Divers > Leur quête

Auteur : Kalyso
23/09/06 18h57 | 6 Galan 3725

Dis, on joue à un jeu ?

Un jeu ?

Oui. Un truc où on serait pas vraiment nous même, mais où on le serait quand même.

Je comprends pas…

Tu vas voir ! Moi je propose qu’on joue aux grandes personnes !

Aux grandes personnes ?

Oui ! Tu sais, comme à la papa maman.

La papa maman ?

Oui, comme ça. Sauf que ça, c’est bidon.

Mais pourquoi ?

Parce que j’en ai marre de ma vie. Alors je veux voler celle des grandes personnes.

Mais les grandes personnes, elles sont pas faciles à comprendre…

Oh t’es nulle ! Les grandes personnes, elles font ce qu’elles veulent ! Moi, si j’étais une grande personne, bah je tuerai toutes celles qui m’embêtent.

Non, ça c’est méchant.

Tsss toi et ton gentil caractère.

Moi je pleure pas dès qu’on me donne une fessée.

Moi je me cache pas dès que j’entends du bruit dans le placard.

Moi je ...

Bon. Tais toi. On joue.

D’accord. On joue à quoi ?

On joue qu’on est des grandes personnes. Je commence.
On disait que j’étais une fille. J’avais presque vingt ans.

Beuh c’est trop vieux !

Tais toi. Bon plus de dix huit en tous cas. Sinon c’est pas vraiment une grande personne.
On disait que j’étais amoureuse.

De qui ?

Oh tais toi. Laisse moi finir. On disait que j’étais une fille. De dix huit ans. Que j’étais amoureuse. Mais … mais j’étais triste aussi.

Pourquoi ?

Parce que je devais toujours me battre. Parce que je voulais pas être une fille.
J’étais une princesse en fait ! Et je m’enfuyais. Et je portais des pantalons ! Et même que tout le monde pensait que j’étais un garçon. Alors je rencontrai un monsieur qui m’apprenait à me battre.

D’accord. Mais moi je suis qui ?

Bah tu es le monsieur !

Nooon je veux être quelqu’un d’autre.

T’es pas drôle ! Tu verras on va bien rigoler !

Non je veux être une princesse moi aussi.

Alors moi je ne veux plus jouer.

Oh siteuplait. On joue, allez quoi !

Non. C’est décidé. Moi je joue plus. Moi je vais le vivre tout ça.

Les filles ! Arrêtez de vous disputer ! Venez m’aider à ranger. Il va y avoir un orage.



En sueur, les cheveux emmêlés, Kalyso s’éveilla en sursaut.
Ces rêves se faisaient de plus en plus fréquents. Et chaque fois, la voix de sa mère s’éloignait, et son visage s’effaçait d’avantage. La seule chose qui restait gravée dans sa mémoire était ce médaillon qu’elle portait. Médaillon qui était à présent autour de son cou à elle.
Elle but une longue gorgée à la gourde posée près de son épaule et soupira.
Non loin d’elle, il dormait. L’emmener avec elle était il une bonne idée ? Bientôt le soleil se coucherait, et il leur faudrait reprendre leur course. Leur fuite.
Elle rampa jusque lui et le secoua par l’épaule. Ses longs cheveux vinrent chatouiller les yeux de l’homme. Il battit des cils et se frotta le visage avant de se retourner dans un grognement. Elle se pencha, frôlant son oreille de ses lèvres et chantonna en Svetlïien.

Il est tôt ?

Pas loin de cinq heures je pense. Le soleil se couche. La neige va tomber.

Ne t’arrête pas de chanter.

Il ne fallait pas te réveiller. Allons ! Debout !


Tandis qu’il se levait, la jeune femme plia leurs minces affaires et scella les chevaux. Le médaillon émit une faible lueur. Le but était proche…

Kalyso… Je ne sais même pas pourquoi je te suis. Je ne sais même plus qui tu es …

Tu es venu à moi. Savoir qui je suis serait de trop. Me quitter serait idiot maintenant. Car maintenant, ceci… c’est notre quête !


Elle lui sourit et sauta à dos de son cheval. Ses longs cheveux s’envolèrent tandis qu’elle baissait la tête vers lui et lui adressait un clin d’œil.

Oui… C’était leur quête. Mais ils ne se rendaient pas encore compte à quel point….

Auteur : Aurel
23/09/06 19h46 | 6 Galan 3725

Il se hissa avec quelques difficultés sur sa monture et pressa doucement ses flancs. Le cheval s'élança sur le chemin herbeux à la suite de celui de Kalyso, d'abord lentement, puis de plus en plus vite. La piste était irrégulière, cela devait faire des mois, voire des années, que personne ne l'avait utilisée.

Halad regarda sa compagne avec admiration. Elle avait fait irruption dans sa vie telle une tornade, dans laquelle, il le sentait bien, il resterai toujours prisonnier. Enfermé dans une prison de cristal, se plaisait-il à se répéter.

Le jeune homme talonna sa monture pour venir au niveau de celle de Kalyso. Il croisa son regard et lui sourit.

Alors aujourd'hui non plus je n'aurai pas de réponse à mes questions ?

Kalyso sourit à son tour.

Me le demanderas-tu chaque soir ?

Chaque soir.


La jeune femme se contenta de le regarder, une étincelle d'humour dans les yeux.

Ne ris pas comme ça... J'aimerais savoir pourquoi nous chevauchons ainsi depuis si longtemps. Pourquoi nous nous cachons le jour et, dès le crépuscule, poussons nos chevaux tant que nous le pouvons.

Si tu savais, serais-tu plus heureux ?

Peut-être pas. Mais si je ne sais pas, pourquoi est-ce que je te suis ?

Comment pourrais-je le savoir ? Tu ne me l'as pas dit.

Et je ne le sais pas moi-même... Tu es si mystérieuse que je veux en savoir plus sur toi. Sur qui tu es. Sur ce que tu veux.


Halad sourit ironiquement et ajouta :

Je dois t'avouer que pour l'instant, te suivre aveuglément ne m'a guère contenté sur ce point.

A cet instant, Kalyso leva la main, faisant signe de s'arrêter.

Auteur : Kalyso
23/09/06 20h52 | 6 Galan 3725

La bonne aventure ! Madame ! Monsieur ! La bonne aventure !

Kalyso ri doucement tandis qu’Halad soupirait d’un air impatient.

Laissez nous passer. Nous avons d’autres choses à faire…

La vieille gitane qui les avait arrêtés s’éloigna du chemin en maugréant.

Tu n’aurais pas du faire ça….

Faire quoi ?

L’envoyer balader ainsi ?

Pourquoi donc ?

Elle risquerait de te jeter un sort !


Malicieuse, la jeune femme éperonna son cheval et partit en riant. L’air frais battant son visage. Dans le ciel, les étoiles s’allumaient une à une. Contre son cœur l’étoile de sa mère palpitait faiblement.

J’arrive maman….

Un bruit de galop attira l’attention de la jeune femme. Deux cavaliers la suivaient. La peur et la folie illuminaient leurs visages. C’était un homme et une femme, d’une trentaine d’années. Et ils avaient perdu le contrôle de leurs chevaux.
Au milieu de la route de campagne, une enfant jouait. Le couple dépassa Kalyso à une vitesse folle, celle-ci réussit miraculeusement à éviter un choc, et continuèrent leur course folle. Alors que la jeune femme pressait les flancs de son cheval, elle sentit les muscles de celui-ci se crisper. Il se cambra. Elle réussit de justesse à prendre appui sur son dos et sauta. Le plus loin possible. Et tout devint noir.

Une chaleur rassurante caressait son visage, enveloppait son corps. Près d’elle, une musique joyeuse était jouée. Une voix claire chantait en un langage inconnu.

Ou ??

Shhhh…


Elle ouvrit les yeux, luttant contre le vertige. Le regard inquiet d’Halad l’enveloppait, rassurant.

Ca c’était une chute…

Que…

Chut… Repose toi. Tu te rappelles du couple ? Et de la gamine ? C’était des gitans, tous les trois. Une mise en scène pour nous arrêter.

Les salauds…

Mise en scène qui a mal tourné…
Les parents ont perdu le contrôle de leur animal. Ils parlent d’un truc bizarre…le…Sabla…quelque chose…

SABLAZNI ??

Oui c’est ça. Ne t’agite pas. Ils galopaient vers l’enfant et …

Et heureusement que ce jeune homme a été là mademoiselle !! Ah ça oui, vous avez là un sacré garde du corps HA HA HA HA HA.


Poings sur les hanches, un homme les regardait, riant de toutes ses dents.

Il fallait voir la scène crédieu ! Il a foncé et sauvé Gina. Tout d’suite les ch’vaux se sont calmés.

Et il repartit de son gros rire.

Une heure plus tard, Halad et Kalyso était assis parmi les bohémiens autour d’un feu. Gina, la petite fille, chantait d’une voix douce, accompagnée d’un jeune garçon à la guitare. Une femme à la longue chevelure noire et aux yeux sombres – la mère de la petite – dansait devant les flammes. Son ombre se découpait sur le sol ne pouvait suivre ses mouvements graciles et rapides. Tous mangeaient, devisant joyeusement. Les jeunes gens avaient été accueillis par les gitans comme deux des leurs. A la fin du repas, des femmes et enfants entraînèrent Kalyso par la main tandis qu’Halad était poussé par de l’autre côté par un groupe d’hommes.

Ils lui tendirent un baton, se mirent en cercle autour de lui, et se mirent à crier en rythme.

Ils vous encouragent
– expliqua Sliann, un homme avec qui les deux jeunes gens s’étaient liés d’amitié. Ils veulent voir vos compétences au combat ! C’est grand honneur qu’ils vous font là, c’est une épreuve destinée aux hommes de notre cercle uniquement.

On lui banda les yeux. Tout autour de lui devint silencieux. Il eut juste l’impression de tomber dans le vide, de s’endormir doucement. Une voix de femme, profonde et chaude, l’entoura.

Elle t’a choisi.
Vous êtes ensemble maintenant.
Vous êtes les opposés qui s’attirent.
Vous êtes le noir et le blanc, vous êtes les infinis, vous êtes le début et la fin, le corps et l’esprit.
Vous êtes le juste milieu en étant aussi incertain que c’est possible.
Ne la laisse pas, et n’en attend pas moins d’elle.
Car votre quête, votre histoire, sera peut être courte, mais tout en même temps, éternelle.


Il sentit alors une douleur aigue dans sa tête. Tout devint noir. Et il continua de sombrer, dans l’obscurité, le vide, l’oubli. Combien de temps ? Jusqu’à ce qu’une main, fraîche, douce, se glisse dans la sienne.
Le bandeau lui fut enlevé, et il reconnut Kalyso qui lui souriait.

Joli. Je ne pensais pas que tu tiendrais si longtemps.

Ce n’est qu’à ce moment là qu’il comprit qu’il était dans l’eau jusqu’à la taille.

Combien…

Une bonne dizaine de minutes. C’est un rite. Ton esprit dépasse ton corps. Tu te forces à oublier la douleur. C’est… spécial et assez incroyable. Et en plus tu vas vouloir recommencer. Mais tu n’y arriveras pas. Mon conseil : tu n’éviteras pas la mort. Alors n’y pense pas.

Hein ?

Elle ri et le tira vers la berge. Victorieux, ils sortirent sous les applaudissements. Ce n’est qu’alors qu’il remarqua la tenue de son amie. Elle portait une longue robe rouge et allait pieds nus. Croisant son regard, elle ri de nouveau et fit quelques pas de danse au rythme éloigné d’un tambourin. Son dos dénudé était marqué d’une peinture noire.

C’est un encouragement. Une sorte de formule !

Les gitans les appelant, ils les suivirent jusqu’à leur village de fortune. La fête y battait son plein. Tous dansaient, chantaient... Au bout de plusieurs heures, Halad, fatigué, partit chercher Kalyso pour lui dire qu’il partait dormir. Il la trouva dansant et riant aux éclats près d’un feu.

Halad !

Kalyso! Je voulais te poser une question. J'ai vu ton trouble lorsque tu as entendu ce mot..Sablazn...


Elle s’écroula dans ses bras.

Euh… tu es sure que ça va ? Tu sens l’alcool et…

Oui hi hi. Je crois que j’ai un peu trop bu. Viens danser ! Elle Essaya de le tirer par la main mais il la retint et elle chancela de nouveau et tomba contre lui. Riant bêtement, elle se pressa contre lui et se hissa sur la pointe des pieds.

Promets moi que tu ne me laisseras pas, d’acc..d’accord ? Même quand tu sauras, tu me protègeras ? Hein ?

Te protéger ? De quoi ? Et qu’est ce je dois savoir ?

Non non non non non non non non non tu ne sauras…riendutoutdemoi !


Elle lui appuya un index sur les lèvres et ri de nouveau.

C’est un secreeeeeeeet oouuuuuuuuuuuh !

Il souri et la serra contre lui.

Je crois que tu as eu ta dose pour cette nuit. Viens, je vais te coucher.


C’est à ce moment là qu’il La vit. La vieille femme. La diseuse de bonne aventure. Assise près du feu, elle le regardait de ses yeux noirs à demi fermés. Lorsqu’il croisa son regard, elle leva lentement la main, et lui fit signe, d’un index ridé, de venir la rejoindre.

Auteur : Aurel
24/09/06 11h55 | 7 Galan 3725

Halad contemplait Kalyso avec tendresse. La poitrine de la jeune femme se soulevait régulièrement au rythme de sa respiration endormie. Il songea aux dernières paroles qu'ils avaient échangé avant qu'elle ne s'assoupisse, et ne put s'empêcher d'éprouver un étrange malaise.

Silencieusement, il s'éloigna de son amie et se dirigea vers l'arrière du campement. Les feux et la musique avaient baissé en intensité, à l'horizon le ciel commençait déjà à pâlir. Les uns après les autres, les gitans regagnaient leurs lits pour tomber endormis en quelques instants.

Halad se dirigeait vers une flambée située un peu en retrait. La diseuse de bonne aventure l'intriguait. Il n'avait jamais réellement cru à tout ce qui avait trait à la magie, et pourtant... Et pourtant, toutes ces fois où...

Non, sornettes que tout cela.

Halad arriva devant un petit feu de bois, auprès duquel était assise la vieille femme. Il hésita un instant, mais elle se tourna vers lui et dit :

Approchez, n'ayez pas peur, je ne vais pas vous manger !

Halad hocha la tête et vint s'asseoir face à elle.

La vieille le fixa silencieusement durant quelques secondes, une lueur malicieuse dans les yeux.

Alors, vous allez la suivre ?

De qui parlez-vous ?

De qui pourrais-je bien parler ?

Bien sûr que je vais la suivre.

Savez-vous dans quoi vous vous engagez ?

Non. N'est-ce pas ce qui fait la beauté de l'aventure ? Ne pas prévoir de quoi sera fait demain ?

Demain peut être fait de pleurs, de souffrance et de mort. Tout cela ne tient qu'à vous.

Que voulez-vous dire ?

Vous approchez d'un choix. Un choix qui, pour vous, changera tout. Ne vous trompez pas. Ne la quittez pas.

C'était vous, tout à l'heure, qui me parliez lorsque j'étais dans l'eau.

Désolé, mais vous vous trompez.

Alors qui ?

Quelqu'un qui s'intéresse à vous autant que moi.

Qui ?


La vieille femme sourit.

Peut-être serez-vous amené à le découvrir.

Le silence retomba entre eux.

Vous ne m'aidez pas beaucoup, constata Halad.

Je ne sais pas tout ce qui est, et je ne dis pas tout ce que je sais.

Qu'est-ce que le Sablazni ?

Cela aussi, vous le découvrirez. Chaque chose en son temps. Vous n'êtes qu'à l'aube de votre quète.

Je me demande pourquoi je vous parle.

Parce que vous êtes curieux, et que vous vous sentez pris dans les mailles d'un grand filet. Mais ce n'est pas le moment d'assouvir votre curiosité.


