suis comme Vralus, qui a grandi trop vite et trop seul. J'ai dû apprendre ce qu'était la vie par mes propres moyens. J'ai survécu en tenant à distance la mort et mes ennemis. J'ai arpenté la noirceur de mon être, celle qui habite chacun des êtres de l'univers. Et c'est là que j'ai découvert la malédiction de tous les hommes. Il y avait deux côtés bien distincts en moi, le bon et le mauvais. Je compris que je n'étais pas qu'une seule personne, mais bien deux, qui continuellement combattaient l'une contre l'autre pour asseoir leur suprématie et faire agir mon corps qui était leur champ de bataille et le point stratégique à posséder. Ainsi ma carcasse était disputée par mon mauvais côté et par mon bon. Et c'est ce dernier qui a vaincu, du moins je le crois... Le mal a tellement de formes qu'on pourrait le confondre avec le bien. Néanmoins je veux croire que je suis le bon côté de Kemeth d'Espheme. Je veux croire que mon destin est d'être une personne honorable.

- C'est drôle, je ne me souviens de rien et pourtant je suis certaine de ne pas croire au destin. Chaque choix que l'on fait nous dirige dans un sens ou dans un autre. Il n'y a pas de chemin céleste prédéfini qui nous est propre. Et puis s'il existait vraiment un destin, ce serait celui que chaque homme ou femme se forgerait.

- Non, le moindre choix que tu fais est influencé par ta personnalité, par ton caractère, par tes émotions, un ensemble qui fait de toi celle que tu es.

- Celle que je suis.

Mya se mit à rire.

- C'est une façon de parler, la mémoire te reviendra. Ce que je veux dire, c'est que tu penses avoir le choix entre plusieurs chemins mais ce n'est pas vrai. Quand ta route se trouve détournée, c'est que c'était destiné, par ton karma ou bien celui d'un autre qui faisait partie de l'équation. Une personne est comme ceci ou comme cela car il en a été décidé ainsi. Et comme nous sommes ce que nous sommes, nous ne pourrons que "forger" le destin qui nous a été tracé d'avance. Les éléments forment un tout qui nous pousse vers ce qui a été défini pour nous. Et notre malédiction à tous n'échappe pas à la règle.

- Et qui aurait la faculté de décider de tout cela ?

- Le ou les dieux, la ou les divinités ayant crée tout ce qui existe, un ou des êtres supérieurs sur le plan spirituel, que sais-je ? Je ne prétends pas savoir ce qui nous commande, je sais seulement que nous sommes commandés par une force invisible et toute puissante.

- C'est une théorie que je trouve un peu légère, vous me faites penser à un prêtre qui prêche la bonne parole de son dieu quelconque, bien que je ne sache plus comment se comporte réellement un prêtre... Bref... Je dis cela mais chacun ses croyances. Si ça se trouve, quand je redeviendrai moi, je me contredirai en affirmant qu'au final, je crois au destin... Oui... Quand je redeviendrai moi...

Mya s'évada dans des pensées obscures et sans fond. Elle se demanda brièvement ce que cela pouvait vouloir dire. Elle allait redevenir elle ? Mais en attendant que cela arrive, qui était-elle ? Un être perdu ? Oui, c'est bien ce qu'elle était, un être égaré qui cherchait son histoire, qui souhaitait la revivre une deuxième fois rien qu'en se souvenant de nouveau. Peu lui importait les mauvaises choses qu'elle avait pu faire dans le passé, elle était persuadée que globalement, elle était, tout comme Kemeth, quelqu'un de bien.

Ils montèrent à bord de l'appareil et s’installèrent aussi confortablement que possible. Mya ressentit alors immédiatement un malaise. Il n'y avait pas assez de place à son goût et ce manque d'espace la fit paniquer. Elle avait du mal à respirer et avait l'impression que les parois métalliques du chasseur se resserraient sur elle, comme pour lui faire comprendre qu'il lui fallait quitter les lieux, avant de se retrouver écrasée sans autre forme de sommation. Elle s'attendait à avoir très froid, autant que si elle était prise dans une tempête de neige, mais pourquoi ? Kemeth remarqua rapidement cette réaction et tenta de la rassurer, lui expliquant qu'elle devait tout simplement être claustrophobe. Il lui conseilla de fermer les yeux, de respirer profondément, doucement. Il lui raconta quelques âneries afin de la faire penser à autre chose. Cette technique fut certes très efficace, mais ne manqua pas de faire tourner kemeth au ridicule. Bientôt, Mya eut une crise, mais c'était de fou rire. Elle se remémorait les différentes histoires que Kemeth venait de lui raconter. Elle voyait très bien la scène de l'une d'entre elles : Kemeth dans une grande rue bien peuplée, marchant normalement, jusqu'à croiser une belle jeune femme. Ce n'était rien au premier abord, mais Kemeth est un homme, fallait-il le rappeler ? Oui, car la suite coule donc de source : Il fut subjugué par cette magnifique jeune femme et continua de marcher sans regarder devant lui, décidément ce devait être une habitude chez lui. Alors Bien sûr, ce qui devait arriver arriva, il rencontra un obstacle. Mais cet obstacle n'était pas une porte, il était minuscule, c'était un tout petit chien qui n'avait rien trouvé d'autre à faire que de se tenir au mauvais endroit, au mauvais moment. Kemeth se prit les pieds dans l'animal et eut droit à une fantastique gamelle qu'il se souviendra à jamais. Le chien, pour sa part, tira sûrement au moins une leçon : Il vaut mieux éviter de rester immobile au milieu des inconscients que sont les humains. L'histoire de Kemeth qui avait confondu un sabre avec un serpent, puis un ours avec un arbre dans la même journée, l'avait également amusé. Ce n'était certainement pas un aventurier, elle se demanda comment il avait pu survivre aussi longtemps alors qu'il était de toute évidence plus dangereux pour lui même que pour les autres. Mais quand elle se remit de son fou rire, elle put se rendre compte qu'ils avaient décollé depuis un moment et que la planète Vertana était déjà en vue. Kemeth n'était peut-être pas un héros, mais il savait apparemment s'y prendre dans certaines situations.

Le reste du voyage ne prit pas un temps considérable. Moins de vingt minutes plus tard, ils pénétraient déjà dans l'atmosphère de la planète aux couleurs verdoyantes. Ils atterrirent bientôt à proximité d'une forêt gigantesque que Kemeth semblait connaître. Mya le surprit à maintes reprises en train de regarder un point précis, puis un autre, tout en ayant un sourire un peu idiot. Là, elle ne se demanda pas vraiment ce qui avait pu se passer et le faire sourire comme cela, il ne faut pas oublier encore une fois, que c'était un homme. Elle avait beau avoir des lacunes en ce qui concernait ses souvenirs, elle pensa toutefois ne pas avoir perdu une opinion sur eux : ce sont tous des obsédés ! Il avait dû avoir quelques aventures dans les environs, le genre d'aventures qui riment plus avec rapprochements corporels qu'avec dangers.

