Archives du Conseil > La fin, le renouveau et une nouvelle histoire.

Auteur : Namaj Vüenthal
14/08/06 00h12 | 40 Desertan 3724

« Pourquoi m'aider à redevenir ce que je n'étais pas ? demanda Malinia d'une douce voix.
- Pourquoi ? s'étonna Namaj Vüenthal. Parce que nous avons besoin de toi.
- Nous. Mais nous ne sommes rien. Tu n'es qu'un papillon aux ailes jaunes et je ne suis qu'une brume hivernale.
- Je ne suis qu'un papillon mais qui aime que la brume se lève à l'aube.
- Que veux-tu de moi ? La dernière fois qu'on s'est vu, c'est lorsque je suis apparue.
- Mon frère... Mon frère n'est pas mort.
- Et ?
- Il vient sur la Sableuse demain.
- En fin de journée ?
- Non, en début, à l'aube. Il atterrit juste avant que le soleil ne se lève.
- Il y a un arbre ?
- Oui, un camphrier.
- En plein désert, un camphrier. Où vont les hommes ?
- Mon frère n'aime pas les hommes. Vous non plus, il me semble.
- Certains sont bons, mais ils sont rares.
- Vous avez voulu qu'ils meurent tous pourtant.
- Oui, mais ce n'était pas moi.
- Qui alors ?
- Anahita l'immaculée.
- Tu... Tu es l'im... l'immaculée conception...
- Je ne suis qu'une brume hivernale. Je suis dans un endroit qui n'a pas d'odeur, qui n'a goût de rien, qui n'a aucune couleur, qui n'émet aucun son. Comment pourrais-je savoir qui je suis. Je ne l'ai jamais su. C'est vous qui m'avait fait.
- Erreur, bizarrerie, accident. Bel accident, magnificence délurée, accorte douceur de la vie. Je ne regrette rien.
- Et votre frère ?
- Mon frère veut vous voir ?
- Moi mais je ne suis rien.
- Oui une brume hivernale.
- Non. Je suis un aquilon d'été.
- L'été n'est rien.
- Je suis rien.
- Mon frère...
- Comment s'appelle-t-il ?
- Keyrato. Keyrato veut Anahita. Il veut l'Hymne des Eaux.
- Pourquoi ?
- Comme vous, comme elle.
- Le sable n'est pas que beau au fond de l'océan.
- Oui, mais la silice si.
- Et vous viendrez avec moi.
- Où ?
- Sur une branche du camphrier voir le soleil.
- Pourquoi pas. J'ai toujours aimé la soie.
- Vous pourrez rester sur mon épaule autant de temps que vous voudrez.
- Merci. C'est un honneur.
- Que dois-je faire maintenant.
- Essayer de faire revenir Anahita en vous. Elle était votre substance, votre imaginaire, vos pensées, vos rêves, vos nuits, vos chagrins, votre vie.
- Je ne suis rien, elle est tout pour moi.
- Oui, mais vous devrez vous réchauffez. Vous allez me geler les ailes.
- N'aimez vous pas le vent, les bises.
- Si mais les vraies. Mon frère pourra vous en faire. Je lui dirais.
- Et tout votre travail.
- Mon travail ?
- Vos recherches ne sont pas vaines.
- Il reste Anahita.
- Retrouverais-je mes hommes de mains ?
- Vos amis.
- Mes quoi ?
- Vos amis.
- Je n'ai... Je n'ai jamais eu d'amis.
- Des gens que vous côtoyez souvent et que vous enlacer.
- Ce sont ça des amis.
- Oui. Anahita le sait.
- Mais...
- Exprime tes sentiments.
- Non, jamais.
- Alors te pleure plus.
- C'est Anahita.
- Trop facile. Tu est vierge.
- Je suis une brise qui n'a jamais touché que la mer.
- La mer est vicieuse.
- Je ne le suis pas.
- Non, mais...
- Anahita ne l'est pas.
- Comment pouvez-vous le savoir ?
- Pou... Pourrais-je un jour vous donner ma fleur.
- Je ne butine que les plus belles fleurs. Les roses.
- Vertes.
- Vertes, noires, roses. Peu importe. Le plus important est le métissage des idées, des cultures.
- Est ce pour cela l'Hymne ?
- La mort est une bonne façon de se métisser.
- La vie aussi.
- Je suis content de t'entendre dire ça, Malinia.
- Pourrais-je demander à Anahita un corps moins immaculé ?
- Une rose reste une rose quelque soit sa couleur.
- Une rose blanche, bronzée naturellement, des cheveux noirs, des lèvres fines mais pas trop non plus, une belle finesse.
- Attachés comment les cheveux ?
- Je pensais détachés, mais il me vient une idée.
- Laquelle ?
- Relevés à l'arrière, mais attachés. Vois-tu ?
- Oui, ça me rappelle quelqu'un. Elle était dans un fiacre dans une grande ville très peuplée.
- Les yeux, j'hésite entre un chouilla bridés ou non.
- Comme tu veux. Une colombe vole même avec du plomb dans les ailes.
- Pourquoi dis-tu cela ?
- Tu comprendras bientôt.
- Puis-je y aller ?
- Sur ta branche ? Bien sûr. Vole ma colombe.
- A bientôt, Namaj.
- A tout de suite. »