Le jeune homme se leva en étouffant un baillement.

Dans ce cas, vous me préviendrez quand viendra le moment.

Vous n'aurez pas besoin d'être prévenu. La connaissance viendra à vous. Si vous faites les bons choix...

Eh bien, je fais maintenant le choix d'aller dormir. Quand je serai plus en forme, je serai peut-être plus à même de me rendre compte de l'incohérence de vos paroles. Bonne nuit, vieille femme.

Encore une chose. L'aigle apporte la mort. Souvenez-vous en.

Dormez bien.


Halad regagna sa tente, miné par la fatigue. Son esprit fonctionnait au ralenti, et il ne tenta pas de dresser le bilan de la journée. Il tomba aux côtés de Kalyso et s'endormit comme une masse.





Bonjour, Halad.

Que fais-tu encore ici ?

Où donc pourrais-je aller ?

Laisse-moi dormir.

Tu ne veux pas m'écouter.

Non, je dors.

Il faudra bien que tu m'écoutes.

Je dors.

Tu devras m'écouter.

Je dors, j'ai dit !!!

Il le faudra. Où tu feras le mauvais choix.

Auteur : Kalyso
24/09/06 12h32 | 7 Galan 3725

Hmmm…

Halaaaaaad…

Hmmm…


Il ouvrit les yeux et découvrit Kalyso, accroupi près de son lit, le menton sur ses bras repliés. Elle avait repris sa tenue de route et le regardait en souriant.

Il va falloir qu’on se remette en marche.

Quoi ?

Le soleil va se coucher.

J’ai dormi longtemps ?

Toute la journée !

J’ai l’impression que ça a duré une heure, peut être deux…

Allez debout, on n’avancera pas longtemps aujourd’hui : nous y sommes presque.

Ou ça ?

Tu verras !


Elle lui adressa un clin d’œil et se releva.

Une demi heure plus tard, ils étaient prêts. Leurs chevaux, reposés et tapant du sabot, étaient chargés de divers présents.

Vous quitter empli mon cœur de tristesse.

Nous nous reverrons !

Quand donc, Dame Kalyso ? Nous sommes en perpétuel mouvement !

Je vous trouverai, les oiseaux sont mes amis. Ils voleront à moi, porteurs de nouvelles vous concernant.


Elle sauta sur sa monture, adressa un dernier sourire au groupe qui les entourait, et s’en fut sans se retourner.

Elle ne vous oubliera pas !

Sur ces derniers mots, Halad serra une dernière main et s’élança sur les traces de son amie. Alors qu’il galopait, il sentit un regard sur sa nuque. Se retournant, il la vit. Seule, sous un arbre, à l’écart des autres, la vieille le regardait, tendant un doigt vers le ciel. Au dessus de sa tête, un aigle planait en larges cercles.

Ils ne s’arrêtèrent qu’une fois pour laisser les chevaux se reposer. Kalyso restait étrangement silencieuse.

Dis moi Kalyso, qu’est ce que le Sablazni ?

Ne prononce pas ce mot à la légère… C’est le Démon

??

C’est une vieille croyance populaire. Un Démon qui prend pouvoir sur le corps de l’Homme. En gros.

Et en moins gros ?

Il faudrait s’enfoncer dans des récits que j’aimerais t’épargner… Plus tard !

Et …

Chut ! Tu as entendu ça ?

Quoi donc ?

Ils nous ont retrouvé….


Quelques secondes, la panique pu se lire sur le visage de la jeune femme. Elle sembla réprimer un sanglot d’impuissance, promena son regard des arbres serrés de la forêt qu’ils longeaient à Halad, et s’élança.

YAAA

Une longue course les tint en haleine. Poursuivis par des ennemis invisibles, ils poussèrent les chevaux à leurs limites. Ceux-ci semblaient terrorisés, perdus. Il sentait quelque chose, comme Kalyso. Quelque chose qu’Halad ne voyait pas. Il se contentait de suivre, inquiet.
A un moment, la jeune femme tira sur les rennes, faisant cambrer son cheval, et partit dans une autre direction. Elle semblait suivre un itinéraire précis, parcourir un chemin qu’elle feignait ne pas connaître.

C’est à ce moment là qu’il les vit. Sombres silhouettes aux yeux ardents. Une vague de sentiments l’entoura lorsqu’il les remarqua. Ils se tenaient, immobiles, en ligne, et les toisaient, comme s’ils s’amusaient avec eux. Et eux, ils fuyaient. Enfants effrayés.

Kalyso !!

Son cheval galopait, mais elle n’était plus sur son dos. Arrêtant sa monture d’un coup sec, il la chercha du regard. Enfin, il la retrouva. Debout, au centre d’un cercle de ces créatures qui se rapprochaient d’elle. Elle avait réuni ses mains et répétait une phrase en un langage étrange qu’Halad reconnut pour l’avoir entendu lorsqu’elle chantonnait, perdue dans ses pensées.
Ses cheveux volaient autour de son visage calme. Ils se rapprochaient.

KALYSO !!

Enfin elle ouvrit les yeux. Son expression sereine se figea en un masque d’effroi.

HALAD ! COURS ! FUIS ! REVIENS ICI DEMAIN AU CREPUSCULE !

Mais !!!

VA T-EN, ET NE REVIENS PAS AVANT LA TOMBEE DE LA NUIT !!


Il hésita, et s’élança vers elle. Sans comprendre comment, il se sentit repoussé, et se résigna à lui obéir.

Le lendemain, il revint, comme promis. La plaine était éclairée par une lune naissante. Et au centre de celle-ci, elle attendait. Elle était assise en tailleur, le visage marqué par la fatigue. Une fine cicatrice allait de son front à sa bouche.
Ceci mis à part, elle avait retrouvé son calme. Ses cheveux, attachés en une queue de cheval, se balançaient dans son dos sous la poussée du vent.

Nous y sommes.

Ou ça ?

Ne pose pas de question. Dis moi juste si tu me suivras.


Il ne pu se retenir. La colère, l’inquiétude, la fatigue mélangés l’étranglaient. Il éclata.

Pour aller ou ? Pour te suivre ou ?? Tu as failli mourir ! J’ai failli mourir ! Je … je …. Je !!
Arrête de sourire, explique moi ! Merde mais tu as failli … et moi j’ai…. Et….


Elle se leva souplement et s’avança jusqu’à lui. Sa main flotta l’encolure de l’étalon du jeune homme, et elle lui tendit la main.
Il la prit. Elle plongea ses yeux dans les siens et effleura son bras.

Je ne te pousse pas. Je ne te force pas. Libre à toi de faire demi tour. Maintenant, car après, il sera trop tard.

Il se renferma sur lui-même, se tournant vers ses souvenirs.

Il l’avait rencontrée trois semaines auparavant, dans une taverne.
Elle avait alors l’air si malheureuse qu'il l'avait suivie …

Auteur : Aurel
24/09/06 14h53 | 7 Galan 3725

Halad se dégagea un peu plus brusquement qu'il ne l'eut voulu. Il tourna le dos à Kalyso et s'éloigna de quelques pas. La voir en face de lui ne l'aidait pas à garder les idées claires.

Tu ne m'as rien dit. Rien du tout. Tu as exigé de moi que je te suive sans poser de questions. Pourquoi ça ? Pensais-tu que je refuserais de te suivre si je savais à quel point ce serait dangereux ? Oui, j'ai peur. Peur pour moi, peur pour toi. Quelles étaient ces créatures ? Et toi, qui es-tu ? Pourquoi devrais-je te suivre, je ne sais rien de toi ! Rien du tout, tu entends !!! Comment pourrais-je être sûr que tu ne nous conduis pas à notre perte ?! Aujourd'hui tu t'en es sortie, je me demande d'ailleurs comment, mais demain ? Non, désolé, mais je ne poursuivrai pas ainsi. Tu ne m'as rien dit, tu m'as mené ici en me gardant dans l'ignorance, je ne peux pas l'accepter. Si tu voulais mon aide, il fallait être honnête avec moi. Bonne chance pour la suite.

Sans regarder Kalyso, de peur de changer d'avis, Halad enfourcha son cheval et s'éloigna au pas. Il s'en voulait à mort de l'abandonner, mais ne supportait pas l'idée qu'elle l'ait mené ici, si près de la mort, sans rien lui dire. Ce n'était pas ainsi que l'on devait se comporter envers des amis.

Elle avait douté de lui. Elle avait pensé que s'il savait, il ne la suivrait pas.

Bien sûr. Bien sûr qu'elle pensait cela. Et maintenant elle s'aperçoit qu'elle a eu raison. Tu es lamentable, mon pauvre...

Oui, elle avait eu raison. Elle avait bien raison de douter de lui. Quoi de plus normal ? Après tout, était-ce faux ? Peut-être n'avait-il pas changé depuis Klantio. Pourtant, lorsqu'il avait rencontré Kalyso - c'était il y a trois semaines seulement, mais il lui semblait l'avoir toujours connue -, il avait pensé saisir sa chance. Une chance de faire mieux, une chance de se prouver qu'il n'était plus le même.

Et puis, ses paroles l'avaient presque ensorcelé. Jamais il n'avait connu quelqu'un comme Kalyso auparavant. Etrange sensation. Troublante. Jusqu'où pourrait-il aller pour oublier ce qu'il avait été ? Pour oublier ce qu'il n'avait pas fait ?

Lâcheté. Oui, de la lâcheté, rien d'autre. Cela aurait dû être totalement oublié. Avoir complètement disparu. Et pourtant... Et pourtant, aujourd'hui, il faisait demi-tour. Il abandonnait son amie. Son amie qui, au fond, n'avait rien fait d'autre que de le percer à jour.

Un aigle tournoyait. Comme si les cieux eux-mêmes se moquaient de Halad. Celui-ci songea aux paroles de la voyante, et à la voix qu'il avait entendue lorsqu'il était dans l'eau.

J'ai fait mon choix, comprit-il. Le choix du lâche. Ai-je bien eu raison ?

As-tu eu raison autrefois ?

C'était différent.

Tant que ça ?

Elle m'a caché la vérité.

Tu ne la connais toujours pas. Peut-être a-t-elle fait ça pour te protéger. Ou peut-être avait-elle compris quelle serait ta réaction. Montre-lui qu'elle se trompe.

Je ne suis pas sûr...

Tu n'es sûr de rien. Tu ne sais qu'une chose : si tu pars maintenant, tu t'en voudras toute ta vie. N'oublie pas ce qu'on t'a dit. Fais le bon choix.


~ ~ ~


Kalyso entendit des pas souples sur l'herbe, et le souffle d'un cheval. Halad mit pied à terre et s'assit en tailleur un mètre derrière elle. Ils gardèrent le silence pendant de longues minutes. Ce fut lui qui enfin le brisa :

Excuse-moi.

Puis, après un nouveau silence :

Je suis désolé pour ce que je t'ai dit. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Ce n'est pas ainsi que doit agir un ami. Je te suivrai. J'irai où tu iras, peu importe le danger. Fais-moi confiance.

Auteur : Kalyso
24/09/06 15h35 | 7 Galan 3725

Ne t'excuse pas. Ca fait faible.
Je vais t'en dire plus, ne t'inquiète pas. Mais pas tout de suite. Suis moi, pas aveuglément. Suis moi par amitié. Et alors nous irons loin.
Laisse moi t'expliquer. Ce monde n'est pas unique, tu dois le savoir, Halad. Ce monde n'est qu'une goutte sans intérêt dans un océan d'univers, matériels, immatériels, réels ou non. Je vais t'emmener au delà. Je vais t'emmener là où sont les rêves. Là où sont MES rêves plus particulièrement.
Je vais t'emmener sur Svetlaïa.


Il resta silencieux. Il connaissait Svetlaïa comme la planète d'origine de Kalyso. Il en avait entendu parler par des voyageurs. Mais pour tous, elle n'était plus que ruines ou même frusques d'imagination fertile.

Svetlaïa? Mais comment veux tu y accéder d'ici?

Nous allons passer le voile.

Le...?

Le voile. Ce voile qui nous sépare du monde le plus proche. Celui des démons. Celui de Sablazni. Ce voile que Warren voulut un jour déchirer.
Nous ne ferons qu'effleurer ce monde, mais notre présence ne passera pas inaperçu. Nous serons alors confronté à des êtres que tu n'imaginerais même pas.

Comme cette nuit?

Cette nuit...c'était différent. Je leur devais quelque chose. Et, tu leur tends une main, ils te prennent le bras...
Non, ceux qui nous suivront seront pires. Mais plus simple à fuir.

Pourquoi ne pas les combattre?

Je ne veux pas te mêler à ça... Pas de si près.

Et pourquoi Svetlaïa?

Il y a des questions qui nécessitent des réponses.


La jeune femme se mit à jouer avec le médaillon qui pendait à son cou.

Jolie pierre.

Elle était à ma mère. C'est une partie de la question...

Et l'autre?

Elle me fut offerte par un ami. Un ami aujourd'hui recouvert d'un linceul...

Quoi?

Non, oublie. C'est l'Hérétique qui m'a offert ce bijoux. C'était il y a si longtemps.... Tu ne peux le connaître que de réputation, mais il était un visage de ce monde.

Et que veux tu faire sur Svetlaïa?

Je te l'ai dis. Trouver une réponse. Mes souvenirs sont trop imprécis pour que je l'en sorte de là. Alors je vais "sur le terrain". Et je fouille.

Et pourquoi moi? Pourquoi m'avoir proposé de t'accompagner?

Il m'est idée que....

Que quoi?

Chut. C'est l'heure.


Elle se leva, détacha les chevaux qui détalèrent, et croisa ses doigts. Un vent frais se mit à souffler, il y eut un bruit de déchirement.

Kalyso... que se passe t-il?

Tu es en train de mourir... C'est le seul moyen...


Il sentit ses membres se raidir, sa vue se brouiller, et il plongea dans un puit où lui apparurent mille images du passé, se mêlant à des visions d'horreurs d'autres vies. Il la vi, quelques pas devant lui, figée, mélancolique. Puis il ne vit plus rien, et se laissa simplement guider.

Deux statues sont debout au milieu d'une plaine, à quelques milles de Galactica, capitale de la Grande Reine. Elles sont seules, mais ni le temps, ni les éléments ne peuvent les atteindre. Elles éspèrent qu'un jour, qu'une nuit, la vie reviendra en elles...

Auteur : Aurel
24/09/06 16h02 | 7 Galan 3725

Halad suffoquait. Ses sens ne lui apportaient plus aucune perception. Il était seul dans un monde infiniment noir et vide.

Non, pas seul.

A ses côtés, il sentait la présence, presque rassurante, de son amie. Il l'avait suivie. Il n'avait pas reculé.

Peu à peu, il reprit conscience de ce qui l'entourait. Il était dans un lieu dans lequel les mots haut, bas, droite ou gauche n'avaient aucune signification. Ici, pas d'espace, pas de temps. Seulement des sensations. Sensation de bien-être, libéré des chaînes de son corps. Admiration devant tant de beauté. Des arcs lumineux s'entrecroisaient sans fin, formant de complexes motifs qui lui rappelaient de vieux souvenirs, sans qu'il puisse comprendre pourquoi.

Et pourtant, une immense sensation de perte et de déchirement. Le corps de Halad s'éloignait. Galactica s'éloignait. Le jeune homme, accompagné de Kalyso, s'enfonçait de plus en plus profondément dans le tissu qui séparait les mondes.

Est-ce cela, le Voile ? songea Halad.

Nous sommes dans ce que certains nomment le Cellier, lui répondit sa compagne en pensée. Ne nous attardons pas ici.

A ces mots, Halad sentit qu'il se déplaçait, bien qu'il fut incapable d'évaluer sa vitesse - qui n'avait de toute façon aucune signification dans cet étrange univers.

Face à lui, il commença à distinguer une succession de cercles d'or, sortes d'anneaux à l'intérieur desquels pulsaient d'étranges lumières.