La nuit était tombée quand ils arrivèrent là où Kemeth désirait se rendre. C'était une petite plaine au beau milieu d'innombrables arbres. Si Mya avait été seule, elle aurait eu l'esprit moins tranquille car elle ne distinguait plus le passage qu'ils avaient empruntés pour venir ici. Le vent se chargeait au minimum de lui jouer des tours, comme lui faire croire qu'une créature se déplaçait à côté d'elle, alors que ce n'était qu'une branche qui venait tout juste de tomber. Les divers bruits des animaux nocturnes faisaient planer autour d'elle une lourde ambiance inquiétante. Elle se voyait se faire attaquer par des bêtes sauvages qui n'auraient rien à faire de son avis au sujet de sa chaire qu'elle ne considérait pas une seule seconde comme comestible. La lumière de la lune aurait dû l'apaiser, mais elle était sévèrement filtrée par l'épais amas de branches et de feuilles qui l'empêchaient d'atteindre son visage. Sa douceur aurait pourtant renforcé son courage qu'elle essayait d'élever au rang d'insouciance raisonnable. Puis il lui sembla que les arbres s'étaient illuminés, ce qui la réconforta énormément. Ce phénomène était accompagné par une chaleur, et par ... une odeur de fumée ? Mya se retourna et vit que cela provenait du feu de camp que Kemeth venait d'allumer à l'instant. Il s'était peut-être donné la mission de le faire avec esthétisme, car il avait placé tout un tas de grosses pierres autour du foyer. Mya s'approcha du feu et retrouva la quiétude d'une belle nuit. Kemeth sortit une petite fiole de sa poche et commença à répandre son contenu sur les pierres qui encerclaient les braises flamboyantes.


- Qu'est-ce donc que vous versez ?

Demanda Mya dont la grandeur de la curiosité n'était plus à prouver.

- De la pure essence de glace éternelle.

- Cela existe vraiment ? Et ce n'est pas rare ? Qu'est-ce que cela va faire exactement ?

- Cela existe bien oui. Quant à sa rareté, tout dépend des personnes que l'on connaît. Un mage spécialisé dans l'eau saurait en faire, même si cela demande une parfaite maîtrise de l'élément à un niveau très poussé. J'en ai une bonne quantité en stock, car ma mère ... Ma mère était un Maître Mage. Elle était dotée d'une puissance phénoménale. Pour ce qui est de l'utilité de cette substance dans un cas pareil, c'est assez simple. Les vapeurs glaciales qui s'échappent de l'essence pure créent une sorte de bouclier autour du feu. Ce bouclier n'est pas assez
froid pour empêcher la chaleur de nous atteindre, mais il contient un peu le feu et éteindrait la moindre braise qui pourrait s'envoler, évitant qu'elle n'aille enflammer la forêt environnante.


- Je comprends. A propos de votre mère, Vous vouliez justement me parler d'elle, ainsi que de votre père.

- Oui, une fois que nous aurons dégusté les grillades que j'ai apportées, je te raconterai cela.

Auteur : Kemeth
11/12/06 07h58 | 10 Aquan 3725

Le dîner fut un délice. Mya ne s'était pas attendue à apprécier autant cette viande grillée. Elle était bien consciente d'avoir aussi oublié ses goûts, mais quand elle avait vu la chaire animale, elle n'avait plus vraiment été certaine d'avoir faim. Puis la bonne odeur des grillades était venue chatouiller son nez et côtoyer ses envies. Elle s'était alors dit : Bah, essayons ! Et quelle bonne idée que ce fut. Maintenant elle était complètement à l'aise, assise là dans l'herbe, à regarder ce feu qu'elle trouvait de plus en plus bienveillant. Jusqu'à ce qu'une chose anormale se passe. Un filament lumineux apparut soudainement, droit devant elle, à quelques mètres. Ce filament était fin. Il ondulait à la manière d'un serpentin. Son éclat aux milles couleurs émerveilla Mya qui fut encore plus stupéfaite de s'apercevoir qu'il n'y en avait pas qu'un seul, mais des milliers. On aurait dit de petits êtres de lumière qui tournoyaient, contournaient les arbres, rendaient grâce à la nature en la caressant à leurs passages. Des millions de petites sphères très brillantes vinrent bientôt attirer son regard. Elles étaient regroupées en diverses formes, faisant chacune penser à un humain ou à un tourbillon, à un nuage de beauté, à la quintessence de la vie.

- Je suis le témoin d'un monde céleste...

Fit-elle doucement, des larmes dans ses yeux exprimaient à quel point elle était touchée.

- Il y a ici des entités dont je n'avais même pas imaginé l'existence et celles-ci évoluent dans l'air comme si la gravité leur était favorable.

- Ce doit être la magie. Elle est plus présente dans les forêts de Vertana que dans n'importe quel autre endroit. Cela provient des sources de mana que l'on trouve abondamment en ces lieux. Je n'ai pas la possibilité de voir ce que tu as la chance d'observer, mais je peux d'ici sentir ton cœur s'abandonner à cette magie.

- Il est vrai que ce qui s'offre à ma vue me fait littéralement fondre. Pourquoi puis-je les voir et pas vous ?

- Car je n'ai pas de dons concernant ceci. Contrairement à toi. C'est d'ailleurs la principale raison de notre venue, et on progresse car tu commences à retrouver un peu de ton passé. Maintenant, je vais te parler de mes parents :

- Il y a de ça vingt sept ans, une flotte peu importante arriva dans notre galaxie. Elle venait d'un état lointain dont la planète, qui s'appelait Tosla, était dirigée par une union de Tyrans. Après plusieurs mauvais agissements de ces derniers, le Ministre économique de l'état en question décida qu'il était temps de partir, de trouver la paix ailleurs, puisque ceux qui étaient à la tête de sa planète natale ne souhaitaient que le pouvoir et exerçaient le leur par la domination des pauvres esclaves qui auraient dû être de simples citoyens. Ce Ministre aurait peut-être dû orchestrer une rébellion, mais il n'avait pas le cœur à combattre, il trouvait plus facile de tout quitter. Certains penseraient que c'était de la lâcheté, d'autres que la guerre n'engendre que la guerre. Ceux qui lui étaient proches et à qui il faisait confiance le suivirent, étant d'accord avec sa conclusion. Ils trouvèrent ainsi cette galaxie, avec un choix multiple de planètes puisque qu'il n'y en avait pas moins de cinq. Ils choisirent Galactica, ayant reçu des rapports économiques persuasifs, et contactèrent un état du nom d'Espheme. Cet état était très jeune, tout comme celui qui le gouvernait, mais par chance pour le ministre, c'était un refuge pour les opprimés. Tous étaient acceptés et protégés, dans la limite du possible. Ils avaient trouvés une terre d'accueil où il faisait bon vivre. Mais c'était sans compter sur les Tyrans de Tosla. Ils donnèrent l'ordre à leur meilleur Capitaine de prendre avec elle une flotte conséquente et de ramener le Ministre vivant, afin de l'exécuter publiquement. L'idée étant de continuer leur règne par la terreur et de réduire à néant d'autres éventualités de fuite comme celle-ci.