Rutilant et silencieux, un astronef atterrit sur le haut d'une dune. Du sable vola tout autour puis retomba sans un bruit.
Le camphrier regardait à longueur de journée la flavescence du sable. Les feuilles vibraient sous l'effet d'un grand frais, les branches aussi.
Assise sur la branche horizontale la plus haute, Malinia scruta l'homme qui sortait de l'engin métallique. Il était loin d'être beau. Il était grand, un peu bossu et la tête était effrayante. L'homme devait être fatigué, exténué d'une vie au lourd passé, d'un passé qui ne se raconte pas au premier venu.


« Monsieur Vüenthal ? » cria Malinia du haut de l'arbre. L'homme leva la tête, cherchant d'où venait le son. Il trouva la femme. Il essaya de la dévisager. Elle était trop loin.
« Montez je vous pris. » L'homme escalada aisément le mastodonte. Une fois sur la branche, il s'assit à côté de Malinia. Il ne la regarda pas. Le soleil se levait, il allait bientôt apparaître de derrière l'horizon. Les premières lueurs pointèrent leur nez. Puis ce fut un feu d'artifice. Les yeux durent rapidement fermer leurs paupières pour filtrer l'éblouissant soleil.

« Il est à vous ce papillon ? demanda l'homme.
- Oui. C'est le votre aussi. C'est votre frère.
- Mon frère.
- Vous êtes bien M. Vüenthal ?
- Oui. Mais vous pouvez m'appeler Keyrato.
- Keyrato, voici Namaj.
- Il est trop jaune.
- C'est le sable qui fait ça.
- Il aurait du rester près de la mer.
- L'Hymne... (Un silence perdura. Une heure sans un mot, seulement le bruit assourdissant du vent dans les oreilles).
- Je vais refaire les erreurs du passé.
- Mais avec moi.
- Oui, avec vous. Ces erreurs vous les corrigerez au même instant où je les ferrais.
- D'accord.
- Anahita ?
- Oui.
- Bien. La lumière renaît toujours des cendres.
- Les colombes qui se font plomber tombent par terre. La terre se macule de sang et d'os.
- Malinia.
- Oui ?
- Namaj. Ce papillon sur votre épaule. C'est bien Namaj.
- Oui.
- Salut frérot. Comme au bon vieux temps, hun ? »

La femme et l'homme restèrent un bon bout de temps assit, sans rien dire, sans rien faire. Le passé est loin, le futur n'existe pas, le présent est à toi.

Auteur : Namaj Vüenthal
14/08/06 01h08 | 40 Desertan 3724

« Ici ?
- Oui ici. Ca fera l'affaire.
- Et cet arbre ? On le coupe ?
-Ca va pas.
- Oh, j'ai rien dit, c'est bon. »

Il ne fallait pas toucher au camphrier de Malinia. On ne touche pas à la Nature. On peut la détruire mais si et seulement si elle reprend ses droits après et si ceux-ci sont beaucoup plus forts.

« Comment fait-on pour tout remettre en un clin d'oeil ?
- Tu appelles les maîtres mages. Faut bien qu'ils bossent ceux-là. Ils sont payés gracieusement rien foutre et nous quedal pour un labeur laborieux.
- Si j'ai bien compris, ils avaient tout garder en mémoire quelque part. Les scientos ont été congelés. Les pauvres. Enfin bien fait pour eux, ils ont pas qu'à gagner autant.
- Ouai mais pour les infrastructures ?
- Une nouvelle technologie. Tout dans le sol. De la silice terraformée, je crois. Enfin un truc de scientos.
- T'y connais q'dal quoi ?
- Ouai. Mais c'est Malinia, elle a un papillon sur son épaule. Il paraît que c'est une sorte de baguette magique.
- Magique ou non, j'aimerais bien lui la fourrer la mienne.
- Pas que toi, vieux. »

Des vaisseaux commencèrent à ombrager le sol. Un véritable essaim. Des milliers d'astronefs arrivant d'une contrée lointaine.