Le jeune homme fut irrésistiblement attiré par l'un d'eux. Une mélodie familière semblait en provenir, comme s'il s'était déjà rendu en ce lieu, mais l'avait oublié. Il se dirigea vers l'anneau doré, mais Kalyso le retint.

Pas par ici.

Pourquoi ? Quelque chose là-bas m'appelle. Il me semble... Oui, je suis même certain que je dois y voir quelque chose.


Halad perçut un instant un léger trouble dans les pensées de Kalyso, mais celle-ci se reprit très vite :

N'y vas pas. Tu y perdrais beaucoup plus que la vie.

Pourtant...

Fais-moi confiance.

Comme tu voudras...


Halad lança une dernière pensée de regret vers le cercle d'or qui lui était familier, puis reprit son déplacement à la suite de la jeune femme.

Comment connais-tu tout cela ?

J'ai beaucoup voyagé.


A cet instant, Halad fut parcouru d'un frisson. Il scruta le vide tout autour de lui. Rien de visible. Pourtant, un étrange malaise l'oppressait.

Attention...

Cette pensée de Kalyso était presque imperceptible.

Ils arrivent...

Auteur : Kalyso
30/09/06 17h35 | 13 Galan 3725

Nous sommes repérés...
On se retrouve sur Svetlaïa. Ne te perds pas dans des illusions Halad...
Je reste avec toi, ne t'éloignes pas de la route!


Et il la sentit disparaître. Suivie. Par "eux"? Il ne le saurait qu'une fois sur Svetlaïa.
Ne te perds pas dans des illusions. D'accord. Mais pourquoi l'avoir laissé seul? Elle avait aussi dit qu'ils seraient repérés. Peut être voulait elle "les" éloigner? Il se contenta donc de suivre le chemin, guidé par une présence qui lui rappelait son amie.
Il ne sentit pas l'autre. Un d'"eux".


Kalyso de son côté avançait calmement dans les limbes incertains qui séparent les mondes. Elle sentit une main se poser sur son épaule et la retenir fermement.

Qui a t-il envoyé cette fois ci?

Ne te retourne pas trop vite...


La voix fit frémir la jeune femme.

Non... C'est impossible...

Et si...

Je ne veux pas vous combattre.

Tu ne veux pas me blesser?

Je ne veux pas mourir ainsi.

Dans mes souvenirs tu ne tenais pas tant que ça à la vie. Mais après tout que sont les souvenirs d'un souvenir?

Vous ne vous trompez pas mon Seigneur. Mais il est là maintenant. J'aimerais le sauver.

Il ?

Vous savez de qui je parle.

Déjà? Je pensais que son éveil se ferait plus tard.

Je l'ai peut être rencontré tôt. Je n'ai pu m'en empêcher. Vous me manquiez trop.

Alors que tu nous détestes tant?

Détester?


Elle eut un petit rire nerveux.

Ma haine est mêlée de respect et d'envie.

Tu nous suivrais? Malgré ce qui est arrivé à l'héritier?

Etait ce réellement votre faute?

Tu le sauras tôt ou tard.
Ou l'emmènes tu s'éveiller?

Ailleurs....

Svetlaïa? Est ce une bonne idée? Tu y perdrais....

Qu'importe, s'il est. Si vous renaissez. Si ....

Comme tu y vas, comme tu y vas... Et si tu échoues? S'il meurt?

Alors il n'est pas digne de vous porter.

Ton coeur se fait de plus en plus froid.

C'est vous qui me l'avez enseigné Monseigneur.

Tu as donc appris de moi?

Plus que vous ne l'imaginez...


La main de l'Autre glissa sur le cou de la jeune femme, caressa sa joue et en chassa une larme. Elle voulut se retourner mais il l'en empêcha.

Non... pas encore... pas trop vite...
Tu pleures?

Ce n'est qu'une poussière.


Ce fut au tour de l'Autre de rire.

Ne te perds pas dans des illusions Kalyso.

Maintenant?

Maintenant.....

Monseigneur?

Oui?

Epargnez nous... Le temps de son éveil...


Elle se retourna brusquement et dans ses mains était apparue une longue épée au manche rouge. Et dans ses yeux brillaient des larmes qu'elle ne saurait jamais retenir. Et en son âme de vieilles blessures s'étaient remises à saigner.

Il n'avait pas changé. Ses traits étaient les même. Sa force aussi.
L'unique témoin de leur affrontement fut la lune. La délivrance serait au vainqueur ou au vaincu.
Lorsqu'elle planta sa lame en son coeur, elle tomba à genoux sur le sol et éclata en sanglots. Il l'avait épargnée. Lorsqu'il reviendrait, il l'aurait sûrement oubliée. Et alors il la tuerait.

Les paysages se mirent à défiler dans le dos de la jeune femme, secouée par des larmes de faiblesse, de crainte et de douleur qui se mêlaient à leurs sangs sur le sol.

C'est ainsi qu'Halad devait la découvrir, lorsqu'il atteindrait le sol de Svetlaïa.
C'est ainsi qu'il devait la découvrir s'il ne se perdait dans des illusions.

Auteur : Aurel
01/10/06 11h14 | 14 Galan 3725

De nouveau seul, songea Halad. Enfin, pas tout à fait. Il continuait à percevoir la présence de Kalyso, mais de manière beaucoup plus diffuse, comme étouffée par plusieurs épaisseurs de tissu.

Le jeune homme poursuivit son chemin, en prenant garde de ne pas s'éloigner de la route. Il ressassait sans cesse l'avertissement de Kalyso : "ne te perds pas dans des illusions". Cela signifiait-il que l'attirance ressentie quelques instants plus tôt pour un des anneaux dorés était créée par une illusion ? Peut-être. Ou pas. Il était tellement persuadé d'avoir entendu... Non, il ne parvenait pas à remettre la main sur cette sensation. Et pourtant, il lui avait bien semblé... Etait-ce faux ? Etait-ce illusoire ? Il ne pouvait le croire. Il en était sûr et certain. Là-bas, derrière cet anneau, quelque chose l'appelait. Oui, ça y est, il se souvenait. Il devait y aller.

Et puis, si c'était une illusion, que risquait-il ? Non, il ne pourrait pas supporter de ne jamais savoir. Il fallait qu'il en ait le coeur net.

Halad tendit ses pensées vers Kalyso. Sa présence se faisait de moins en moins nette, comme si elle l'oubliait peu à peu, absorbée dans quelque tâche de la plus haute importance.

Peut-être a-t-elle des ennuis, songea Halad. Mais je ne peux rien pour elle. Absolument rien. Je ferais mieux de me dépêcher d'aller voir ce qu'il y a derrière cet anneau et de la rejoindre. Elle ne s'apercevra même pas que j'ai fait un détour.

Et aussitôt, il fit demi-tour et revint vers le cercle d'or qui l'avait appelé. Avec un peu d'appréhension, il s'en approcha prudemment. Ca y est, de nouveau il entendait cette douce mélodie. Cet appel familier. Il en était de plus en plus convaincu, il était déjà venu ici. Mais quand ? Impossible de le déterminer.

Avant de s'engouffrer dans l'anneau, Halad hésita un instant. Et si c'était vraiment dangereux ? Il regarda autour de lui. Rien ni personne en vue. Et pourtant, il se sentait observé.

Je deviens fou, songea-t-il. Entrons dans cet anneau, et je serai fixé. Si c'est une illusion, je ferai demi-tour. Sinon... Eh bien, je verrai ce qui adviendra.

Et il pénétra dans le cercle doré.


Il commença par se sentir désorienté. S'il est vrai qu'il n'avait aucun repère dans le "Cellier", ici c'était pire. Il lui était impossible de se situer, dans l'espace comme dans le temps.

Puis, tout à coup, une route apparut au milieu du vide. Halad regarda autour de lui. Tout était désert. Pas âme qui vive à des lieux à la ronde. Et pourtant, il sentait toujours que quelque chose l'appelait, là-bas, au loin. Il marcha.

De temps à autres, à la limite de son champ visuel, il lui semblait percevoir des mouvements. Sur les bords de la route, des ombres se mouvaient. Elles ressemblaient à des humains, et n'avaient pourtant aucune consistance. Halad était certain de ne jamais les avoir croisées, et pourtant leurs visages lui étaient étrangement familiers. Il connaissait presque leurs noms. Mais dès qu'il tentait de les saisir, elles disparaissaient. Fantômes insaisissables. Souvenirs disparus d'une autre époque.

Halad entendit des pas derrière lui. Il se retourna brusquement, et le vit. Ou plutôt, le ressentit de toute son âme. L'autre le suivait depuis un moment déjà. Il n'était pas visible par les yeux du jeune homme, mais sa présence était indiscutable.

Qui êtes-vous ?

L'autre sourit.

Sais-tu où mène cette route ?

Non. C'est pourquoi je la suis.


Nouveau sourire.

Qu'est-ce qui vous amuse ?

Rien d'important. Une simple ressemblance.

Avec ?

Peu importe.

Je ne sais toujours pas qui vous êtes.

Avant de demander aux autres qui ils sont, tu devrais te demander qui tu es réellement.

Qui suis-je ?


L'autre semblait franchement amusé maintenant.

Ce n'est malheureusement pas aussi simple. Quel serait l'intérêt de ta quète si tu en connaissais la fin ?

Je ne suis pas certain de bien comprendre.

Je ne peux te dire comment finira ta quète, mais je peux déjà te dire où elle se terminera.

Au bout de cette route ?

Au bout de cette route. Mais il n'est pas encore temps. Car si tu y vas maintenant, tu échoueras.

A quoi échouerai-je ?

Tu perdras ta raison de vivre. Tu perdras tes souvenirs. Tu perdras Kalyso. Et pour finir tu perdras la vie.

Tableau réjouissant.

Tu n'es pas encore prêt. Tu dois d'abord suivre ton amie.

Bien sûr que je la suivrai.

Alors renonce à arriver au bout de cette route aujourd'hui. Regarde autour de toi. Toutes ces ombres étaient des humains qui n'ont pas sû se retenir. Ils étaient parmi les grands de ce monde. Nous... J'en ai connu la plupart. Je les regrette tous. Mais aujourd'hui, ils ne sont plus rien. Ils ont disparu totalement, et du réel, et des souvenirs des gens. Ils ne sont plus. Et un jour, nous serons parmi eux. C'est inévitable. La seule question est : quand ?

Mais je veux savoir...

Et tu sauras. Fais-moi confiance. Aujourd'hui n'est pas ton jour. Celui qui vit au bout de cette route n'est pas prêt à te recevoir. Ou plutôt, c'est le contraire...

Le contraire ?

Oublie ça, c'est sans importance. Contente-toi de me suivre. Kalyso est par ici.


Et la présence commença à disparaitre. Halad hésita un instant, puis la suivit. La route s'éloigna, puis disparut totalement. Les mondes défilèrent autour de lui. Finalement, une plaine se stabilisa. Halad aperçut Kalyso, prostrée au sol, à quelques centaines de mètres.

Une dernière chose, lui dit la mystérieuse voix. Ne lui parle pas de moi. Je n'existe plus.

Le jeune homme hocha pensivement la tête et partit rejoindre son amie.

Auteur : Kalyso
01/10/06 21h30 | 14 Galan 3725

C'est la main d'Halad sur son épaule qui fit sortir la jeune femme de sa "transe". Elle tourna vers lui son visage et le fixa quelques minutes avant de se relever doucement.

Ca va Kaly?

Je suis un peu...fatiguée...

Tu t'es battue?

On peut dire ça comme ça... Allons y..."


La lame sur laquelle elle s’appuyait disparut tandis qu'elle s'avançait vers l'obscure silhouette d'une cité. Halad remarqua qu'elle portait souvent la main à sa gorge, comme si elle y était brûlée.
Enfin ils arrivèrent à l'imposante ville.

De mes souvenirs il n'y a trace ici. Continuons...

Dans l'esprit de Kalyso tout se mélangeait. Le combat contre Lui, l'Eveil à venir, les proches révélations... Plus elle s'approchait de son but, et plus elle se craignait. Quelque chose allait arriver. Si seulement ce quelque chose pouvait aller selon son plan...

Y a t-il des survivants?

Je pense... Une civilisation ne disparaît pas ainsi...


La jeune femme eut un rire nerveux et rejeta ses cheveux en arrière.

Notre ... fuite ... a du provoquer la colère des maîtres...

Elle frissonna. Plus de trois ans après avoir fui cet endroit, trois années durant lesquelles elle avait appris à se battre et fais fuir toutes ses frayeurs. Pourtant elle frissonnait encore à l'idée de rencontre les maîtres. Elle frissonnait encore en marchant dans les rues qu'elle avait traversées tant d'années auparavant.

Les maîtres? Tu les appelles toujours ainsi?

Vieux réflexe... Tu ne cesseras pas d'appeler tes parents papa et maman quand même ils te battront, violeront, feront du mal...
Ces paysages sont restés dans ma mémoire comme s'ils y avaient été gravés au fer rouge.

Tu n'es pas obligée d'en parler... J'ai cru comprendre que ça n'avait pas été rose ici...

C'est du passé tout ça. En parler ne le fera pas revenir.


La jeune femme continua de marcher, feignant l'indifférence. Les odeurs, les sensations, tout vivait autour d'elle. Il n'y avait pas un endroit où elle ne se revoyait. Pas un endroit qu'elle n'avait revisité en rêve.

C'est ici que ma mère est morte..

Sous cet arbre?

Sous cet arbre. Je jouais, Loo était à la maison...


Elle ri

Maison est un bien grand mot.
Un homme est venu, et il l'a tuée. Je me rappelle de sa robe blanche. Malgré ses efforts quotidiens, jamais cette robe ne perdait son éclat. Elle a été tuée par une épée. Je revois encore la tache de sang dévorer le tissu blanc. Puis j'ai comme un trou. Les années qui suivirent la disparition de ma mère sont floues. Ma soeur et moi avons été séparées. Elle a fui. Lorsqu'elle revint, la situation avait empiré. Nous avons fui. Tous. Et puis nous avons trouvé Varenia, une petite planète dans un autre "monde". Et il y a eu Solar. Et Khall. Et Galactica. Puis eux.
J'imagine que la situation ne s'est pas arrangée par ici. Moi je me suis contentée d'oublier égoïstement ceux qui n’adhéraient pas à mes idées. Les laisser ici. Aujourd'hui mes questions me ramènent ici...à Svetl....

HEY VOUS!


Les deux amis se retournèrent pour voir une vieille femme à l'air décharné.

Qu'est ce que vous faites là?

Nous... Nous cherchons le maître des lieux. Nous avons à nous entretenir avec lui...


La vieille femme, sceptique, passa devant eux.

Suivez moi...

Auteur : Aurel
06/10/06 22h26 | 19 Galan 3725

Halad et Kalyso échangèrent un coup d'oeil et suivirent la vieille femme dans les rues de Svetlaïa. Celles-ci étaient dans un état déplorable. Partout, la crasse et la misère régnaient. Certains immeubles étaient visiblement inoccupés, abandonnés depuis des années : les fenêtres en étaient éventrés, simplement masquées par quelques planches de bois. Les autres n'étaient en guère meilleur état : les murs étaient noircis par la pollution et lézardés par les affronts du temps, qui semblait s'être abattu comme un redoutable prédateur sur Svetlaïa, n'épargnant ni hommes ni biens.

Qu'est donc devenue la contrée paisible dont me parlait Kalyso ? se demanda Halad. Les hommes sont-ils capables de réduire une parfaite harmonie à néant en l'espace de quelques années ? Le temps ne s'écoule pas ici comme sur Galactica, se souvint le jeune homme. Et pourtant... Et pourtant, le temps pouvait-il, à lui seul, précipiter ainsi le déclin de toute une civilisation ?

A chaque coin de rue, les deux jeunes gens recevaient de nouvelles manifestations de la décrépitude de Svetlaïa. Des enfants vêtus de haillons et presque morts de faim les regardaient de loin, avec une envie et une admiration mêlées de défiance. A leurs côtés, des hommes étaient couchés sur le sol, des bouteilles - vides, le plus souvent - à leurs pieds.