Il se passa quelque temps sans encombre. L'ancien Ministre, du nom de Kaytano Woolake, avait pris l’habitude des conditions climatiques de sa nouvelle planète, quand la flotte du Capitaine de Tosla arriva. L'état fut immédiatement pris d’assaut, il n'y eut pas de morts mais beaucoup de gens furent prisonniers. Le Gouverneur fut interrogé, torturé afin de savoir où se trouvait Kaytano, puis ils l'abattirent quand ils furent certain que jamais il ne leur révélerait cette information. Alors, les officiers Toslaïens procédèrent à un ultimatum continue. Ils firent circuler un message dans tout l'état, ils tueraient cinquante citoyens d'Espheme toutes les heures, tant que Kaytano ne se serait pas rendu. Ce dernier ne mit pas longtemps à sortir de sa cachette car il ne désirait pas que des dizaines de personnes meurent par sa faute. Il s'était résigné à devoir mourir pour cesser ces atrocités. L'amertume le gagna, car il se mit à repenser aux pauvres habitants de Tosla qu'il avait abandonnés, pour rien. Avant d'aller se rendre, il a écrit ces mots dans son journal :


Folie qu'est l'espoir
Cruel tunnel noir
Nous vivons pour souffrir
Jusqu’au point d’en mourir
Pas de pitié pour ceux qui ressentent
Trop de chagrin, de morts déchirantes
Pas de répit pour ceux qui veulent croire
Au rêve, mais liberté illusoire.



Puis il alla à leur rencontre. Il fut emprisonné et la flotte Toslaïenne s'apprêta à repartir mais le Capitaine retarda le départ, elle voulait s'entretenir avec Kaytano avant de faire quoi que ce soit d'autre. Les officiers émirent des protestations mais celles-ci tombèrent rapidement dans le silence. Je viens bien de dire "elle". Le Capitaine de la flotte Toslaïenne était en effet une femme. L'ancien Ministre ne s'était pas attendu à cette visite et pensait recevoir une sévère correction, mais ça n'arriva pas.


- Pourquoi avez-vous fuit, Monsieur le Ministre ?

Lui demanda-t-elle.

- N'est-ce pas évident ? Tosla est devenue source de douleur, physique et morale. Ces chiens se fichent bien du peuple qu'ils exploitent. Et vous les militaires, vous êtes à leurs bottes.

- Les militaires ont été endoctrinés, presque formatés. Ces chiens, comme vous dites, détiennent des technologies qui jouent contre nous. Ils ont un programme qui leur permet de voiler l'esprit et s'en servent sur ceux qui travaillent directement pour eux. Vous êtes parti juste avant d'y avoir eu droit.

- C'est encore plus horrible que ce que je pensais ! Et vous, vous cautionnez cela n'est-ce pas ?

- Vous l'aurais-je dit si c'était le cas ?

- N'avez-vous pas été endoctrinée ?

- Ils ont essayé, mais je fais partie du Grand Ordre Magique, on ne voile pas mon esprit aussi facilement.

- Je ne connais pas cet ordre ... Mais même si c'était vrai, que fait un de leur membre dans l'armée s'ils savent et sont conscients de toute cette injustice ? Soit vous servez vos ennemis, soit, comme je le disais, vous cautionnez tout cela.

- Je ne sers que mon Ordre et je suis dans l'armée en tant qu'espionne. Je devais infiltrer le haut commandement mais je n'ai pas réussi car il n'est composé que des Tyrans. Néanmoins, je suis restée afin de récolter des informations. Quand j'ai su que vous aviez pris la fuite, j'ai demandé à être le commandant de la flotte qui devait vous ramener. Maintenant je vais reposer ma question, en plus complète : Pourquoi avez-vous fuit, Monsieur le Ministre, au lieu de monter une rébellion ? Vous n'auriez pas eu le soutien des militaires et vous le saviez, vous ne vous y seriez donc pas risqué, mais vous aviez assez de contacts pour déclencher un chamboulement, pour organiser un mouvement, qui aurait grandi de plus en plus.

- Et cela aurait fini par une guerre...

- Bien sûr que cela aurait fini ainsi ! Mais comment pourrions-nous libérer le peuple en agissant autrement ? Vous n'auriez rien pu faire par la politique et vous le savez très bien.

- Oui je le sais. Mais la guerre n'est pas une solution, elle ne fait qu'assouvir les instincts primaires de l'homme. Les morts seraient majoritaires et au final les Tyrans auraient gagné, car à quoi sert la liberté s'il n'y a pratiquement plus personne pour la vivre ?

- Vous êtes vous demandé ce qu'en pensaient ceux qui pourraient mourir dans cette guerre ? Moi oui et quand j'ai posé la question à de nombreuses personnes faisant partie du peuple, j'ai à chaque fois eu le même genre de réponse : Mieux vaut se battre et mourir pour la liberté que vivre toute une vie dans l'asservissement, la honte et la torture. Le peuple ne demande qu'à se battre pour gagner leur liberté, mais il leur faut un dirigeant, un homme capable de les mener à la victoire.

- Cet homme ne pourrait pas être moi. Folie qu'est l'espoir... C'est un beau rêve mais cette liberté est illusoire.

- Le simple fait d'espérer est une pure folie, il n'y a pas de plus grande vérité. Pourtant, paradoxalement, nous ne pourrions trouver le bonheur sans avoir d'espoir. Il n'y a pas de détermination sans espoir, il n'y a pas de principes ni de but sans espoir. Et sans l'espoir il n'y aurait pas d'hommes et de femmes biens. Ressaisissez-vous, Monsieur le Ministre, et je vous soutiendrai.

Kemeth cessa de raconter son histoire et remua les braises mourantes avec une longue branche. Etrangement, ce récit inspirait quelque chose à Mya. Lui avait-on déjà raconté ? Elle croisa le regard de Kemeth et vit que celui-ci était triste.

- Ces deux personnes étaient vos parents, n'est-ce pas ?

- Oui. Cette conversation figure dans le journal qu'a écrit mon père, voilà pourquoi je peux te la réciter au mot près.

Auteur : Kemeth
11/12/06 08h02 | 10 Aquan 3725

- Espheme ... C'est le nom que vous m'avez dit porter. Vous ne vous appelez pas comme votre père ? Et puis ce nom, c'était le nom de l'état-terre d'accueil non ?

- Si, je m’appelle comme lui car mon père en a changé un peu plus tard, il a opté pour celui-ci, Espheme. Puis ce n'était pas qu'un état, c'était une idéologie, un concept, une voie, un rêve. C'était la possibilité de vivre en paix et de protéger les citoyens. Ainsi, même si la première Espheme ne vécut pas longtemps sous la forme d'un état, elle resta vivante pendant des années jusqu'à sa reconstruction.

- La première Espheme ? Cet état n'existe plus ?