« Oh putain ! Regarde ça !
- Nom de Dieu ! Il manquerait plus que de voir le général sortir d'un de ces cuirassiers.
- Vous parlez de moi, monsieur l'ouvrier ?
- Oh Putain, regarde Gégé, c'est le général.
- Bonjour. Comment va ?
- Bah on a sécurisé le terrain pour les gars des bâtiments.
- Merci pour votre aide.
- Quoi, c'est vous les bâtiments.
- Oui. Ca pèse lourd tout ça. Et le sable n'est pas dès plus meuble par ici.
- Pour vrai, m'sieur le général. On a eu un mort. Des sables mouvants. »

Le général Locke ou bien encore le général Gonva Diwaku reprenait le service. Malinia était prête. Namaj aussi. Keyrato aussi.

Auteur : Namaj Vüenthal
14/08/06 19h34 | 41 Desertan 3724

« L'armée est prête mon général Locke, lança un capitaine encore peu connu à son supérieur (qui lui venait d'être rétrogradé pour manquement au devoir : les envouteurs n'avaient pas effectué leur tâche à la perfection, pour un amiral, ça faisait tâche.)
- Bien Iphrogias. J'espère que Malinia a fait le nécessaire pour les papiers à la Corporation.
- Non, c'est Keyrato, l'homme qui l'accompagne, qui a fait ceci. Malinia reste perchée sur son arbre. Elle contemple l'avancée des travaux.
- C'est vrai que refaire un Etat à neuf comme l'était le Cybélia, ça demande du travail. On vous a dit quand nous pourrons reprendre notre service, nous, à l'armée ?
- Non général. C'est l'affaire de quelques jours.
- Bien. »

Reconstruire le Cybélia. Reconstruire un Etat. Reconstruire une histoire. Refaire des livres d'Histoire. Ne pas faire les même erreurs.
Celles de Malinia étaient de vouloir préserver la vie.
Celles de Keyrato, un apatride de naissance, étaient de mépriser la vie.
Le mélange des deux devront apporter de nouvelles surprises, de bonnes, tout le monde espère, les espère.
Dalashinn. Desertica.
Reprendre les ruines de l'époque du Shadowsong, rebatir par dessus. Boire à sa santé.

Le ciel est en train de pleurer. Il est en train d'accoucher la douleur de la terre. Malinia est en dessous. Les cheveux trempés. Les cheveux attachés derrière en queue de cheval, mais remonter et attachés de nouveau. Les yeux : non, ils ne sont pas bridés, seulement le soleil est un brin plus fort dans ces contrés. Elle rit. Il pleut. L'Hymne des eaux, et si c'était ça. Rire pour voir la vie s'embellir et ne pas faire la guerre. Mais le papillon est là, il surveille, il guette le bonmoment.
Une révolution dans ce monde tâché par les valeurs, par les traditions, par les morales théistes.



« Messieurs, Mesdames, excusez moi, j'aurais du commencer par vous (Keyrato hurlait dans la salle, la salle qui lui était louée, deux crédits l'heure, pas cher.)
« Le temps est venu. Le temps de voir les cendres s'affaisées pour laisser place à la lumière, au feu. Oui à la lumière, celle d'un monde meilleur, d'un monde où l'on peut espérer quand il neige et quand il pleut, que cette pluie ou cette neige lave des désastres des humains.
«Oui, je proclame qu'en compagnie d'une femme, d'une belle brume brune, je vais travailler à que cet espoir puisse espérer et que tout le monde est une Olga la blonde.
«Oui, nous allons recréer mon oeuvre, ma création, la Sombre Destinée. Sombre non pas parce que tout le monde mourra, mais parce que la destinée doit mourir et donc être assombrie. La destinée n'existe pas. La mort si, mais elle est innéluctable. Penser au coeur, à la pluie, aux sourires des enfants qui s'éblouissent en admirant les rayons de soleil traversant les nuages de pluie. »

Tel un révolutionnaire qui ne prend pas sa retraite, il psalmodia durant un temps très inderterminé mais long.
La lutte n'est pas la finale, mais celle d'une vie que tout le monde ignore, car ce monde préfère rester dans son coin pour faire de la tune car la tune oui c'est le bonheur, oui c'est un bonheur artificiel qui s'échappe avec la mort de ce monde, un faux bonheur.

Auteur : Namaj Vüenthal
22/08/06 02h05 | 49 Desertan 3724

Pour accéder au patio, à la cour intérieur, il fallait monter un long escalier de pierres instables. Ces pierres furent montées une à une sur le dos de mules à une époque où il n'existait que le courage et la volonté d'hommes increvables pour élever d'immenses bâtisse.
Du bas de l'escalier, à midi, on pouvait voir le soleil posé sur la dernière marche. Pour le monter, il fallait être courageux et surtout adepte de la Gnose. Si ces deux conditions n'étaient pas respectées, les pierres bougeaient dans tous les sens pour déstabiliser et faire tomber l'enfant hérétique.
Mais l'escalier n'était pas tout. Après l'épreuve physique, le pénitent devait ouvrir sept portes, une pour un démon. Mais quels démons ? Ses propres démons.