Halad jeta un coup d'oeil vers son amie. Celle-ci paraissait ébranlée par ce qui s'offrait à son regard. Sa lèvre inférieure tremblait légèrement.

Cela a dû empirer, songea le jeune homme. Durant les trois ans qu'elle a passé loin de chez elle, beaucoup de choses ont dû changer.

Plus ils avançaient, plus la misère devenait omniprésente. La nuit commençait à tomber, et de très nombreuses prostituées affluaient dans ces rues.

Halad trébucha sur un objet mou et se rattrapa de justesse. Il jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule pour regarder ce qui avait failli causer sa chute. Un cadavre. Un homme égorgé. Depuis plusieurs jours, à en juger par l'odeur, qui parvenait même à recouvrir la puanteur d'égout qui régnait partout ailleurs.

Halad ne fit aucun commentaire et continua à suivre la vieille femme.

Ca va aller ? demanda-t-il à Kalyso.

Son amie ne répondit pas. Un pli soucieux barrait son front.

Que se passe-t-il ? interrogea-t-il, inquiet.

Je me demande si...

Leur guide se retourna et annonça d'une voix sèche, enrouée par l'âge :

Vous y êtes.

Ils se tenaient devant un grand bâtiment, dans un état très légèrement meilleur que ceux qui l'environnaient. Halad fronça les sourcils. Cela ressemblait plus à un bar - miteux qui plus est - qu'à la résidence des "maîtres" de Svetlaïa : de la musique s'échappait par les portes entrebaillées, et on entendait des rires retentir.

Halad se tourna vers Kalyso, l'air interrogateur. Celle-ci haussa les épaules sans répondre. Le jeune homme s'adressa à la femme qui les avait guidés :

Qu'est-ce que cela signifie ?

Entrez.

Je ne suis pas certain que vous ayez compris qui nous cherchions.

Vous ne l'avez pas entendu ?
demanda une voix de brute dans le dos d'Halad. Elle vous a dit d'entrer.

Le jeune homme se retourna et tomba nez à nez avec un inquiétant personnage : il mesurait environ deux mètres, était aussi large que haut, et avait le visage couturé de cicatrices. Dans son dos était accrochée ostensiblement une lourde épée. Kalyso haussa les épaules et fit signe à son ami d'obéir.

Tous deux pénétrèrent dans le bar. Celui-ci était mal éclairé, et la fumée qui l'emplissait rendait l'atmosphère presque opaque. Les petites tables étaient occupées par des joueurs de cartes à l'aspect peu recommandable, par des prostituées dans l'exercice de leur fonction, ainsi que par quelques ivrognes. Rien d'inhabituel pour un tel établissement dans un quartier pauvre.

Et pourtant, Halad était étrangement mal à l'aise. Tout cela lui donnait l'impression de sonner faux. Etaient-ce ces prostituées qui le regardaient un peu trop fixement ? Etait-ce le nombre d'armes qu'il pouvait voir ? Etait-ce le fait que certains des ivrognes paraissaient regarder l'entourage d'un air un tout petit peu trop lucide ? Non, il ne pouvait parvenir à mettre la main sur ce qui était anormal. Et pourtant, tous ses sens lui criaient de se méfier.

Le gorille qui les avait forcé à entrer les conduisit vers une table un peu en retrait où il leur fit signe de s'assoir. Il fut rejoint par deux autres hommes, coulés dans le même moule. Le premier s'assit face à Kalyso et Halad, tandis que les deux autres restaient debout derrière eux, formant un rempart peu rassurant entre eux et la sortie.

Alors, commença-t-il, que voulez-vous donc aux maîtres ?

Halad voulut répondre, mais Kalyso posa une main sur son genou, l'intimant au silence.

Il fut une époque où les résistants étaient plus aimables... dit-elle à mi-voix.

Auteur : Kalyso
07/10/06 14h36 | 20 Galan 3725

Résistants? Nous sommes les fils de Farkis, les descendants des marchands. Nous sommes serviteurs des maîtres, nous ....

Les choses auraient bien changé si sur Svetlaïa les maîtres sortaient dans les rues...


La jeune femme ne bougea pas, fixant des yeux vides sur les hommes. Halad à ses côtés se sentait mal. Il ne comprenait la situation comme il l'aurait aimé et se contentait de se tenir prêt en cas d'attaque.

Qui es tu donc pour parler ainsi? Pour avoir la prétention de connaître le peuple de Svetlaïa? Qui es tu pour oser te présenter au maître sans craindre sa colère? Qui es tu pour ne pas trembler en sachant qui nous sommes?

Mon identité n'a que trop peu d'importance. Et vous êtes trop jeunes pour m'apprécier à la valeur que j'ai pour vos mémoires.

Trop jeunes? Gamine, nous avons le double de ton age.
A présent, petite impétueuse, tu seras esclave d'esclave. Car nous savons que tu n'es rien de plus qu'une bavarde. Les maîtres ne connaîtront même ton existence. Tu ne seras pour eux rien de plus qu'une intouchable de plus, une poussière dans leur jardin. Une des notres.

Que d'assurance vous avez là. Et si j'étais un mage? Et si j'étais une envoyée des maîtres? Et si vous étiez mes futures acquisitions?


Les hommes se troublèrent quelques minutes puis reprirent leur calme.

Impossible. Nous avons au palais des âmes qui sont bien trop proches pour qu'on leur cache ce genre de chose.
Emmenez les.


Halad se leva mais Kalyso lui fit signe de rester calme. Trois hommes se levèrent et les prirent par le bras pour les entraîner dans une arrière salle où ils furent enfermés.

Vous resterez là tant que vous aurez la force de vous opposer à nous.

La porte fut fermée dans un grand bruit. Quelques secondes passèrent avant que le silence ne fût total. Alors, dans l'obscurité, Halad pu voir sa compagne secouer tristement la tête. Elle défit ses longs cheveux et alla s'asseoir contre un mur.

Et c'est tout? Attends, tu m'emmènes ici, on se fait enfermer, et c'est tout? Tu veux qu(....

Silence Halad.


Son ton était dur, irrité. Plus rien à voir avec la Kalyso habituelle, rieuse, impassible. Elle semblait vulnérable, blessée, et capable de tuer. Comme si elle avait enlevé un masque trop trompeur pour avoir été remarqué depuis tout le temps qu'ils étaient ensemble, et que maintenant qu'elle se dévoilait, il était trop tard pour se retourner et ne pas voir son vrai visage.

Tu m'as suivie jusqu'ici Halad. Sans poser de questions. Ce n'est pas le moment de commencer.

Elle soupira, appuya l'arrière de sa tête contre le mur de leur prison et ferma les yeux.

Ne t'inquiète pas, nous ne resterons pas longtemps enfermés. Lorsque je leur dirai qui je suis, ils nous laisserons sortir.

Pourquoi ne pas leur avoir dis tout à l'heure?

Je ne voulais pas passer par eux pour avoir accès au palais. Mais je pense que nous n'avons pas le choix.

Pourquoi pas?

Les regarder me fait trop mal... Ils me ramènent à mon passé. Le passé, je ne l'aime pas.

Oui j'ai cru comprendre ça. Et pourquoi leur cacher ton identité?

Ils le sauront bien assez vite. La vieille m'aura reconnu et...


Elle fut interrompue par une petite silhouette qui se glissa dans leur cellule.
Une petite fille rousse, dont les cheveux sales étaient retenus par deux nattes tressées à la hâte vint près des prisonniers, portant un plateau entre ses mains. Halad nota la pâleur de sa peau. Il lui sourit, imaginant une Kalyso du même âge. Elle lui rendit son salut, dévoilant un sourire où des dents manquantes ajoutaient un charme enfantin. Elle déposa la pitance et se retourna vers la sortie.

Petite

Elle se retourna vers Halad.

Parle moi de la situation de ce pays. Parle moi de Svetlaïa.

Kalyso n'avait bougé, mais on sentait son intérêt.

Bin... On est tous des esclaves des gens dans le château. Les maîtres qu'on les appelle.

Et qui sont les maîtres?

C'est des marchands à ce qu'il parait.

Des marchands?

Oui oui!! Même qu'ils sont v'nus ya plus de deux cent ans!!

Ah oui? Et avant?

Avant je sais pas. Avant on vivait dans les arbres! Comme les elfes à ce qu'il parait! Mon papa m'a montré plein de belles images dans les livres.


Son regard s'obscurcit. On aurait dit qu'elle jouait un rôle. Qu'elle refoulait ses souvenirs...Comme Kalyso.

Ton père... c'est l'homme dans la salle?

Oui. Il est pas méchant vous savez?

Et ta mère?

Euh.... En train de travailler...

Que fait elle?

JE VOUS INTERDIS DE PARLER À MA FILLE. HORS DE LA NAVSIGDA.


La fillette fila hors de la pièce tandis que son père s'avançait d'un pas conquérant vers Kalyso. Il saisit la jeune femme par le poignet et la souleva brusquement. Celle ci se laissa faire, résignée.

Qui es tu?

Elle ne répondit pas, se contentant de toiser l'homme.

QUI ES TU?!

Il se tourna vers Halad qui s'apprêtait à se lever.

Toi ne bouges pas. Il ne te sera fais aucun mal si elle répond.

Foutez lui la paix. Il n'y est pour rien. Pour rien du tout. Il ne sait même pas où il est.


Le père de Navsigda revint vers la jeune femme et la plaqua contre un mur. L’incompréhension d'Halad face à l'absence de réaction de son amie le fit rester assis. Il hésitait. Prendre la fuite? La sauver? Ou bien simplement laisser faire les choses?
L'homme retenait les poignets de Kalyso d'une main, tandis que de l'autre il effleurait son visage.

C'est impossible.... Non c'est impossible...

Comme pris de folie, il entreprit d'arracher ses vêtements. Sans qu'elle ne fasse rien. Lorsqu'elle fut presque nue, il la retourna tête contre le mur , la retenant encore contre celui ci. Le silence était troublé par le cliquetis des pendentifs de la jeune femme, étrangement docile, et le souffle accéléré de l'homme.
De sa main rude, il souleva les longs cheveux. De la soie entre des pattes d'ours. Il observa l'arrière de son crâne, en quête d'une chose qu'il trouva vite. Alors seulement il se calma.

Non... Non c'est impossible...

Comme pris de stupeur, il recula d'un pas, puis de deux, puis il se retourna et partit lentement vers la sortie. Avant de quitter la pièce il articula

Qu'on les emmène dans les sous sols. Qu'on leur donne à manger. Qu'on leur trouve un logement. Et qu'on ne pose pas de question.

Halad se leva d'un bond et courut vers Kalyso mais il fut retenu par un homme.

Elle va être emmenée au quartier des femmes. Vous la retrouverez pour le dîner

Elle s'était glissée sur le sol et avait appuyée son front contre les pierres froides.
Alors qu'il attendait d'elle un signe réconfortant, une promesse que tout irait mieux, il se heurta à un dur silence et du se plier aux geôliers qui l'entraînaient vers la sortie.

Il la retrouverait pour le dîner...

Auteur : Aurel
07/10/06 19h11 | 20 Galan 3725

Halad tournait en rond dans la chambre jusqu'à laquelle on l'avait conduit. Il avait pû se laver et se débarrasser ainsi de toute la crasse accumulée durant le voyage, mais cela ne suffisait pas à le détendre. Il revoyait sans cesse le visage de Kalyso, impassible sous le déchainement de violence qu'on lui imposait. Mais qui était-elle donc ? Et que cherchait-elle réellement ?

Inutile de me torturer l'esprit avec ça, se répétait le jeune homme. Je ne sais pas qui elle est vraiment, et je ne le saurai peut-être jamais. Tant qu'elle ne voudra pas m'expliquer exactement ce que nous cherchons, où nous allons, vers quoi nous tendons, j'avancerai sans repères, tel un aveugle.

Deux petits coups secs frappés à la porte. Un homme l'entrouvrit et fit signe à Halad de le suivre. Tous deux montèrent un escalier et arrivèrent dans une grande salle, au milieu de laquelle se trouvait une grande table de bois sur laquelle une dizaine de couverts avaient été mis. Kalyso était déjà installée devant l'un d'eux, ainsi que la vieille qui les avait conduits jusqu'ici, Navsigda, son père, et quelques autres inconnus.

Halad s'installa en silence face à son amie, tandis qu'on leur apportait de quoi se sustenter. Le début du repas fut glacial. Le jeune homme fixait tour à tour Kalyso, qui paraissait plus que jamais plongée dans son mutisme, et les résistants, qui les dévisageaient.

Ce fut finalement la petite Navsigda qui demanda à son père d'une voix basse :

Dis, c'est vrai que la dame c'est...

Chut
, la fit taire son père.

Oui, c'est vrai, répondit à sa place la vieille femme. N'est-ce pas, Dehlia ? Je vous ai reconnue tout de suite. Vous n'avez pas changé.

Kalyso hocha doucement la tête, sans mot dire. Halad la regarda, interloqué. Dehlia ? Qu'est-ce que c'était encore que cette histoire ? Cependant, il choisit de ne pas étaler son ignorance, et garda le silence.

Alors, reprit Navsigda, on va tous être sauvés ?

Ne raconte pas de bêtises
, lui répondit la vieille. Dehlia n'est pas venue pour ça. N'est-ce pas ?

Je ne peux faire que ce qui est en mon pouvoir
, répondit Kalyso.

Mais votre pouvoir est assez grand pour nous sauver. Vous avez réussi à vous enfuir. Vous êtes la première et la dernière de nos filles à avoir réussi cet exploit. Et depuis cinquante ans, vous n'avez pas pris une ride. Regardez-moi. Vous ne me reconnaissez pas. Et pourtant, je n'ai que huit ans de plus que vous. Nous avons grandi non loin l'une de l'autre. Et aujourd'hui, je suis vieille. Et vous, on pourrait vous prendre pour votre petite fille. Et pourtant, je sais que ce n'est pas le cas. Vos yeux... Vos yeux sont uniques.

Arrête, Llasi
, l'interrompit le père de Navsigda. Elle nous a abandonné, tu l'as déjà oublié ? Elle a sauvé sa peau. Et regarde-la maintenant. Elle est jeune et belle. Et regarde-toi. Tu ne comprends pas ? Toi aussi, tu aurais pu fuir ! Toi aussi, tu aurais pu vivre ! Toi aussi, tu aurais pu rester jeune et belle ! Mais toi, tu n'as pas abandonné les tiens ! Toi, tu as continué à lutter, encore et encore ! Et nous continuerons, tous, tout le temps, pendant des générations ! Elle nous a lâché ! Elle nous a trahi !!!

Calme-toi, Mordann.


Kalyso ne disait mot. Son regard était perdu dans les ombres. Elle semblait déchirée par des fantômes revenus la hanter. Halad lui serra le bras. Elle le regarda et lui sourit tristement.

J'aurais voulu vous aider, dit-elle aux résistants. Je voudrais vous aider.

Alors pourquoi ne pas être restée ?
cria le père de Navsigda. Pourquoi ne pas avoir assumé ton destin ? Pourquoi ne pas avoir souffert avec les autres ? Lorsque tu es partie, d'autres ont dû prendre ta place. D'autres ont souffert pour toi. Sais-tu où est celle que j'aime en ce moment ? Elle travaille. Elle n'a pas le choix, non. Et tu sais ce que c'est son travail ???

Mordann, arrête, elle n'y est pour rien.

Bien sûr que si !!!


L'homme était maintenant debout, le visage rouge de colère.

Bien sûr qu'elle y est pour quelque chose ! Si elle était restée, elle y serait allée, chez les maîtres ! Elle s'en serait chargé, elle, la toute-puissante Dehlia ! Elle, qui ne craignait rien, elle, figure de notre résistance ! Oui, comme sa mère avant elle !

A ces mots, Kalyso blêmit.

Que voulez-vous dire ? demanda-t-elle, un tremblement d'émotion dans la voix.