- Pas le premier du nom, il a été rasé il y a 25 ans. Voilà comment cela s'est passé :

- Mon père et ma mère furent enfin d'accord sur la nécessité d'une guerre pour permettre au peuple de Tosla de devenir libre. Mais il leur fallait concevoir un plan d'action et pour ce faire, il leur fallait du temps. Ma mère convainquit les officiers de Tosla que s'emparer de l'état qui avait accueilli le Ministre pourrait leur valoir des tas de récompenses. Elle laissa voguer le fait qu'avoir une base militaire dans une autre planète servirait grandement aux Tyrans, car ils auraient par la suite la possibilité de conquérir encore plus de terres. Les officiers furent tout de suite enthousiasmés par la vision des lauriers et ne cherchèrent pas plus loin que le bout de leur nez. La flotte fut donc mise en hangar et mes parents purent tranquillement parler de leurs plans de rébellion.

- Ont-ils réussi à monter ces plans et à les mettre en place ?

- Malheureusement non. A cause d'un facteur qu'ils n'avaient pas prévu, l'amour. Ils tombèrent sous cette emprise et se concentrèrent moins sur leur objectif. Une année plus tard, je vins au monde. Ils me firent sortir du territoire pour ma protection, ainsi que la leur. Mais leur couple fut bientôt découvert. Les Toslaïens essayèrent de les tuer et dans l'attaque, mon père fut grièvement blessé. Ma mère, de rage, tua la dizaine de soldats qui s'en était prise à eux. Puis elle fit en sorte que mon père me rejoigne en sûreté, où il eut de précieux soins. L'ancien Capitaine de Tosla, ma mère, forte de son immense pouvoir, resta à Espheme pour affronter ses ennemis et pour qu’ils se focalisent sur elle sans chercher à retrouver mon père. La journée d'après, Espheme subit de nombreux bombardements et fut détruite, ma mère mourut sous ce feu nourri.

- Je suis désolée de l'apprendre...

- Elle s'est battue pour ceux qu'elle aimait.

- Votre père s'est il remis de ses blessures ?

- De ses blessures oui, mais pas de la mort de sa bien aimée. Dés l'instant où il apprit sa perte, il ne fut plus le même et perdit goût à tout. Il a essayé de m'élever, mais il n'a pas réussi, il était tombé et n'arrivait pas à se relever. Alors, pour ce qu'il pensa être mon bien, il me chassa de chez lui à mes dix ans.

- Dix ans ? C'est tellement jeune ! Lui en avez-vous voulu ?

- Oui. Pendant longtemps, jusqu'à il y a deux années, quand j'ai appris sa mort. Je suis alors revenu dans mon ancienne maison, pour ne trouver qu'une cabane délabrée. Il avait repoussé tout ce qui ressemblait de près ou de loin à de la technologie. C'est une voisine à lui qui l'avait retrouvé mort, un matin. Il avait eu une crise cardiaque dans la nuit. Ses tourments, plus que le temps, l'avaient considérablement vieilli. Quand je me suis rendu sur place, j'ai retrouvé son journal dans lequel il avait écrit toute son histoire. C'est quand j'ai fini de le lire que j'ai cessé de lui en vouloir et qu'au contraire, j'ai ressenti de la peine pour lui. Mais j'ai également entrevu ce qu'avait essayé de fonder le jeune Gouverneur d'Espheme. Et en allant sur les décombres de l'ancien état, en creusant et en cherchant bien, j'ai pu me rendre compte qu'il y avait de la force dans l'idée qu'avait représenté Espheme et plus encore, une source intarissable d'espoir. J'ai alors décidé de rebâtir Espheme. Le projet a bien avancé. Elle est redevenue un état et elle se peuple au fur et à mesure qu'elle évolue. Je suis extrêmement fier d'en être le chef.

- Vous êtes chef d'état ? Je ne m'en doutais pas... Mais Vous n'avez pas l'air d'avoir un emploi du temps très chargé.

- Disons qu'il y a eu un léger contretemps. J'ai juste eu à donner les ordres appropriés, je reprendrai du service quand les choses seront de nouveau prêtes.

Mya se perdit dans ses pensées. Kemeth faisait parfois penser à un pitre, puis la seconde d'après pouvait se montrer si réfléchi qu'il y avait de quoi être dérouté. L'histoire de ses parents, qui ne devait pas lui être inconnue en temps normal, était très triste et la sienne n'avait pas l'air de l'être moins, mais il n'en avait pas dit beaucoup sur lui, à part parler d'une ou deux de ses convictions et exposer sa croyance ainsi que son espoir. Elle le soupçonna d'en avoir beaucoup bavé, au point de ne plus vouloir y repenser.

Auteur : Kemeth
11/12/06 08h13 | 10 Aquan 3725

Quelques minutes après, Kemeth se leva en jetant un regard contrarié au feu de camp. Ce dernier s'était éteint après une longue agonie.

- Je vais chercher du bois, je n'en avais pas pris assez. Je ne pense pas que tu auras peur dans le noir pendant mon absence. D'ailleurs, tu ne dois pas être dans le noir puisque pour toi, la magie éclaire les environs.

- Non c'est vrai, je vois comme si plusieurs lunes étaient sous mes ordres.

- Je suis certain que tu le souhaites.

Dit Kemeth en lui faisant un clin d'oeil, avant de pénétrer dans les bois.

Mya se dit que ce n'était pas faux. Mais elle se dit aussi que jamais la lumière d'une lune ne pourrait égaler celle d'un être céleste, comme elle les appelait, et ce même s'il y en avait des centaines. Après quelques minutes, son crâne commença à lui faire mal. Cela lui était arrivé une ou deux fois déjà et durant ces douleurs, elle voyait des flashs, des images qui défilaient trop rapidement pour en permettre l'analyse. Quand ce phénomène était passé, elle avait la frustrante impression que ses souvenirs venaient de la narguer sans s'ouvrir à elle.

Une branche craqua à plusieurs dizaines de mètres au devant...

- Avez-vous trouvé assez de bois ? Je peux vous aider si jamais vous av...

Deux ombres apparurent près de là où la branche avait craqué. Deux autres vinrent aussitôt les rejoindre. Etait-ce son imagination qui faisait des
siennes ? Peut-être que cette forêt était massivement fréquentée et que la plaine qui les englobait était une sorte de lieu de rendez-vous. Elle se leva, à tout hasard, et fut tout de suite certaine que ce n'était pas un effet d'optique, il y avait bien plusieurs personnes à quelques mètres devant elle, qui à présent venaient lentement à sa rencontre. Elle n'osait pas prononcer un mot, qui étaient-ils ? Pourquoi progressaient-ils de façon si étrange, en se dispersant ? Ils paraissaient tous tenir quelque chose dans leurs mains.