Au milieu de la cour, une fontaine gisait seule attendant que le lierre qui s'en échappait
rejoigne les arcades qui entouraient la cour. Un autre escalier, plus petit, permettait d'accéder sur le dessus des quatre murs et à une cuisine. Des chats venaient de temps à autres ronronner allongés sur les dalles grises et noires anthracites, espérant chaque jour que le soleil ne se cache pas derrière les murs. Mais heureusement, les arcades sont des murs percés. Deux des chats étaient estropiés. Un était borgne et l'autre avait une patte qui boitait : marques d'un violent passé.


Il n'y avait aucun autre accès à cette cour, seulement l'escalier. Tout autour était érigé un mur. Non pas un mur de béton armé ou un mur magique mais un mur d'espoir, car l'espoir est le dernier à mourir.
De la cuisine, la vue était admirable, et c'était le cas de le dire. Des arbres à pertes de vue. Des arbres dessinés dans le sable chaud de la journée ensoleillée, dessinés par une femme et effacés par le vent.


« Ils n'ont pas changé en ces quelques saisons.
- Non, M. Vüenthal.
- Comment as-tu fais pour les supporter, Malinia ?
- Je ne les ai pas supportés. Je n'ai rien fait. Ils sont irrattrapables, perdus à jamais.
- Moi non plus. Ces sales gueux ne m'ont pas écouté ni répondu. Et ne pas pouvoir les voir les rend encore plus insupportables. Cette méprise de la vie. Cette morale à deux sous qui le tient jusque dans leurs os...
- Les tuer ?
- Non... En massacrer quelques uns pour être en bonne et due forme ou pour le fun, comme tu veux... Et puis les laisser vivre en paix, leur montrer affablement que ce ne sont que des vieux croutons qui mourront dans leur bonheur qu'ils auront chercher toute leur vie. Pitoyable.
- Pour leur profit...
- Exactement. »

Une échelle permettait d'aller de la cuisine au toit de la cuisine. Ca ne valait pas le camphrier de Malinia plus au Nord, plus dans les terres tempérées du Dalashinn.
Ils restèrent accoudés à la balustrade pendant un long moment jusqu'à ce que la nuit tombe.


« Regarde comme le ciel est beau et clair, s'étonna Malinia avec un sourire qui aurait pu lui remonter jusqu'au oreilles.
- Sûrement. Les étoiles ont toujours été belles.
- Je n'ai jamais regardé le ciel depuis La Sableuse. Cela est si différent de la Grande Bleue.
- C'est beaucoup plus silencieux ici à la première écoute, mais entre le bruit de la mer et le bruit des vents de sables, je ne sais pas quel son je préfère.
- L'un fait vivre et tue, l'autre tue simplement.
- Alors je préfère la mer.
- Mes les arbres ne poussent pas sur le mer.
- Non, c'est vrai. Pourquoi ce rapport avec les arbres ?
- Parce que... (une hésitation fit taire Malinia durant un bon quart d'heure) Parce que les arbres sont la vie, la vrai. Ils ne posent pas de questions. Ils poussent tranquillement, ils éparpillent leurs racines, ils ne demandent rien à personne, surtout pas aux hommes. Ils sont majestueux.
- Un homme peut l'être aussi.
- L'homme pue le poisson pourri.
- Oui, mais pas tous.
- Non, il y en a certains qui valent le coup. Toi par exemple.
- Non, je ne mérites pas de vivre. Je me suiciderais de nouveau une fois tout ça fini.
- Et ton frère ?
- Je ne veux te butiner que vivant pas devenu papillon.
- Avec des motifs connus de tous sur les ailes ?
- Pourquoi pas, Malinia ?
- Pourquoi pas... »

Les deux comparses redescendirent dans la cour, la cour des arcanes, celle où se prendront des décisions plutard dans l'année, dans le mois qui arrive, dans cette fin de Desertan, ce mois qui place la vie sous le signe du sable.

« Au fait, Malinia, quand veux-tu qu'on officialise, qu'on ouvre cette cour au grand public.
- Au grand public ? Personne ne passera ces sept portes.
- Oui, oui. »

Keyrato eut un sourire presque sadique qui s'esquissa sur ses lèvres. (Ils ont pas voulu me répondre au Siège, et bah ils verront, mais pour l'instant, on va y aller tranquillos, pensa-t-il)