Mordann leva les yeux au plafond, comme pour le prendre au témoin des propos de Kalyso.

Elle me demande... dit-il doucement. Elle me demane ce que je veux dire...

Je veux savoir
, le coupa la jeune femme.

Que veux-tu savoir ?

Que savez-vous de ma mère ?

Rien de plus que ce que tout le monde sait.

S'il vous plait.


Le père de Navsigda parut troublé. Il se rassit et fit un signe de tête interrogateur à la vieille. Celle-ci répondit à Kalyso :

Vous voulez dire que vous ne savez pas... Que vous ne savez pas qui était votre mère ?

Silence.

Eh bien... Ce tatouage que vous avez sur le crâne. Il a une signification...

... que j'ignore.

Cela signifie... Je ne sais pas comment dire ça. C'est tellement incroyable que vous l'ignoriez...

Je veux savoir.

Eh bien... Cela montre que vous êtes la fille d'une femme qui... qui doit travailler dans l'entourage proche des maîtres. Dans l'entourage très proche. Tout comme la mère de Navsigda.

Auteur : Kalyso
07/10/06 20h57 | 20 Galan 3725

L'entourage proche? Qu'entendez vous par là?

Des servantes... Plus que des servantes. Des confidentes. Des amies. Des courtisanes...

Ma mère... Ma mère n'était pas une putain.

Le terme est un peu fort, Elle nous informait. Elle nous aidait. Et elle se vendait...


La jeune femme se leva brusquement.

Veuillez m'excuser.

Passant devant Mordann.

Fuis? Oui j'ai fui. Mais je n'ai empêché personne de me suivre. Si vous étiez déjà né à cette époque, et capable de penser par vous même, vous connaîtriez la vérité. J'ai fuis avec ceux qui me suivirent. J'ai fuis avec ceux qui attendait encore de Svetlaïa, pour en reconstruire une nouvelle. Ils m'ont suivie. Les autres sont restés. Par crainte, par habitude. Je n'ai rien d'autre à me reprocher que de n'avoir forcé le monde à marcher derrière moi...

Et elle quitta la pièce.

__________


Kaly? Où vas tu?

C'est dans la rue déserte qu'Halad la rattrapa quelques heures plus tard.

Ne me suis pas Halad. Il est encore temps pour toi de faire demi tour. Encore temps pour toi de retraverser le voile sans qu'ils ne s'en aperçoivent. Encore temps pour toi de m'oublier.

Je veux savoir ou tu vas Kalyso d'Assianta. Savoir ce que tu cherches. Comprendre qui tu es et....

Comprendre qui je suis, ou que je te rappelle qui TU es?


La jeune femme s'arrêta brusquement et pivota.

N'est ce pas la raison principale de ta présence ici Halad? N'est ce pas l'ignorance qui fais que tu es avec moi? N'est ce pas la crainte? N'est ce pas la curiosité?

...

Ne me regarde pas ainsi. Je vais répondre à tes questions Halad. Tu es quelqu'un de spécial. Oui quelqu'un de très spécial. Et je pensais pouvoir te faire sentir cette spécialité ici. Comme je pensais moi même trouver des réponses. Vois tu, je me suis surestimée. Maintenant, retourne toi, et va, avant qu'ils n'arrivent.


Et elle reprit sa course, laissant le jeune homme bouche bée.

_______________

Quel est ce bruit, Liria?

Je ne le sais, Ô maître. Sûrement quelque manant qui vient mendier. Dois je aller ouvrir?

Vas. Je sais quelle pitié t'inspire les tiens. Et quelle joie tu as à les voir. Les rats aiment à se retrouver entre eux...


La femme serra les poings et quitta la pièce dans une gracieuse révérence tandis que le vieillard éclatait d'un rire franc.
Elle du pousser la lourde porte de tout son poids pour parvenir à l'ouvrir. Quelle ne fut sa surprise de découvrir une jeune femme, seule. Elle était svetlienne, cela ne faisait pas de doute. Sa peau laiteuse et ses yeux gris étaient signes de son apparence à la race. Jamais elle ne l'avait vue auparavant, et pourtant, son regard lui disait quelque chose. Ce qui l'étonna le plus fut son apparence. Elle portait une tenue intacte, pas une tunique comme celles, imposées aux esclaves, non, une tenue d'homme. Ses cheveux tombaient librement sur ses épaules. Sous son pull se dessinait le relief d'une chaîne et la forme d'un lourd ornement. Voyant cela, la femme porta machinalement la main à son propre collier, marque de soumission au maître, et s'éclaircit la voix.

Je ne puis vous offrir que quelques pièces, et peut être à manger. Hélas la chaleur du foyer vous sera inaccessible ce so....

Kalyso ne la laissa pas terminer sa phrase. Elle l'attrapa à la gorge et la poussa à l'intérieur, claquant la porte.
Qu'elle était légère, et fragile, et fine. Elle eu peur de l'attraper, peur de la briser entre ses doigts, peur qu'elle s'effrite au contact de sa peau.
La femme avait une peau claire, mais pas celle des svetliens. Seuls ses yeux indiquaient son origine. La fierté et la force qui y brillaient reflétait sa naissance. Sans les marchands, elle serait née noble.
La jeune femme lui sourit et porta un index à ses lèvres.

Pardon pour cette entrée en matière, mais je devais entrer. N'ayez crainte, je ne vous ferais pas de mal. Voyez....

Elle sortit le collier qu'elle présenta à Liria.

Voyez comme ils brillent, réunis. Nous serions soeurs que leur lueur ne serait plus forte. Laissez moi le voir, je vous en prie. Laissez moi parler au maître. Laissez moi le détruire....

Sans savoir pourquoi, Liria lui fit confiance. Elle sentit qu'elle le devait. Cette inconnue lui était proche. Réconfortante. Si proche qu'elle l'emmena, la coiffa, l'habilla, la maquilla. Si proche qu'elle lui offrit les clefs des portes qui la mèneraient au maître. Si proche qu'elle l'embrassa avant de murmurer à son oreille.

Bonne chance, soeur. Merci d'être revenue.


___________

Une main sur son bas ventre, une autre tenant un lourd verre orné de pierres précieuses, le Maître attendait. Mais que faisait Liria? Pourquoi prenait elle tout ce temps?

Enfin la porte s'ouvrit. Les rideaux volèrent sous le souffle du vent. Mais ce n'est pas le parfum de sa favorite qu'il sentit.
Dans l'embrasure de son arche dorée se tenait timidement une silhouette dont les courbes n'allaient pas sans lui rappeler quelqu'un.
Il chercha dans le brouillard de ses souvenirs, dense et lourd brouillard. Il chercha en sa mémoire, chercha à placer un visage sur cette silhouette, un nom sur ce visage. Mais rien ne lui vint. Il attendit. Elle attendit. Il lui fit signe de s'avancer. Elle s'avança. Une lueur autour de son cou se faisait de plus en plus forte. Elle portait un collier. Une de ces chaînes qui rattachaient les courtisanes à leur maître. Enfin il pu discerner ses traits.

Non.... Tu es ... morte...

Elle vint vers lui et s'assit à ses pieds. Comme elle le faisait jadis. Elle s'assit à ses pieds et posa sa tête sur ses genoux.

Faites comme si j'étais en vie, mon bon maître. Faites comme vous faisiez jadis. Parlez moi de votre passé. Parlez moi du mien. Donnez naissance à la lueur, redonnez lui force.

Et comme elle murmurait ces paroles, il sentit le pendentif se réchauffer.
Et un flot de souvenir le submergea. Et comme il était noyé par le poids des années, les mots s'envolèrent de sa bouche.

C'était il y a des années, des siècles il me semble. Tu étais si belle... Tu étais mienne. Nous étions si heureux. Le monde était notre. Tu étais ma favorite alors. Nulle ne t'avais égalée.

Et comme il parlait, le pendentif s'animait, on aurait pu sentir battre son coeur sous la surface de diamant. Et elle, Kalyso, Dehlia, Ashi, quel que soit son nom, elle jouissait d'obtenir enfin une réponse. Elle jouissait d'obtenir enfin vengeance.

Et elle guettait. Elle imaginait l'ombre d'Halad, derrière la fenêtre. Il l'avait suivie, elle le lui avait demandé durant l'épreuve. Et ils avaient été liés. Le dessin sur son dos, celui qu'elle avait demandé aux gitans de peindre, ne s'estomperait plus. Alors qu'il réfléchissait, cherchait à se souvenir, à échapper à la masse qui écrasait ses épaules, alors qu'il voulait savoir pourquoi il était là, suivant la jeune femme jusqu'à observer ce spectacle qui le dégouttait.

Et elle attendait, espérant qu'il arrive avant eux, avant que le voile ne se déchire. Espérant ne pas faillir.

Tu étais si parfaite. Parfaite en tout. Une si jolie petite menteuse... Tu étais meneuse d'un petit groupe de résistants. Je ris encore en me rappelant comme tu leur mentait. Comme tu leur promettais monts et merveilles, et comme ils attendaient, toujours plus soumis. Tu étais si amoureuse de moi... Et moi je te méprisais tant, petit rat...

C'est à ce moment là que tout s'effondra pour Kalyso. Ce plan, si bien dessiné en son esprit. De la rencontre dans la taverne, aux gitans attendus au détour du chemin, à la prière, aux messagers, au voile. A sa rencontre avec lui, et à son combat. A sa mère, cette figure dont elle était si fière. Ce symbole qu'elle avait feint oublier. Et là, le doute envahissait son esprit. Non c’était impossible…

Oui, je vous méprisais tous, comme tu les méprisais. Tu m'aimais, et moi par toi, j'embrassais le pouvoir. Ton corps était mien. Ton esprit était mien. Et par eux, votre monde était mien. Mais il a fallu qu'elles viennent au monde. Il a fallu que tu les aimes plus que moi. Que tu les marques pour ne pas les perdre. Et que tu te dresses contre moi. Tout ça pour protéger cette fille...

La colère faisait vibrer sa voix à présent. Le pendentif était de plus en plus chaud.

Cette enfant...

La douleur commença à se faire sentir...

Ton enfant...

...Le voile allait se déchirer, les laisser passer...

Alors je t'ai faite tuer....

...Il leva sa main, où brillait la lame d'un poignard...

....Pour la reprendre...

...Halad brisa la fenêtre...

Pour reprendre....

...Le premier à traverser le voile fut Inilhier...

Ce que tu m'avais caché...

... Le médaillon émit une lumière qui illumina la pièce, aveuglant ses occupants...

SHINGAZ NOOOON

La voix de Kalyso s'était perdue dans un bruit de tonnerre. Il était trop tard. Où peut être trop tôt.

Pour reprendre ma fille.

Auteur : Aurel
08/10/06 13h13 | 21 Galan 3725

Course effrenée.

Halad tenait Kalyso par la main et l'entrainait avec lui. Ils couraient en aveugles dans un monde en plein chaos. Derrière eux, ils sentaient leurs poursuivants.

Kalyso se laissait emmener, passive. Elle ne saisissait pas ce qui arrivait. Elle ne comprenait pas où elle allait. Elle se contentait de laisser Halad la tirer, loin, très loin.

Ils n'étaient plus tout à fait dans Svetlaïa, mais ils n'étaient pas non plus partis. Ils enjambaient les obstacles, ils se fondaient dans les ombres, ils se déplaçaient plus vite que le vent. Ils frôlaient le Voile, mais restaient au maximum de ce côté du réel.

Halad entraina la jeune femme vers une porte. Ca y est, ils étaient sortis. Mais toujours poursuivis. Ils couraient, ils volaient dans un long couloir. Ils poussèrent une porte et la franchirent, débarquant en pleine cérémonie religieuse dans une Volcano qu'Halad ne connaissait pas. Pas vraiment. Ou qu'il ne connaissait plus. Et pourtant... Oui, c'était par là. Tourner. Monter. Fuir, encore fuir. L'abject les poursuivaient. L'antithèse de toute vie.

Nouvelle porte. Anneau doré. Kalyso et Halad fuyaient maintenant en plein coeur du Voile. On se retourne sur leur passage. On s'écarte. On les fuit. Ils ammènent la Fin avec eux.

Nouveau portail. Différent. Inconnu de Kalyso. Inconnu de Halad, et pourtant il sait qu'il doit le prendre. Et vite.

Tous deux courent. Tous deux se dépèchent. Vite, il faut faire vite.

Ils débouchent dans une grande plaine sableuse, au clair de lune. Au loin, des lumières, de la magie. Mais Halad continue. Il ne faut pas s'arrêter ici. Surtout pas. Tout ici va changer. Et tout en sera bouleversé. Pour toujours.

Halad traverse un portail avec Kalyso. Nouvelle plaine. Nouveau clair de lune. Au loin, des lumières, de la magie. Halad s'arrête un instant. Oui, ça y est, il sait. Il tend son esprit. C'est si facile. Il ressent l'Autre. L'ancien. Il lui parle :

Elle t’a choisi.
Vous êtes ensemble maintenant.
Vous êtes les opposés qui s’attirent.
Vous êtes le noir et le blanc, vous êtes les infinis, vous êtes le début et la fin, le corps et l’esprit.
Vous êtes le juste milieu en étant aussi incertain que c’est possible.
Ne la laisse pas, et n’en attend pas moins d’elle.
Car votre quête, votre histoire, sera peut être courte, mais tout en même temps, éternelle.


Eternelle, oui. Mais déjà, Halad repart avec Kalyso. Les autres risquent de les retrouver, il ne faut pas qu'ils les trouvent ici. Il ne faut pas qu'ils les trouvent maintenant. Un aigle vole dans le ciel.

Changement de décor. Halad tient toujours Kalyso par la main, ils courent, encore et encore. Portail. Anneau. Nouveau portail. Nouvel anneau. Course effrenée dans les dédales de l'univers. Les dimensions se croisent et s'entrecroisent. Et enfin, tout s'arrête.

Halad cesse de courir. Il s'écroule sur le sol, épuisé. Kalyso s'assoit non loin de lui. Ils se taisent. Ils écoutent.

Les minutes s'écoulent. Tout est calme. Sauf leurs pensées.

Les heures s'écoulent. Personne ne les a suivi jusqu'ici.


Ils sont sur une plage, sur une petite île. Ici, on a combattu. Mais c'est déjà fini. Tout peut commencer. Ou tout a déjà recommencé.

Un jeune garçon traverse l'esprit de Halad. Et disparait déjà. Le silence s'installe.

Halad et de Kalyso sont allongés sur le sable chaud. Leurs respirations se sont calmées. Au contraire de leurs esprits.

Kaly... J'ai peur. Quelque chose s'est éveillé en moi. Quelque chose de puissant. Quelque chose de secret. Quelque chose qui... Quelque chose qui me change. Qui me fait savoir. Mais qui me fait m'oublier. Et cette chose... Cette chose ne me lâchera pas. Elle pénètre en moi... Elle est en moi. Elle fait partie de moi. Et peu à peu, elle reprend des forces. Kaly... Vais-je disparaitre ?

Auteur : Kalyso
08/10/06 16h24 | 21 Galan 3725

Oui

La réponse le frappa comme un coup dans le ventre.

Oui tu vas disparaître, au sens où tu ne seras plus Halad. Tu es né pour être offert. Tu es né pour n'être. Mais si tu veux, je peux l'empêcher.

Je dois mourir?

Pas mourir. Laisse moi te raconter une histoire, Halad.


La jeune femme s'assit en tailleur et se mit à dessiner des cercles dans le sable. Le vent portait les embrunts de la mer jusqu'à eux. Enfin, elle prit la parole.