Ils arrivèrent ensuite dans le champs de lumière magique, projeté par les êtres célestes. Ces hommes se pensaient être encore dans le noir, car ils ne devaient pas percevoir une once de cette magie. Mya put donc voir ce qu'ils tenaient dans leurs mains, c'étaient des armes blanches. des épées, un sabre ou deux, des poignards étincelants, ils portaient une tenue ressemblant à celle des militaires. Elle s'était souvenue de ça, mais était trop pétrifiée pour penser au fait qu'elle avait enfin eu un souvenir concret. L'homme à leur tête s'arrêta, la fixa des yeux, et chargea sur elle avec brutalité. Mais sa charge fut stoppée par un objet venant des arbres à sa gauche, qui était sorti à une très grande vitesse. Il se planta dans son cou, ce qui le fit s'écraser au sol de tout son poids. Un deuxième homme avait chargé juste derrière lui. Il ne se préoccupa guère de cette chute et continua sa propre attaque. Alors, celui qui avait dû lancer l'objet surgit des ténèbres profondes recouvertes par les bois et para l'attaque avec son épée avant de faire reculer l'homme. Un troisième agresseur contourna le deuxième et fonça sur Mya. Le justicier passa rapidement devant lui en fendant l'air avec son arme. Le fonceur avait l'intention de persister mais ça ne lui était plus possible car son ventre était ouvert, il s'effondra juste après avoir regardé son sang couler à flot sur ses mains. Mya n'en croyait pas ses yeux, celui qui venait de lui sauver la vie n'était bien sûr autre que Kemeth. Il savait en fait très bien se battre, braver le danger lui était finalement plus aisé qu'elle ne l'avait cru. Il tenait en respect le deuxième homme qui le regardait avec colère. Puis le visage de ce dernier changea d'expression, un sourire mauvais s'afficha. Mya entendit alors un bruit de déplacement sur sa gauche, et quand elle y jeta un coup d’œil, elle vit avec horreur qu'un quatrième individu courrait vers elle avec une lame dans la main. Elle ressentit un frisson glacé parcourir tout son corps. Etait-ce la peur de mourir qui tenait à s'exprimer avant que la dernière lueur de vie en elle ne s'éteigne ? Un puissant fluide vint entièrement envelopper ses sens, rendant sa peur moins réelle. Mais malgré cela, elle ne put s'empêcher de tendre les mains vers son ennemi en signe de protestation. Pourquoi devrait-elle mourir avant de savoir qui elle était ?

L'individu arriva à sa portée et ralentit soudainement comme si un champs d'énergie empêchait son avancée. Ses yeux s'ouvrirent en grand et il tomba d'un coup, inerte, semblant aussi lourd qu'un rocher. Les trois personnes encore vivantes contemplèrent l'assaillant avec stupéfaction. Kemeth jeta un regard étonné à Mya, qui se voulait significatif. Il essayait apparemment de sous-entendre qu'elle avait retrouvé la mémoire. Elle lui répondit négativement d'un signe de tête. Qu'est-ce qui venait de se passer ? Comment était mort son agresseur ? Car elle était persuadée qu'il l'était, mais ne savait pas non plus pourquoi. Elle s'approcha du cadavre et toucha son front. Elle put à ce moment se rendre compte qu'il était gelé, en effet son corps était emprisonné dans une épaisse couche de glace.


- Laisse moi passer.

Exigea le seul militaire restant.

- Pour que tu accomplisses ta mission ?

Fit Kemeth en le menaçant toujours de son arme.

- Pour que tu la tues ? Jamais ! Elle vient à peine de revenir et vous voulez déjà la supprimer ? Laissez la tranquille ou je vous enlèverai la vie à tous.

- Tu ne sais pas qui sont mes maîtres, tu ne sais pas ce qui t'attend si tu ne me laisses pas finir.

- Au contraire, je sais parfaitement qui ils sont. Et je sais que je peux être un ennemi beaucoup plus coriace qu'ils pourraient le croire.

- Qu'est-ce que tout cela veut dire à la fin ?

S'écria Mya, au bord des larmes.

- Pourquoi veulent-ils me tuer ? Qui suis-je bon sang !

- A défaut de te rappeler, tu n'as toujours pas compris ?

Il sortit une sorte de bout de papier et le lança en direction de Mya. Elle le ramassa, c'était une photo. Dessus, il y avait deux personnes, une jeune femme et un jeune homme. La femme, c'était elle.

- Qui est l'homme à côté de moi ?

- C'était mon père.

- Mais ... Ce n'est pas possible ! Sur cette photo il est si jeune !

- Oui. Mais ce que je voulais te faire comprendre, c'est qu'à côté de lui, c'est ma mère.

Mya eut de nouveau un affreux mal de crâne. Les derniers mots de Kemeth l'avaient fortement perturbé. Pendant ce temps, le militaire avait tenté de forcer le passage mais n'avait pas réussi. Kemeth lui avait donné un ultime avertissement, mais l'homme n'avait pas l'air doté de raison, il s’était jeté une nouvelle fois sur Kemeth et avait rejoint ses compagnons dans la mort. Kemeth était ensuite allé s'asseoir près de Mya.

- Elle ... ? Je ... ?

- Ma mère s'appelait ... S'appelle Mya Adenis. C'est toi. J'aurais préféré que tu t'en souviennes de toi même mais les choses ont déjà failli dégénérer. Peut-être que cela va mieux t'aider. Ne me demande pas pourquoi tu n'as pas vieilli ni pourquoi tu n'es finalement pas morte, car ce sont les deux premières questions que j'ai voulu te poser quand tu es sortie vivante de la chambre mortuaire.

- Parce que la pièce dans laquelle je me suis réveillée était une chambre mortuaire ?

- Disons que cette pièce en a fait office. Comme je te l'ai dit, un ouvrier t'a trouvé par terre. C'était en ville près d'un réseau de galeries souterraines qui a été découvert en même temps que toi. Seulement il ne t'a pas cru morte, tu l'étais réellement ! Mon ami qui travaille à la morgue avait déjà vu cette photo, c'est comme ça qu'il t'a reconnu. Mais quelle ne fut pas ma surprise quand je vis que le corps de ma mère avait si bien été conservé qu'elle paraissait presque vivante et n'avait pas pris une seule année. Par contre, cliniquement, tu était bien morte. J'ai ramené ton corps chez moi. J’ai prié pour que ton âme repose en paix et j'ai concocté une essence servant à bénir l’être cher que l'on a perdu, avant de l'enterrer. C'était ce qu'il y avait dans le plateau qui a été renversé. Mais tu es revenue à la vie.

- Je ne peux être votre mère ... C'est vraiment impossible ...

- Tu vois, tu ne me crois pas et c'est bien normal. Mais je te demande de me faire confiance. Quand la mémoire te reviendra, nous saurons enfin ce qui s'est passé. Du moins je l'espère. Les hommes qui s'en sont pris à toi sont de Tosla. Mais je ne sais pas ce qu'ils font ici. Peut-être qu'ils me surveillaient. Les Tyrans ont pu également douté de ta mort, sachant à quel point tu es puissante.

- Je ne suis pas puissante !

- Regarde l'homme qui est tombé raide mort à tes pieds, c'est toi qui a mis fin à ses jours, mais c'était pour te défendre.