Il était un monde, Halad, un monde plongé dans l'obscurité. Un monde où tout n'était que désillusions, mensonges, trahisons et batailles. En ce monde pourtant, certains voulaient croire. Pourquoi? Ne me le demande pas, t'expliquer la bêtise me prendrait bien trop de temps. Ces croyants, naïfs, donnèrent naissances à des lueurs, là pour montrer la voie.
Ces lueurs, éclats de vie dans le noir, se multiplièrent, et parvinrent même à vivre. Et le pire dans tout ça, c'est que ces lueurs furent aimées. Suivies, et aimées. Par des impudents, croyants, ignorants. Suivies et aimées car elles avaient un côté humain. Ca fait très conte de fée; comme si l'humain pouvait être aimé... Qu'importe. Ces lueurs finir par s'éteindre, une par une. Elles n'avaient pas accompli leur rôle, mais elles n'étaient plus assez ... divines ... trop humaines .... pour être aimées encore. Et le monde fut replongé dans l'obscurité.
Il était maintenant une petite fille. Une petite fille qui croyait en l'homme, qui croyait en sa force. Une petite fille qui voyait au delà de l'obscurité et n'avait besoin des lueurs. Ou plutôt ne pensait en avoir besoin. Car lorsque les lumières autour d'elle ne furent plus, le désespoir de l'opacité qui l'entourait la noya.
Cette petite fille perdit son innocence et sa pureté. Elle haït, puis cessa d'aimer, puis devint indifférente. Si indifférente que la perte des êtres chers ne l'atteignit même plus. Elle cessa de respecter, puis de se respecter. Et elle voulut voir dans le noir, comme jadis. Mais cette fois ci pour des raisons égoïstes : elle ne voulait plus avoir peur. Cette petite fille partit donc, explora mille endroits, entendit mille histoires, détruisit mille vies. Et enfin elle trouva. Elle trouva l'éclat qui lui ramènerait la vue.
Pour emprisonner cet éclat, il lui fallait une enveloppe, qui l'empêcherait de s'éparpiller. Une enveloppe qui sacrifierait sa lumière au profit d'une autre, plus forte.

Que veux tu dire?

Nous sommes tous des lueurs, Halad. Des éclats qui brillent dans l'obscurité. Hélas pas assez fort pour apporter la lumière. Tu es un porteur. Tu peux accueillir une flamme, une Lueur qui fut. Une lueur qui doit renaître. Tu es né pour ça. Si tu te laisses embrasser par le pouvoir qui t'effleura de l'autre côté du voile, la flamme d'Halad s'atténuera pour laisser place à celle de Shingaz.

Je dois donc m'éteindre pour qu'il renaisse? Et tu savais cela? Tu m'as emmené pour ...

Un jouet, Halad, une enveloppe charnelle. Tu ne représentes rie de plus.

C'est impossible. Tu ne peux pas... Les gitans, ils...

Prévenus. Ils me devaient un service.

C'est impossible.

Je suis une menteuse, Halad. Une vile menteuse. Et toi, tu es entré dans mon jeu.

Tu ne peux pas. Tu mens. C'est ton excuse car tu veux te persuader que tu es forte, et insensible. Mais moi je sais que tu n'es pas comme ça. Tu ris, tu pleures, tu as peur et tu hésites, et tu aimes aussi. Je t'ai vue tout un mois, je t'ai suivie, je t'ai connue. Tu veux croire que tu es mauvaise, tu veux te croire insensible, et tu te détestes plus à chacune de tes actions, mais tu n'es pas ainsi...

Aurais tu peur de mourir Halad?


Ils se turent tous deux, perdus dans la contemplation du ciel. Bientôt il faudrait fuir de nouveau. Ou se battre. Bientôt il faudrait choisir de l'issue de leur quête. Bientôt il faudrait ouvrir les yeux.

Auteur : Aurel
08/10/06 17h43 | 21 Galan 3725

Non, je n'ai pas peur de mourir, répondit Halad après un long moment. Non, ça ne m'effraie pas. Mais j'ai peur de disparaitre. De m'évanouir dans le vide sans personne pour se souvenir de moi. J'ai peur d'être utilisé. Manipulé. J'ai peur de servir un destin que je n'ai pas choisi. Et j'ai peur de ne pas être libre de mes actes. Pourquoi m'as-tu choisi, Kaly ? Pourquoi moi ?

Tu étais le bon. Le seul.

Ce n'est pas une réponse. Tu n'avais pas besoin de moi... Tu n'as pas besoin de moi. Ouvre les yeux : la lumière est à portée de toi. Sais-tu pourquoi je t'ai suivie ? Sais-tu pourquoi j'ai accepté d'être guidé comme un mouton, sans avoir de réponses à mes questions ? Sais-tu pourquoi des dizaines, des centaines d'autres feraient comme moi ? Non, tu ne te poses pas ces questions. Ou tu réponds à côté. C'est pourtant simple. Nous te suivons... Je te suis pour ce que tu es. Ni plus, ni moins. Tu es une de ces lueurs dont tu parles. Tu es plus lumineuse, plus attirante que tous ceux que j'ai croisé avant toi. Tu es... magnétique. Tes paroles ensorcelantes. Ouvre les yeux, Kaly. Tu verras que la lumière, tu l'as déjà. Cesse de retourner ton passé en tous sens. Cesse de chercher le bonheur dans des chimères. Ce Shingaz que je dois porter... Peut-être n'est-il rien de plus qu'une illusion. Un raté qui n'a pas su quitter ce monde quand il le devait.

Tu te trompes. Ce n'est pas de gaité de coeur qu'il en est là.

Qu'en sais-tu ? Le connais-tu réellement ? Peut-être t'a-t-il manipulée... Ou peut-être pas. Mais le plus grave, ce n'est pas tant qu'il soit ou non une vraie "lueur". C'est le fait que sa "lumière" t'ait voilé la face. Tu n'as pas besoin de lui. Tu n'as besoin de personne. Tu veux voir dans le noir ? Ouvre les yeux. Et tu verras. Il n'y a rien d'autre à faire.


Halad se leva, tandis que Kalyso le regardait, songeuse.

Il nous faut partir. Ceux qui nous poursuivent vont nous retrouver.

Ils nous retrouverons quoi qu'il arrive.

Arrête d'être aussi pessimiste. Allez, viens, il faut partir.

Tu continueras toujours à fuir ?

Nous n'avons pas le choix. A moins que tu ne te sentes de taille à affronter la chose qui nous poursuit...

Il y a longtemps, ce n'était qu'un homme...

Peut-être, mais aujourd'hui il est plus puissant que moi. Et cela vaut aussi pour toi, à moins que tu ne m'aies caché beaucoup plus que ce que je le pense.

Peut-être un jour causeras-tu sa perte...

Tu parles de moi, ou de ce Shingaz ?

Est-ce si différent ?

Pour moi, ça l'est. Et je regrette qu'il n'en aille pas de même pour toi...

Ne t'inquiète pas. Ca te passera. Il le faudra.


A cet instant, Halad perçut une subtile distorsion dans le champ magique qui l'entourait, tandis que son sentiment d'oppression se faisait plus fort.

Ce n'est ni le moment ni le lieu de discuter, ils arrivent. Allez, viens, on part d'ici !

Auteur : Kalyso
08/10/06 18h33 | 21 Galan 3725

Non. Non je ne partirai pas. Je lui ai dis que je l'attendrai. C'est ce que je fais. Tu te trompes, Halad, tu m'as suivie car on te l'a ordonné. Elle te l'a ordonné.

Kaly, je t'en prie, il me faut ces réponses, mais nous n'avons pas le temps....

Oh si. C'est maintenant que nous l'avons. Pas hier. Pas demain. Maintenant.


Et elle s'assit, entourant ses genoux de ses bras. La robe que Liria lui avait offerte découvrait son dos où la marque dessinée par les gitans brillait encore.
La jeune femme saisit le regard de son compagnon qui observait la peinture.

Tu vois, Halad, ceci est le lien qui nous unit. Il était gravé en mon corps, sous ma peau, alors qu'elle te parlait.

QUI EST ELLE?

Ne t'énerve pas, n'ai crainte. Une fois de plus, le choix t’est offert. Pars. Où reste.

Et toi?

Pour moi tout s'est effondré. La dernière valeur en laquelle je croyais n'est plus. Ma mère, le symbole pour moi de l'amour, ce sentiment perdu, s'est avéré faux. C'était une putain.

Et moi je t'interdis de t'exprimer ainsi jeune fille...


La voix qui avait parlé n'était pas celle d'Halad. Kalyso se leva d'un bond et se trouva face à Mordann. Il tenait la petite Navsigda par une main et Liria de l'autre. Au fond de ses yeux gris brillait une lueur féroce.

Je t'interdis de parler ainsi de celle qui est et restera notre exemple. Elle a trahi pour mieux nous sauver. Et tu ne lui arrives pas à la cheville si tu agis ainsi. Si tu fuis encore.

La jeune femme ne bougea pas. Ses yeux plongés dans ceux de l'homme, elle voulait garder son calme. Sa respiration accélérée n'était remarquée que par le mouvement de sa poitrine.

Mordann... Que faites vous là... Partez... Partez avant qu'ils arrivent. Partez avant que Svetlaïa...

Non, Kalyso. Cette fois ci, nous ne partirons pas. Cette fois ci nous serons à tes côtés. Et nous nous battrons. Et les vieilles querelles toucheront à leur fin.

Nous?

Nous tous...


En effet, autour des deux jeunes gens, sur les eaux, dans les terres, du brouillard s'épaississant apparaissaient des silhouettes. Cent, mille, dix mille...
Ils étaient là, tous, rescapés du voile, souvenirs échappés à l'oubli. Tant de visages connus, si longtemps auparavant, à présent marqués par les rides...
Puis elle les aperçu, là, présents aussi. Ces hommes qui lui avaient tenu la main jadis. Ces hommes qu'elle avait cherchés par delà la mort. Guerriers, Femmes, Enfants, ennemis ou amis, connus ou inconnus, aimés ou ignorés de la jeune femme. Ils étaient là.

C'est à ce moment là que le voile se déchira, déversant sur le monde une nuée de démons. La vie, la mort, les mondes se mélangeaient. Plus rien n'était.

Elle comprit et se sentit faible, et vulnérable. Elle comprit ce qu'elle avait fait à Svetlaïa. Elle comprit que c'est les âmes, les éclats, qui s'affrontaient en cette nuit. Elle comprit que ceux qu'elle avait aimés seraient face à elle, les mondes se mélangeaient, elle avait ce qu’elle désirait tant : ils seraient tous là.

Ce ne fut qu'une longue bataille, ou les lames se croisèrent dans des bruits métalliques. Une bataille pour la renaissance d'un monde. Une bataille pour l'existence.
Des dizaines de visages apparaissaient à Kalyso, tandis qu'elle dansait pour éviter les coups. Elle frappait ceux qu'elle devait, cherchant douloureusement en leurs regards une part de ce qu'ils avaient été.
Oh qu'elle aurait aimé mourir cette nuit là... Qu'elle aurait aimé qu'ils soient de nouveau tous réunis.
Mais au lieu de se laisser battre, elle continua sa chorégraphie, silhouette gracile dans une mêlée de corps qui ne saignaient jamais.

Dans cette nuée où s'entremêlaient tous ces êtres, dont beaucoup étaient chers à son coeur, qu'elle avait tant rêvé revoir, c'est Halad qu'elle cherchait.
Quel paradoxe, au milieu des trésors chers à son coeur qu'elle cherchait depuis si longtemps, elle ne désirait que trouver celui qu'elle venait de perdre.

Enfin vint l'aube, qui blanchit le paysage. Enfin les derniers combattants s'envolèrent, poussières argentées dans un pâle soleil d’hiver (s’étaient ils absentés si longtemps ?). Enfin le voile se referma. Enfin elle dit adieu à son rêve.

Et ils étaient là, face à face, dans cette plaine où tout avait commencé. Et ils se tenaient debout, le corps rompu par la fatigue. Et elle vint près de lui, serrant entre ses doigts tremblant une poussière. Et elle écarta sa main, lui montrant ce qu'elle cachait. Sur sa peau blanche brillait une petite pierre dont l'éclat rivalisait avec le reflet du soleil sur la neige. Et elle murmura à son oreille.

Le monde a failli disparaître cette nuit, Halad. Et hormis toi et moi, nul ne le saura jamais. Et si tu veux le raconter, nul ne te croira.

Elle tomba à genoux, prise de vertiges. Il se précipita près d'elle et la couvrit de sa cape. Grelottante, elle plongea une main dans la neige. Il vint face à elle et l'aida à creuser la terre dure.
Et comme deux enfants penchés sur un trésor, front contre front, ils enterrèrent la poussière. Et comme deux enfants, front contre front, ils se mirent à rire.
Et ils tombèrent, de fatigue, de douleur. Et ils s'endormirent pour trois longues semaines.

De leur éveil chez les gitans il n'y a rien à raconter.
De l'amitié qui était née entre les deux il y a bien plus à dire.
De la légende de leur quête il y aura bien des lignes écrites.
Et l'unique souvenir de celle ci est cette plante, dont les fleurs sont des diamants qui s'animent de lueur lorsque l'obscurité est trop dense, qui grandit encore et toujours dans une plaine, près d'une crique, sur la grande Galactica.

Et elle est debout, face à la mer. Elle revoit leurs visages à tous. Et elle est enfin heureuse, car elle sait maintenant, qu'où qu'ils soient, ils ne l'ont oubliée. Car elle l'a vu au fond de leurs yeux à tous...
Et elle parle à un fantôme du passé.

Tu étais là toi aussi, n’est ce pas ? Mais Sablazni t’a retenu… Tu étais là, j’ai senti ton pouvoir soutenir mon bras. Merci… Ne m’oublie pas. Je jure de te retrouver. Je jure de te ramener…

Et Halad vient, et il l’enlace. Et ils se perdent ensemble dans l’horizon sans fin.


Telle est leur quête à tous les deux, et les apparences sont trompeuses, car la fin n'est que début...

Auteur : Aurel
10/10/06 21h14 | 23 Galan 3725

Qui suis-je ?

Peu m'importe. Maintenant j'ai compris. Tout ce que j'ai vécu avant ces événements ne compte pas. N'est pas réel. Du moins pas vraiment.

Alors, tu m'as pardonné, Klantio. Merci.

Je sais ce que je dois faire maintenant. Je dois vivre. Je dois aimer.

Et peu importe le reste.

Suis-je Halad ? Suis-je Shingaz ?

Non. Je ne suis aucun des deux. Je suis moi. Peu importe le nom de ce moi. Je vis. Je pense. J'agis. Et tout cela en mon âme et conscience. Il est inutile d'en savoir plus. Je fais au mieux.

Je n'ai pas besoin de tout savoir maintenant. Un jour, je comprendrai ce que je suis. Un jour, je comprendrai ce qui est arrivé cette nuit-là. Un jour je saurai à quoi nous avons échappé. Ce que nous avons manqué.

Et un jour, je saurai qui elle est.

En attendant, je vais vivre. Vivre sans arrières-pensées. Vivre comme je n'ai jamais vécu.



~ ~ ~



Inilhier la fixe de ses yeux de braise. Elle pose ses yeux dans les siens. Sans hésiter. Sans trembler. Rares sont ceux qui peuvent en dire autant.

Il a réussi.

Inilhier acquiesce en silence.

Tout va recommencer.

Non. Tout a changé. Rien ne se reproduira à l'identique.

Je devrais y retourner.

Inutile pour l'instant. Je veux que tu poursuives la tâche que je t'ai confiée.

Il n'est plus.

Il est. Et l'autre aussi. Je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé, mais ils existent toujours. Ils nous observent. Ils nous narguent. Ils ont compris.

Peut-être. Mais ils sont les seuls.

C'est trop. Il faut les retrouver.

Ils seront trouvés.




Inilhier est seul. Sa faim se fait plus pressante. Un nouveau cycle commence. Les mondes approchent de leur fin. Bientôt... Oui, bientôt, les dix-sept s'ouvriront.



~ ~ ~



Il marchait seul sur cette route infinie. Non, pas seul. Tous étaient là, quelque part, autour. Mais loin, très loin. Seul l'autre était proche. Proche, mais silencieux.

Il marchait sur la route. Il pensait. Il ne savait pas où il allait. Il laissait ses pas le guider.

Son existence perdait son sens. Ce qu'il avait su était faux. Ce qu'il avait cru était faux. Ce qu'il avait imaginé était faux. Ce qu'il avait rêvé était faux.

Que restait-il ? Il ne restait que les émotions. Quel but poursuivre ? A quoi vouer le temps qui lui restait ?

Et puis, ils étaient arrivés. Et autour d'eux le destin tournait. Tous les regardaient.

Et il les avait aidés. Etait-ce sage ? Etait-ce sensé ? Il ne le savait. Et pourtant, il les avait aidés. D'abord lui. Puis Elle.

Et il les avait suivis. Jusque là où ses pas ne pouvaient plus le mener. Là où s'arrêtait son univers. Là où commençait son monde. Là où il avait commencé. Là où il avait fini.

Et il les avait pleurés.

Et tout recommençait. Et son erreur lui apparut. Son impuissance. Mais il n'avait pas eu le choix. Elle... Il n'avait pu que l'aider. Sachant ce que ça impliquait. Sachant à quoi l'autre allait être condamné. Sachant à quoi l'autre... Le Futur autre... L'ancien lui... allait être poussé. Irrémédiablement. Sans aucun espoir d'échappatoire.

Un cycle. Infernal.

Un cercle. Non, une spirale. Tout converge vers son centre. Il avait causé le destin du suivant. Et le sien avait été causé par le précédent.

Etait-ce bien vrai ? N'était-ce pas une pure invention de son âme malade ?

Impossible à déterminer.

Mais alors... Et si c'était vrai ?

Rien à faire. Si c'était vrai, il ne pouvait rien faire. Car il n'avait rien fait.

Et pourtant... Ca ne pouvait pas continuer. Car le centre de la spirale approchait. Le coeur du tourbillon. Tout aller couler. Tout aller être entrainé par le fond. Tout allait être noyé. Tout allait disparaitre. Même Elle...

Non, cela ne pouvait pas être. Il devait l'empêcher. Tout ça... Il n'avait pas pu vivre tout ça pour rien. Hors de question. Cela devait changer. Il devait agir.

Alors, il se souvint. Et peu à peu, se redressa. Un jour, il reviendrait. Et alors tout changerait.



~ ~ ~



Le soleil se lève sur Vertana. Les oiseaux chantent. Halad se redresse en souriant. Il aime cette ambiance. L'humidité de la rosée sur son visage.

Il regarde Kalyso, et il sourit, et il chante doucement. Au début de leur quète, il y a si longtemps, elle avait chanté pour lui. Alors il la réveille doucement de sa voix grave.

La jeune femme ouvre un oeil, puis l'autre, et elle sourit. Halad est heureux. Sur le visage de son amie, les plis soucieux ont disparu. Enfin, elle est calme. Apaisée. Depuis cette nuit-là...

Depuis cette nuit-là, ils ne se quittent plus. Halad n'en sait pas beaucoup plus sur son amie. Il ne lui pose pas de questions. Il savoure l'instant présent, sans se préoccuper de ce qui est achevé ou de ce qui est à venir.

Et pourtant, la nuit, il rêve. Il rêve d'un homme qui lui parle. Longuement. Qui lui raconte le monde. Qui lui raconte les mondes. Cet homme lui parle de ce qui a été. Il lui parle de ce qui sera. Il lui parle de nature. Il lui parle des Hommes. Il lui parle de magie.

Et peu à peu, Halad apprend. Et peu à peu, Halad comprend.


Kalyso et son ami marchent ensemble sous les arbres chargés de souvenirs. Ils cherchent. Quoi ? Ils ne le savent pas encore. Ils cherchent, parce que c'est tout ce qu'il savent faire. Ils cherchent lentement, posément. Ils ont leur vie devant eux. Et aucun nuage ne vient troubler leur horizon.


~ ~ ~


Loin d'ici, un petit coeur pulsait faiblement.

Auteur : Kalyso
14/10/06 13h28 | 27 Galan 3725

Halad?

Oui?

Je suis sérieuse, enlève ça, on va se faire lyncher


Les deux amis se mirent à rire et le jeune homme enleva la tunique offerte par les gitans. Ils étaient arrivés quelques minutes plus tôt à Tiounann, ville commerçante réputée pour son intolérance et son extrémisme.

Je propose que nous partions le plus vite possible, je n'aime pas cet endroit, ces gens me donnent la gerbe...

Ce n'est pas parce qu'ils ne partagent pas tes idées que... ok ok ok c'était pour rire, ne me regarde pas comme ça. Je récupère mon épée et on file.

Quelle idée de faire réparer ses armes ici...

C'est le seul endroit sur Galactica où on peut trouver du métal zian. Et à moins qu'un voyage sur Aquablue ne t'ait intéressé, nous n'avons pas le choix.

J'aurais toujours préféré Aquablue à ces péteux hypocrites matérialistes aux airs supérieurs et à la confiance en soi aussi développée que leur égo et ....

Calme toi Kaly. Ils ont bon fond.

BON FOND? Ha! Il faut être un imbécile pour se comporter ainsi, être aussi étroit dans ses pensées, et ...

J'ai passé une partie de mon enfance ici Kaly...

Ah. Oui mais ce n'est pas valable pour tout le monde tu sais? Regarde mon père était bien un ...


Elle rougit, baissa les yeux et sembla se perdre quelques secondes. Puis elle releva le visage, rieuse, plaqua un baiser sonore sur la joue de son compagnon et partit en courant.

Alors tu te traînes? Allons voir les mines de Zian!

Il secoua la tête en souriant et se mit en marche.


________

Bapi j'ai faim.

Tais toi.

Bapiiiii j'ai chaud.

Tais toi je te dis. Travaille.

Bapi j'ai mal aux bras.

Creuse.

J'en ai marre, j'en ai assez. Je veux aller jouer dehors.

TAIS TOI. Ca suffit maintenant! Cesse de faire l'enfant. S'ils nous entendent, ils nous puniront. Tais toi, creuse, dans une heure nous pourrons nous reposer.


Le garçon regarda sa petite soeur d'un air triste et reprit son ouvrage. Elle avait sûrement plus de chance que lui de sortir un jour des entrailles de la terre où le destin les avait placés. Si elle devenait belle, et qu'elle était remarquée, elle pourrait être vendue à la surface.

_________


Qu'as tu, Inilhier, tu m'as l'air songeur?

Je pense à eux. A eux deux ils pourraient se rappeler.

Tu aimerais qu'elle revienne?

J'aimais qu'elle soit ma favorite.

Elle n'a jamais été tienne.

J'en avais l'illusion. Ne prend pas cet air triste, ma belle, bientôt tu seras libérée de tes chaînes. Bientôt nous le serons tous. Bientôt...


Le Démon tourna les yeux vers Elle. Elle était belle. Aussi belle que dangereuse. Elle ne s'en rendait pas compte. Elle avait déjà oublié.
Si son coeur se mettait à battre plus fort... Oui il avait déjà pris un rythme... S'il se mettait battre plus fort encore, alors il y avait une chance de les éveiller. Une chance de faire des dix sept un seul. Une chance de mettre l'armée en marche.
Son regard las se porta vers le puit. La masse argentée se mouvait, se densifiant à chaque seconde.
Puis il se tourna vers le tableau, où il le vit, errant, seul et entouré à la fois.
Et dans son miroir, leurs visages lui souriaient.
Et en son esprit l'espoir renaissait.

Bientôt, oui...très bientôt...

Auteur : Aurel
15/10/06 02h42 | 28 Galan 3725

Heiran observe la balance descendre lentement vers le sol. Ca ne va pas, non, ça ne va pas. Le rendement de la journée est beaucoup trop faible, on va lui enlever une partie de sa paie. Il se tourne vers les deux hommes qui attendent, silencieux, derrière lui. Ils sont assez jeunes, pas plus de trente ans, mais le travail dans la mine les a déjà usés. Oh, pas autant que les "taupes" chargées de gratter le sol, mais les gaz dégagés par le métal zian abime leurs visages, noircit leur peau, et blesse leurs poumons. D'ici une dizaine d'années ils auront rejoint le grand cimetière de la mine.

Heiran s'écrie d'une voix forte :

Putain de fils de putes, mais c'est quoi ce bordel ?! Il est déjà midi et cette conne de balance penche même pas à moitié ! Vous avez pas compris c'que j'vous ai dit ?! Faut m'ramner au moins dix tonnes avant ce soir, alors vous allez vous bouger le cul, et faire bosser ces connards de taupins ! Butez-en deux ou trois s'il le faut, mais faites-les avancer ! Ils sont là pour travailler, pas pour dormir !

Les deux contremaitres quittent la salle, laissant Heiran seul. Celui-ci s'approche d'un vieil écran de contrôle et observe la situation en différents points de la mine. Depuis qu'on l'a nommé chef de chantier, il y a un mois, c'est la première fois que les contrats menacent de ne pas être remplis. Et s'il manque du métal à la fin de la journée, le Syndicat aurait un rapport, et c'est Heiran qui en ferait les frais. Alors, coûte que coûte, il pousse ses hommes au travail. Après tout, on n'exige de lui qu'un quota, une masse de sang et de sueur que ses taupes devraient produire dans les boyaux obscurs de la mine. Peu importe le nombre de cadavres qui devront joncher la route qui mène à sa paie.




Les contremaîtres se ruent dans les couloirs de la mine, courant vers les points de forage.

J'ai jamais vu Heiran comme ça...

Il doit péter un plomb. En tout cas, si on se bouge pas pour faire le quota, ce connard va nous retomber sur le dos.

Va t'occuper du dernier niveau, moi je me charge de prévenir les autres.




Nouvelles courses dans les tunnels obscurs. Le mot est passé, le rendement doit être maximum. Situation d'urgence, l'intégralité des mineurs est mobilisée, tout doit être fait vite, très vite.

Ca y est, les contremaitres passent à l'action. Ils hurlent des ordres aux taupes, ils les menacent, ils les insultent. Tout le monde accélère le rythme. Pas le choix.

Une taupe proteste, on lui tombe dessus. Une bonne rouste, elle aura compris. Les contremaîtres prennent note. En voila un qui n'aura pas de repas aujourd'hui.


La chaleur devient étouffante. Cela fait bien longtemps que les grands ventilateurs construits à l'entrée de la mine ne fonctionnent plus. Matériel obsolète, comme tout ce qu'on trouve dans ces vieilles mines. Pas étonnant qu'il y ait autant d'accidents.

Là-bas, une gamine ne creuse plus. Aussitôt, un homme court vers elle et la relève à coups de pieds. Un gamin s'interpose. Il se prend un bon coup dans la mâchoire. Il se relève et saute sur le contremaître. D'autres taupes s'arrêtent de travailler pour regarder la scène. Eh merde, mauvais signe. Manquerait plus qu'on se prenne un début de révolte aujourd'hui.

Vite, il faut enrayer les protestations. Pour ça, dans les mines, on a une excellente méthode, ça marche à tous les coups. Il suffit d'en prendre un ou deux et de faire un exemple, et direct les autres taupes se remettent à bosser. Le contremaître hésite une seconde. Ils sont si jeunes. Comme toujours. Mais la colère enfle, et il n'a plus le choix. Il fait un signe, et deux hommes attrappent la gamine et celui qui l'a défendu. On les traine à l'extérieur de la salle. Sous les coups et les menaces, les taupes reprennent leur travail. C'est déjà ça de gagné.

Les deux enfants sont emmenés à la surface. En remontant, on les fait passer bien en vue des autres taupes. Ces esclaves sont si simples à manipuler. Ils passent leurs journée à creuser, et n'ont plus assez d'énergie pour réfléchir. Il suffit de leur brandir un baton sous le nez, de faire un exemple de temps en temps, et ils se tiennent à peu près calmes.

Mais aujourd'hui, rien ne va plus. Est-ce d'avoir trop forcé sur la quantité de travail ? Les insultes cummulées ont-elles eu raison de leur patience ? Les contremaîtres n'ont pas le temps de se poser la question. Avant même qu'ils ne le réalisent, la colère et la haine les emportent. On se jette sur eux, on les force à lâcher les deux enfants qu'ils emmenaient. On les fait tomber au sol, on les frappe, on les griffe, on les mord. Tout ce qui était resté caché sort maintenant au grand jour. La colère a brisé ses digues. Le sang coule.


Une alarme retentit. Puis une autre. Les esclaves réalisent ce qu'ils ont fait. Trop tard, leurs geôliers ne sont plus qu'infâme charpie. Tout le monde crie. Tout le monde craint.

Ruée effrenée vers les issues. On s'entasse dans les ascenseurs. Maintenant, plus le choix. Les taupes savent que, après s'être révoltées, elles n'ont plus d'autre solution que de fuir. Ou de mourir.

Bapi court, il emmène sa soeur avec lui. Il a peur, il a mal, mais il y a plus urgent. Il faut profiter de la confusion pour sortir d'ici, il faut profiter de la confusion pour quitter cet enfer.

Auteur : Kalyso
22/10/06 15h05 | 35 Galan 3725

Dis moi Halad, le Zian, ça sert à quoi ? Je veux dire, quelles sont ses propriétés ?

Hmmm, il agit comme un amplificateur.

Un amplificateur ? De quoi ?

Laisse moi finir


Il ri en regardant la jeune femme et lui indiqua d’un signe de tête l’entrée de la première mine.

Tiens, celle la est réservée aux « touristes ».

C'est-à-dire ?

Elle est propre, etc.

Tu as vu les autre ?

Non, les accès sont dissimulés.

Oh…On en cherche un ?

Pourquoi pas. Descendons par là, on passera par les tunnels.

Et si on se perd ?

Kaly, on a participé à un affrontement entre deux mondes là. Tu crois que quatre pauvres tunnels souterrains peuvent nous faire quelque chose ?


Ce fut au tour de Kalyso de rire. Depuis un mois, elle parcourait Galactica avec Halad. Chaque jour leur apportait son lot de rencontres, de connaissances. Elle avait l’impression d’être heureuse. L’impression que tout était loin, si loin derrière. Qu’elle ne devrait plus se battre, ni mentir. Elle avait d’ailleurs fait la promesse à son ami qu’elle ne mettrait plus sa vie en jeu inutilement. Ce qui ne l’empêchait de passer ses soirées à s’entraîner à manier ses armes.

Bon et bien allons y.

Oui. Ah je disais ! Le Zian, c’est un amplificateur de tes qualités. Enfin, d’une qualité. Ne me demande pas comment il marche. En gros, tu sais utiliser la magie, et bien ta magie sera accrue. Ou tu seras bien plus adroite, capable de sauter d’un mur à l’autre…

Ça je sais faire.

Tsss, encore mieux ! Ou alors tu pourras trancher des têtes, ou transpercer des armures, etcetera, etcetera.


Ils se mirent à rire, tous les deux, grands enfants.

Tu penses que je pourrais m’acheter des étoiles en Zian ? Enfin, ces espèces de boomerang tranchant… Ouah je perds mes mots moi en ce moment…

Oui je pense. On y est presque. On rentre comment ?

On se fait passer pour des mineurs ?

D’acc !


Ils laissèrent leurs armures, armes, et autres accessoires sous un buisson et partirent vers l’entrée de la mine, courant et riant.

Halte. Qui êtes vous ?

D’nouveaux mineurs msieur. La frangine et moi, on a été envoyés par le père. L’a b’soin d’argent m’sieur.


Kalyso dissimula un petit rire en quinte de toux tandis que l’homme les observait d’un air suspicieux.

Je n’ai pas reçu d’ordres… Bon… Entrez… Ne dérangez pas les touristes.

Et ils descendirent dans les profondeurs de la terre, se laissant happer par l’obscurité. On leur lança des outils, on leur indiqua une place. Ils trouvèrent vite l’endroit, y abandonnèrent le matériel, et plongèrent dans le premier puit qu’ils trouvèrent.
Atterrissant en souplesse sur le sol près de son amie, Halad découvrit une grimace de douleur sur son visage.

Qu’est ce qui ne va pas ?