Mya ne pouvait en effet croire Kemeth, bien que la photo semblait vieille. Cela expliquerait certaines choses mais pour l'instant, elle décida de ne pas tirer de conclusion, d'attendre que tout lui revienne. Elle était incapable d'entendre un mot de plus et Kemeth le comprit, alors il installa leurs tentes et ils allèrent se coucher.

Auteur : Kemeth
11/12/06 08h25 | 10 Aquan 3725

Le lendemain, ils entreprirent de retourner au chasseur de Kemeth et de repartir sur Galactica. Mya n’osait plus regarder le jeune homme dans les yeux. Son scepticisme la poussait à ne croire que ce qui lui était prouvé. La photo n’était pas forcément une preuve car elle pouvait très bien avoir été trafiquée. Seule sa mémoire retrouvée donnerait donc raison à Kemeth, ou à elle de ne pas l’avoir cru tout de suite. Mais la confiance qu’elle lui accordait d’office lui faisait subir de la culpabilité. Kemeth essayait de l’aider et elle, elle se permettait de mettre en doute sa parole ? Elle était rongée par ses envies de le croire, de ne pas le croire et par son sentiment d’abandon à l’égard d’un homme qui a été jusqu’à lui sauver la vie. Il tenait à elle, elle en avait la certitude, mais pouvait-elle se fier aveuglément à ses sentiments ? Dans son esprit, il était clair que non. Et puis de toute façon elle ne se voyait pas du tout dans la peau d’un Maître Mage. Encore moins dans celle d’une mère dont le fils aurait son âge. S’il y avait eu un moyen d’empêcher la vieillesse, il aurait été exploité et personne ne redouterait plus le temps. Non, décidément, cette histoire sonnait faux. Et parallèlement, elle était logique en de nombreux points.

Arrivés devant le véhicule, ils aperçurent quatre vaisseaux à proximité. Ce devait être ceux des militaires mais rien ne laissait entendre qu’ils n’avaient été que quatre à venir dans les parages. Kemeth observa le ciel et resta un moment à méditer dans son coin. Mya, de son côté, se donna mal au crâne toute seule à force de se contredire sans cesse et de chercher ce qu’il convenait de croire. Kemeth décida ensuite qu’il fallait tenter une sortie et vanta ses extraordinaires talents de pilote. Plutôt que d’être impressionnée, Mya trouva cela drôle : Les hommes ont tellement besoin de fleurs et en reçoivent si peu qu’ils ressentent alors l’obligation de s’en envoyer.

La prudence est une chose dont il faut être dotée, tout comme la paranoïa qui peut parfois éviter de se retrouver dans une position très délicate. Mais ces deux choses sont à user avec modération. Trop de celles-ci gâcherait la vie de celui qui en abuserait. Kemeth devait savoir cela car même s’il fit attention aux alentours, il n’eut pas l’air d’éprouver une seule seconde le moindre signe de stress.

Durant le voyage, un nouveau mal de tête vint hanter Mya et persista plus longtemps que les autres. Mais à un moment, elle vit des images, des scènes, des visages. Elle entendit des voix et ressentit une immense peine. Elle se mit à pleurer sans savoir exactement pourquoi, jusqu’à ce qu’enfin des bribes de sa mémoire lui soient rendues. Elle se souvint de l’homme présent sur la photo et sut alors qu’elle l’avait vraiment aimé, d’un amour comme elle n’en avait jamais connu avant lui. Ses souvenirs revenaient petit à petit et confirmaient les dires de Kemeth, elle était bien Mya Adenis. Elle évacua sa colère et sa tristesse en versant énormément de larmes. Son Kaytano était mort et avait mal vécu en pensant qu’elle avait été tuée. Toutes ces années qu’elle avait passées enfermée par elle même... Quelle ironie, car c’était sa parfaite maîtrise de la magie qui lui avait fait défaut.


- Kemeth, mon fils, je suis si fière de toi.

- Que racontes-tu ? Tu ne me fais plus la tête ?

- Non. Non car je me souviens enfin de qui je suis. Tu es devenu un homme fort, bon et respectable. Tu te bats pour de nobles idéaux qui me rappellent ton père. Lui aussi aurait fait cela, s’il avait fait plus confiance à son propre courage et à ses capacités.

- Mya... Mère ! Je commençais à me dire que tu errerais à jamais dans l’oubli du passé ! Quelle joie ! Oh mon dieu merci !

Explosa Kemeth en se retournant et en l’enlaçant.

Mya sourit. Elle savait maintenant qu’elle considérait le destin autrement que ne le voyait Kemeth. Pour elle, il n’y avait pas de dieu, ni d’autre destin que celui étant forgé par chaque être humain. Son opinion sur les hommes était moins dure que la Mya amnésique. Car Kaytano, et à présent Kemeth, lui avaient montré que les hommes pouvaient être doués de bonté, de sensibilité, de courage et d’honneur. Elle eut par contre de la répugnance en pensant à la viande qu’elle avait ingurgitée et même appréciée. En effet, Mya était végétarienne et ne souhaitait pas négliger ce principe, ce régime alimentaire qu’elle jugeait essentiel. De son point de vue, l’homme n’était pas un animal et ne devait donc pas se comporter comme tel.


- Il faut vraiment que tu me dises comment tu as fait pour tromper la mort.

- Vraiment ? Je pourrais peut-être aussi te faire languir comme tu l’as fait à propos des informations qui me semblaient cruciales.

Répondit Mya en feignant un air sérieux.

- Je suis désolé. J’ai pensé que c’était le mieux à faire. Tu n’étais pas forcément prête à entendre ce que je savais.

- Et je crois que tu as eu raison.

Fit-elle en souriant de nouveau.

-Je vais te dire ce dont je me souviens :

- Ce jour là, je savais déjà que la flotte Toslaïenne allait attaquer et peut-être détruire tout l’état en entier. Les officiers voulaient être certains que je sois morte et n’avaient pas à lésiner sur les moyens employés, ni sur les dégâts occasionnés. Leurs esprits étant voilés, les rendant presque inhumains, et ayant en tête que je m’étais moquée d’eux, il ne pouvait en être autrement. Je me suis donc dit qu’il valait mieux leur faire croire à ma mort. Je me rappelle avoir cherché quelques temps le plus d’habitants possible, mais je n’en ai rencontré aucun.


- Je sais pourquoi. Je te l’ai dit, Espheme est un concept, un ensemble d’idées axées sur la protection. L’état repose dans son intégralité sur un système de bunkers améliorés, cent fois mieux que ceux qui servent à stocker des ressources. Ainsi, quand il y avait une alerte, tout le monde pouvait aller se réfugier et ne pouvait plus rien risquer s’il y avait une attaque massive. Seulement je pense qu’ils n’étaient pas au point dans leur organisation, ce qui explique pourquoi les Toslaïens ont pu leur tomber dessus avant que tous les habitants ne se soient mis à l’abris. Durant l’occupation permanente, les réfugiés ont dû s’échapper et aller ailleurs. Mais quand la flotte s’est regroupée pour détruire Espheme, les habitants qui restaient n’étaient plus surveillés et ont pu alors rejoindre les bunkers et fuir comme les autres. Sans leur gouverneur, ils n’avaient plus rien à espérer d’autre de ce qui avait été un rêve. Mais ce rêve, je l’ai retrouvé dans le journal de père et dans les décombres de l’état tombé. Aujourd’hui, notre organisation, qui comprend une alerte rapide et contrôlée, permet une fluidité de la circulation telle, que nous abriter ne demande pas beaucoup de temps. Nous avons pu tester l’efficacité il y a peu, quand une flotte importante a détruit Espheme. Il n’y a eu aucun mort ! Seule la perte des bâtiments était à déplorer, mais ce sont des choses que l’on peut reconstruire et la vie est plus précieuse que l’acier ou que les crédits.

- Je comprends mieux. J’ai tellement plus de raisons d’être fière de toi. Ton père et moi ne connaissions pas l’existence de ces bunkers car nous vivions à l’écart des autres. Nous n’avions pas l’habitude de voir un peuple si soudé et je crois bien que nous avons eu la crainte de ne pas pouvoir nous y intégrer. Pour en revenir à mon histoire, ce jour là, j’ai cherché des habitants afin de les prévenir mais ils devaient déjà être hors de danger, ce qui me rassure. Mais en faisant cela j’ai perdu un temps considérable et quand j’ai vu que la flotte était sur le point de débuter sa quête de destruction, j’ai décidé d’employer une technique apprise durant mes batailles. Par un procédé assez simple mais long à expliquer, j’ai fait en sorte de me retrouver enterrée cinquante mètres sous terre. Je n’aurais pas pu survivre normalement mais la technique n’est complète que quand je m’enveloppe totalement dans un grand bloc de glace, c’est ce que j’ai fait. Ma maîtrise de l’esprit me permettait de me faire entrer dans un sommeil qui aide à supporter ces conditions. Je pouvais me faire me réveiller quand je voulais et me sortir de ma prison à n’importe quel moment.

- Impressionnant, tu es bien un puissant Maître Mage comme le décrit père dans son journal. Mais cela n’a pas fonctionné ?

- Si. Tout a fonctionné. Sauf que le bloc de glace devait être contre une plaque de fer ou quelque chose dans ce genre là, car quand les bombardements ont commencé, j’ai ressenti des vibrations métalliques qui sont devenues très violentes. Mon équilibre spirituel en fut affecté au point de ne plus réussir à me maintenir endormie. Mais ce réveil brutal à entraîné une réaction en chaîne qui m’a fait perdre la mémoire. Je me suis réveillée sans pouvoir bouger, dans de la glace sans savoir ce que je faisais là, ni même qui j’étais. Ma peur a pris le dessus et de terreur j’ai dû m’évanouir, en tout cas je crois. La seule explication que j’ai pour la suite c’est qu’inconsciemment j’ai réussi à faire sortir mon âme de mon corps, pour survivre au froid dont je n’étais plus protégée à cause de ma perte de souvenirs. Sans mon âme, mon corps s’est retrouvé dans un état profond de sommeil, similaire à la mort, proche de celui qu’il devait atteindre. Ayant tout oublié, je ne savais plus comment retourner dans mon corps, et même si j’avais réussi, je serais morte de froid. J’ai du resté comme cela toutes ces années et j’ai sûrement occulté mon premier réveil au sein de la glace ainsi que la vision de mon âme hors de moi. Avec le temps, la plaque de fer a dû remonter progressivement à la surface, en entraînant le bloc. La glace qui constituait ce bloc pouvait résister à l’ensevelissement mais pas à la chaleur d’une étoile, il a donc dû fondre. Mon âme a dû ensuite suivre mon corps quand il a été emmené. Je pense que si j’ai réussi à réintégrer mon corps, c’est grâce à tes prières. Cela n’a pas été la volonté d’un dieu mais j’ai dû les percevoir.

- Cela expliquerait tout en effet. Pour ce fer dont tu parles, ce devait être le réseau de galeries qui a été découvert en même temps que toi. Il est composé de tubes gigantesques de métal. En fait il n’est pas remonté tout seul, ce sont les ouvriers qui ont creusé pour le remonter car nous l’avions vu sur nos écrans en sondant le terrain. Et le bloc de glace dont tu parles a également été signalé mais le jour suivant, ton corps a été retrouvé. Ils n’ont pas essayé de chercher d’où tu venais. Moi non plus d’ailleurs, j’étais trop perturbé.

Auteur : Kemeth
11/12/06 08h33 | 10 Aquan 3725

Arrivé à Espheme, Kemeth contacta le centre de commandement afin d’avoir des informations sur une éventuelle flotte qui se dirigerait vers eux. Effectivement, une flotte arrivait mais elle n’était pas très imposante, et il ne pouvait être sûr qu’elle était de Tosla. Kemeth et Mya se dirigèrent à proximité d’un bunker, pour prévenir afin de ne pas devoir guérir.

- Que vas-tu faire à présent ?

- Si tu le veux bien, j’aimerais retrouver une fonction similaire à celle que j’avais dans l’armée. Si tu as la possibilité d’engager un autre Capitaine, je voudrais postuler. Je ne peux pas retourner sur Tosla pour le moment mais je m’inquiète de ce qu’a pu devenir mon Ordre. Si je t’aide à augmenter tes effectifs militaires, m’aideras-tu plus tard ?

- Bien sûr ! C’était dans mes intentions d’aller voir là-bas, une fois que j’aurais eu les forces nécessaires justement. Espheme a donc un nouveau Capitaine et il est plus que digne de ce nom.

- Inscris-moi sous le nom de Mya Espheme, si cela ne te dérange pas.

- Tu as le droit de porter ce nom autant que moi. Bien, nous n’avons plus qu’à attendre de savoir si cette flotte est hostile ou non. Il n’y a que quelques chasseurs et peu de croiseurs d’après le rapport que je viens de recevoir, il ne s’agit donc peut-être que d’un pillage.

En tant que Capitaine, Mya décida de se rendre au centre de commandement afin de vérifier cela sur place. Kemeth lui demanda de faire attention à elle et partit de son côté, voir si la reconstruction avançait ou avait pris du retard.

Il s’avéra en fait que la flotte était bien d’origine Toslaïenne. Kemeth ordonna l’alerte et fit déployer une défense à des points stratégiques. Il s’apprêtait à courir vers le bunker le plus proche quand il sentit que quelque chose de grave allait arriver. Cette impression lui était parvenue sous la forme d’un malaise, d’une douleur à l’endroit de son cœur. Est-ce que ses tripes se resserraient pour le mettre en garde ? Il se dirigea vers le chantier de construction et remarqua qu’une personne se tenait debout au bord et au sommet du plus haut des bâtiments. Une vie est une vie ! Il n’était pas question que quelqu’un meurt par une attaque et surtout pas par celle de Tosla. Mais quel inconscient pourrait se croire à ce point invulnérable, jusqu’à se montrer ouvertement, provoquant la mort en se moquant d’elle ? Qui aurait envie de mourir sans avoir peur que cela arrive ? Kemeth se précipita dans les escaliers du bâtiment et commença à gravir les étages qui le séparaient de ce fou qui souhaitait causer son propre anéantissement. Les réacteurs des monstres aériens firent trembler les vitres et certaines cédèrent, tandis que le chef de l’état Espheme accélérait en sentant une pression peser sur son audition. Il arriva alors sur le toit et aperçut le plus fou de son peuple. En vérité, c’était une folle. Sa longue robe blanche et sa cape noire qui lui couvrait le dos ainsi que le visage étaient entraînées vers l’arrière. Elles stagnaient presque dans l’air en provoquant des bruits d’étoffe, sévèrement malmenées qu’elles étaient par un vent violent, insensible et continue. Kemeth s’avança et fut surpris de la voir écarter les bras comme si elle avait l’intention de sauter. Il ne faisait pas attention aux alentours, comme toujours. Quand une chose monopolisait sa concentration, il ne voyait plus que cela et se fichait du reste. C’était un comportement dangereux, mais c’était le siens. Ainsi la flotte Toslaïenne était toute proche et pointait droit dans leur direction.


- Mademoiselle ? ! Je ne sais pas ce qui a pu vous faire en venir là, mais je suis certain que cela peut s’arranger. Venez avec moi, prenez ma main ! Nous devons rejoindre les autres, nous éloigner du danger !

La femme se retourna et ses yeux s’écarquillèrent, tout comme ceux de Kemeth. Celle a qui il parlait en ce moment même était Mya. Ils se regardèrent tous deux avec un grand étonnement, puis avec une profonde peur quand ils se rendirent compte que l'être le plus cher à leurs yeux n'avait plus le temps de fuir. Ils se jetèrent l’un sur l’autre dans un même mouvement alors que les chasseurs étaient juste sur eux. Les lieux furent rasés en un seul passage. Le toit reçut une vague déferlante de lasers et de nombreuses balles tirées par les techno guerriers ennemis. Un nuage épais de poussière s’appropria les parages, faisant tousser Mya qui se leva avec difficulté. Il lui sembla qu’elle était blessée, mais ça ne devait pas être grave.

- KEMETH ??

Hurla-t-elle avant de perdre l’équilibre.

Elle voulut se remettre debout mais sentit que son appuie était plus mou que de la pierre, c’était de la peau. Elle se colla contre Kemeth et posa une main sur son visage. Il avait l’air encore vivant. Il reprit peu à peu connaissance et la regarda avec de petits yeux faibles.


- Pourquoi ? Pourquoi être venu ? Pourquoi te jeter comme cela, tête baissée, dans le danger ?

- C’est... C’est toi qui me demandes ça ?

Fit Kemeth avec beaucoup de mal.

- Que voulais-tu faire... Mourir ?... Pourquoi ? On vient à peine de se retrouver...

- Non mon fils, ce n’est pas ce que je voulais faire... Kemeth ? Kemeth !!!

Mais ce dernier ne pouvait plus entendre ces appels. Il gisait là, aussi immobile que le sol sur lequel son sang se propageait. Mya appuya sa tête contre le torse du jeune homme et éclata en sanglots. Il ne pouvait pas périr, il ne pouvait pas laisser tous ceux qui avaient besoin de lui. Il ne devait pas être le dernier porteur de ce rêve qu’il avait su rendre de nouveau possible.

Auteur : Kemeth
11/12/06 08h39 | 10 Aquan 3725

Le cimetière était rempli de monde. Tous étaient venus rendre hommage à celui qui leur avait permis d’éviter tant de fois la faucheuse. Il avait été adoré, admiré, respecté. Il avait été un grand chef d’état et un guerrier talentueux. Ces derniers mots avaient été prononcés par Mya, à l’égard de son fils dont elle pleurait encore la perte, et qu’elle pleurerait longtemps. En ressortant, elle croisa plusieurs Ministres qui riaient fort, sans aucune gênes. De toute évidence, ils n’avaient pas apprécié le Gouverneur d’Espheme et étaient plus que ravis de le savoir mort. Mya se promit de faire disparaître leurs sourires dans pas moins de temps que dans l’immédiat. Elle se dirigea vers eux puis s’arrêta devant le premier Ministre, qui devait remplacer Kemeth.

- Bonjour à vous. Je tenais simplement à m’entretenir avec vous sur un point qu’il me semble important de régler.

- Ah... Et quel est-il ?

- Je voudrais savoir de quelle façon nous parlerons du Gouverneur Kemeth dans l’avenir ? Sera-t-il mentionné comme ayant été un simple chef ? Un grand Gouverneur ? Ou bien l’équivalent d’un Roi dans toute sa splendeur ?

Le premier Ministre ne comprenait pas où voulait en venir Mya et semblait maintenant faire plus attention à son comportement. Mya devina ses pensées : Pour prendre la place d’un homme comme kemeth, il lui faudrait respecter, ou du moins faire semblant de respecter, l’image de celui que le peuple avait tant aimé.

- Cela ne fait aucun doute que Kemeth d’Espheme avait la démarche d’un Roi. Son éclat était tel que chaque homme se trouvait bien simple à côté de lui.

- Clarifiez cela au peuple, Monsieur le premier Ministre. Kemeth était donc un Roi, non pas une imitation ?

Le premier Ministre jeta un regard noir à Mya, puis escalada un mur afin que le peuple présent puisse le voir et entendre ce qu’il avait à dire.

- Ecoutez moi tous. Je suis Utek Malus, prochain Gouverneur d’Espheme. Je voudrais, en ce jour funeste, déclarer que je n’ai jamais rencontré d’homme plus brave et plus grand d’esprit que celui que l’on est tous venus pleurer. Kemeth d’Espheme n’était d’ailleurs pas un simple homme, c’était un Roi. Oui un Roi !

De nombreuses personnes acclamèrent le premier Ministre et répétèrent ces paroles « Oui un roi ! ». Mya monta alors aux côtés du Ministre et déclara d’une voix forte :

- Si Kemeth était bien un Roi, alors nous devons considérer que son sang était royal ! Je me présente à vous comme étant la sœur de Kemeth d’Espheme. Dans mes veines coule ce sang royal qui a fait de notre cher disparu, la réincarnation du premier Gouverneur d’un état qui a survécu au malheur maintes fois. Je demande à prendre la place de mon frère et me soumets volontiers à un test qui prouvera que je suis bien de sa famille.

Le premier Ministre devint blanc et glissa du mur. Il atterrit sur un autre Ministre qui n’avait pas non plus aimé cette dernière intervention. Néanmoins les choses étaient en marche, le peuple avait décidé. Mya fut désignée nouveau Gouverneur de l’état. Elle n’avait pas pu accepter de laisser cet homme aux commandes, car il ne se serait pas préoccupé de ce qu’était vraiment Espheme. Tuer un rêve était un crime qui pourtant n’était pas punissable aux yeux de la justice. Mais Mya entendait les choses autrement et avait pris les rênes afin de préserver ce rêve.


A suivre...