Je ne sais pas… Je me sens…bizarre… C’est le collier de ma mère. On dirait qu’il se réchauffe… Comme quand on s’est approchés …

Du portail ? Sur Svetlaïa ?


La réponse de Kalyso fut couverte par un hurlement. Deux enfants déboulèrent en courant. Un jeune garçon traînait une fillette par la main. Elle boitait, et retenait ses larmes. Puis elle mourut.

Auteur : Aurel
26/10/06 01h07 | 38 Galan 3725

Le jeune garçon vit sa soeur s'effondrer, et poussa un cri d'horreur. Il se baissa vers elle et tenta désespérément de la ranimer.

Halad se redressa et alla poser une main réconfortante sur l'épaule du garçon. Celui-ci sursauta et le regarda d'un air effrayé, mais Halad lui fit un sourire rassurant. Il se pencha sur le corps de la petite fille et tenta de sentir son pouls. Après quelques secondes, il soupira et secoua doucement la tête.

Comment t'appelles-tu, petit ?

Bapi, monsieur
, répondit craintivement le garçon. Comment va ma soeur ?

Je suis désolé, Bapi. Personne ne peut plus rien pour elle.


Le jeune garçon se releva lentement, les poings serrés. Sa lèvre inférieure tremblait légèrement. La colère emplissait ses yeux.

Halad croisa le regard de Kalyso, puis questionna Bapi :

Que s'est-il passé ?

Ils l'ont tuée !

Qui l'a tuée ?

ILS L'ONT TUEE !!!


Le visage du garçon était transformé par la haine, il paraissait prêt à tuer. Halad le regarda avec inquiétude, avant de demander de nouveau ce qu'il s'était passé. Ce fut une alarme qui lui répondit : une voix métallique parlait au travers de haut-parleurs de mauvaise qualité.

« Révoltes dans les secteurs 5 à 8 de la mine. Ordre de tirer à vue sur les mineurs. »

Halad se tourna vers Kalyso :

Ça, tu vois, c'est la différence entre la mine pour les touristes et les autres.

Moins propre, hein ?

Moins propre, oui. Ton pendentif te fait toujours souffrir ?

Je survis
, répondit la jeune femme avec un sourire contrit.

Halad observa quelques instants le jeune garçon, puis se retourna vers son amie.

Kaly... Tu te souviens de la promesse que tu m'as faite ? Celle comme quoi tu ne risquerais plus ta vie inutilement ?

Je m'en souviens.

Aujourd'hui, je crois que nous devons risquer notre vie pour aider ce garçon. Cependant, je doute que cela s'avère inutile...


Kalyso sourit.

Défenseur des opprimés, hein ?

Il y a de ça.

Mais pas seulement ?

Non, peut-être pas seulement...

Je suis contente que ce soit toi qui me propose de l'aider. Ça m'aurait fait mal de briser une promesse que je t'ai faite...

J'espère bien
, rétorqua Halad en clignant de l'oeil.

Il se baissa et ramassa délicatement le petit corps de la soeur de Bapi. Puis, se tournant vers le garçon :

Je sais ce que tu ressens. Je comprends très bien que tu veuilles leur faire payer. Mais écoute-moi bien : aujourd'hui, tu ne pourras rien faire. Alors suis-nous. Sauve-toi. Et plus tard, quand tu auras appris, alors tu pourras agir.

Bapi resta silencieux plusieurs secondes puis, sans desserrer les dents, il hocha lentement la tête.

Halad se tourna vers Kalyso.

Cela ne veut pas dire que tu doive agir déraisonnablement... Après ce qu'on a vécu, ce serait vexant de te perdre dans une révolte de mineurs, tu ne crois pas ?

Ne t'inquiète pas, je serai sage.

Nous devons trouver une sortie. Bapi, tu sais où il y a un ascenseur ?

Il y en a un peu plus bas, mais ils doivent tous être bloqués maintenant. Vaut mieux essayer de partir par les galeries.

Ces galeries, tu les connais ?


Le garçon fit une petite moue.

Ok, donc tu les connais pas. Alors c'est parti pour une petite excursion au hasard de la mine...

Auteur : Kalyso
27/10/06 10h29 | 40 Galan 3725

Kalyso s’accroupit et posa une main sur l’épaule de Bapi. Elle plongea ses yeux dans ceux du garçon.

Personne ne l’empêchera de venir avec nous, Halad. Et je pense que c’est la meilleure solution.

Il est bien trop jeune.

Il doit venir.

Tu es inconsciente. Il ne pourra survivre.

Je serais venue.

Ne sois pas si égoïste. Il n’est pas fait comme toi, il…

Mais MERDE Halad ! Il vient de perdre sa sœur. Il est blessé. Seul il s’en sortira encore moins qu’avec nous.

Ca tu t’en fiches ma grande. Tu veux lui apprendre à … à je ne sais même pas quoi ! Mais là où moi je t’ai suivi, il est trop jeune pour…

Crois ce que tu veux, il est hors de question que je le laisse aller seul par ces tunnels.


Le jeune homme n’insista pas. Il savait qu’il n’aurait pas le dernier mot, la seule chose qu’il lui restait à faire était de se réconcilier avec son amie et de tout faire pour protéger le petit. A quoi jouait elle ? Il ne le savait pas. Mais il devait y avoir une raison à son insistance.

Elle se releva et lui adressa un petit sourire d’excuses, puis s’élança dans les profondeurs de la terre.


Inhilier partit d’un grand rire.

Qu’est ce qui te fait rire mon beau ?

Un autre portail va bientôt s’ouvrir ma belle.

Ca c’est une bonne nouvelle.

Dis moi ce que tu vois s’il te plait. Je t’en prie ma belle.

Tu sais à quel point ça me fatigue.

Je sais je sais. Mais je t’en prie. Encore une fois.


Il s’approcha d’elle et passa sa main dans ses longs cheveux.
Elle se cambra et se serra contre lui dans un bruit de chaînes. Sa tête se posa sur le torse du Démon.

Je t’en prie ma belle. Fais le encore une fois…

Elle soupira et se résigna. Avait elle le choix ?
Le vert de ses yeux en recouvrit toute la surface tandis qu’elle était prise de convulsions. Ses dents s’entrechoquaient. Inilhier lui saisit la main. Elle rejeta sa tête en arrière et d’une voix faible, elle se mit à chantonner dans une langue étrange. Longuement il l’écouta, avant qu’elle ne s’effondre. Il la retint pour qu’elle ne se blesse pas sur ses chaines et la déposa sur le sol. Qu’il les haïssait, ces chaînes. Tant de fois il avait essayé de les briser..
Elle ouvrit ses grands yeux, battant des cils.

Alors ? Qu’ai-je dis ?

Ils sont en approche. Ils finiront bientôt d’ouvrir les quatre. Et alors nous aurons fini de payer pour nos péchés.

Est-ce un péché que d’aimer ?

Hélas…

Pour être avec toi, j’aimerais encore mille vies durant… mon frère….



Halad, Bapi et Kalyso avaient marché presque une heure lorsqu’ils débouchèrent sur une « pièce ». Dans l’obscurité, la jeune femme sentit l’enfant se blottirent contre elle en gémissant. Une odeur de pourriture leur monta aux narines, ils déglutirent mais continuèrent d’avancer.

C’est vrai que la version touristique me plaît d’avanta…

La jeune femme n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Elle sentit son pied glisser et Halad eut juste le temps de lui rattraper une main. Il la hissa sur la corniche.

Kaly, un petit régime ne te ferait pas de mal. Depuis Svetlaïa, il semblerait que tu as un peu forcé sur les pâtisseries.

Il n’obtint pas de réponse. Kalyso était comme pétrifié. Elle tenait la tête de Bapi contre sa poitrine, et dans ses yeux se lisait une expression d’effroi. Son ami suivit son regard.

Ils étaient arrivés à la fosse commune.

Auteur : Aurel
02/11/06 01h36 | 46 Galan 3725

Un silence de mort s'installa. Oui, de mort, c'était bien le mot. Des piles de cadavres dans un état de pourriture plus ou moins avancée s'amoncelaient dans tous les coins. Alors c'était ça, le vrai visage de ces mines. Combien d'esclaves avaient été sacrifiés pour extraire le zian ? Combien d'enfants mourraient chaque jour pour ce métal ?

Halad posa une main sur l'épaule de son amie.

Tu te souviens ? lui demanda-t-il. Cette odeur. Ces images. La mort, encore et toujours. C'est par elle que tout finit. Mais c'est aussi par elle que tout commence. Tu te souviens ? Dans ce cimetière...

Kalyso se tourna vers lui, une étrange expression sur le visage.

Que se passe-t-il ? interrogea-t-il.

Non... Rien du tout. C'est simplement que tu parles comme si...

Mais Halad ne connut jamais le fond de la pensée de son amie, car un grand remue-ménage leur parvint. D'après le bruit, au moins une dizaine d'hommes en armes approchaient. Aussitôt, le jeune homme entraîna Bapi et Kalyso vers la seule autre issue de ce charnier. Mais la jeune femme l'arrêta net : d'autres pas provenaient de cette galerie.

Dis-moi, Kaly, tu n'as pas un petit tour en réserve pour régler ce... léger problème ?

Hmm... Ça pourrait se faire, mais je te rappelle que nous avons eu l'excellente idée de laisser nos armes dehors.

Je vois. Dans ce cas, je pense que nous n'avons pas vraiment le choix.


Kalyso regarda les piles de corps autour d'elle.

Tu penses à...

Tu as une autre idée ?


Sans répondre, la jeune femme s'allongea au milieu des cadavres, serrant Bapi contre elle. Halad l'imita aussitôt, tentant de se fondre dans la masse malodorante qui l'entourait, en essayant autant que possible d'oublier qu'il se mêlait à des hommes morts peut-être depuis des jours.

Il était temps : à peine s'étaient-ils ainsi dissimulés que les deux groupes de soldats pénétrèrent dans la pièce. Ils ne s'attardèrent pas, probablement à cause de la puanteur, et passèrent donc devant les deux amis sans même leur jeter un coup d'oeil.

Lorsque le silence fut retombé, Halad se redressa et tendit la main pour aider Kalyso et Bapi à faire de même. Ce dernier s'était emmuré dans le silence, ruminant sans cesse l'idée de la disparition de sa soeur.

Tu as remarqué ? demanda Kalyso à son ami. Ce n'étaient pas des contremaîtres.

L'armée a dû s'en mêler. Le zian fait partie des principaux intérêts de ces terres, je pense que le gouvernement doit tout faire pour éviter d'en perdre le contrôle. Nous devrions nous dépêcher de sortir d'ici, cela risque de devenir de plus en plus dangereux.

Bien d'accord avec toi. Mais as-tu une idée du chemin à suivre ?

Si nous poursuivons dans ce boyau pendant encore un ou deux kilomètres, nous arriverons à une sorte de cheminée naturelle par laquelle nous pourrons remonter.


Kalyso fixa longuement Halad.

Tu es déjà venu ici ?

Heu... Non, bien sûr que non, pourquoi ?

Comment sais-tu tout cela ?


Halad se troubla un instant avant de répondre :

Eh bien je suppose que c'est lui... Ton Shingaz... Il doit connaître cette mine.

Je vois
, répondit-elle, songeuse. Et ce qu'il sait, tu le sais aussi ?

Pas nettement... Pas clairement... Du moins je ne crois pas. Je ne sais toujours pas vraiment qui il est. Mais là, je sais... Je ne peux pas l'expliquer. Peut-être que le zian qui nous entoure accroît ce phénomène.


Sans en dire plus, Halad fit signe de se mettre en route. Il réfléchissait à ce qu'il venait de dire. S'il était vrai que le zian accélérait le changement en lui, il ferait mieux de quitter rapidement cette grotte. Malgré son apparente résolution, sa résignation devant le fait qu'il changeait, et qu'il changerait continuellement jusqu'à devenir quelque chose d'autre, il ne pouvait s'oublier sans une certaine répugnance.

Kalyso le regardait marcher en silence, devinant les pensées qui le déchiraient. Elle savait que rien de ce qu'elle pourrait dire n'y changerait quoi que ce soit. Elle savait qu'il était même inutile d'essayer. Ils se comprenaient sans le secours des mots. Elle se contenta de serrer la main de son ami dans la sienne pour le réconforter. Tous deux se regardèrent. Halad sourit tristement.

Ils tournèrent alors leur attention vers Bapi. L'expression du jeune garçon n'avait pas changée. Kalyso sentit les yeux de Halad se poser sur elle. Ils échangèrent un regard. Ils échangèrent une pensée. Halad baissa les yeux. Il était résigné. Ce qui devait arriver arriverait. Il ne pouvait en être autrement. Kalyso elle-même n'y pouvait rien.

Auteur : Kalyso
18/11/06 17h46 | 62 Galan 3725

Oui… Oui c’est ça ma belle, je sens que tu as compris. Je sais que tu entends mes appels, que tu reçois mes signaux. Et je sais que tu veux y répondre… Je sais cette attirance que tu as pour notre côté… Je sais que tu es une des notre… Il ne te reste qu’à… ouvrir les yeux…



Hein ?

Je disais, il faut que la population arrive à ouvrir les yeux. Il faut faire quelque chose. C’est intolérable. Kaly ! Je déteste quand tu fais ça.

Quand je fais quoi ?

Quand tu te perds. Je sais que tu ne m’écoute plus, que tu pars ailleurs, je ne sais ou.

Pardon, je réfléchissais…

A quoi ?

A rien. Allons y…


La jeune femme se leva doucement, et prit Bapi dans ses bras. Les trois compagnons s’étaient arrêtés pour se reposer et l’enfant s’était endormi, épuisé par le poids de ses émotions.
Ils reprirent leur ascension dans un silence rythmé du souffle du dormeur.

Tu as raison ; c’est intolérable. Mais rien n’y changera, Halad. Quoi qu’on fasse, rien n’y changera…

Quoi, tu veux dire que tu peux rester de pierre face à cela ?

Pas de pierre… Simplement je ne crois pas aux miracles. Il y aura toujours des guerres. Toujours des gamins qui en chieront pour les conneries des adultes. En sauver quatre par ci par là ne changera jamais rien. Ca fait juste du bien à la conscience.

Tu es d’un égoïsme parfois…

Oui peut être. J’ai déjà donné Halad. Quand j’ai une occasion d’aider, tu sais que je me jette dessus – dans tous les sens du terme – mais moi-même ne me sens pas intéressée par la démarche de brasser du vide.

Pas du vide. De l’espoir…

Hmm on dirait une miss Galactica pour le coup. Ecoute, je pense que nous devrions remettre cette conversation à une fois où le taux d’oxygène dans l’air nous permettrait de survivre plus de quatre heures, où je n’aurais pas un môme à moitié mort sur les bras, et où je ne sentirais pas encore sur moi l’odeur de cadavres dans lesquels je viens de me rouler.

…

…


Le silence s’installe de nouveau, chacun ruminant ses pensées.
Au fur et à mesure qu’ils s’approchaient d’un ciel encore invisible, Kalyso sentait une attirance grandissante pour une plongée dans les sous sols de Galactica. Vers le Centre de la planète…

La fin de la remontée se passa sans problème. Bapi ne s’éveilla que lorsqu’ils arrivèrent au pied d’un mur humide que Bapi s’éveilla.
Kalyso le déposa délicatement sur le sol et entreprit de suivre le mur, promenant ses doigts dessus.

Bapi, connais tu cet endroit ?

Euh… Non… non je ne suis jamais venu jusqu’ici…

Halad ? Pourrais tu m’aider s’il te plait ?

Hmm ?

Fais moi la courte échelle…

Hein ??

Tu préfères monter sur mon dos ?


Le jeune homme s’exécuta en souriant. Il avait un pressentiment d’aventure. Leur petite querelle était oubliée, et le voyage avait été comme un intermède.
La jeune femme s’élança, féline, prit appui sur les mains de son ami, et sauta aussi haut qu’elle le pu. Elle s’agrippa à une corniche.

Ca va Kaly ?

Euh… Ca pourrait aller mieux. Bonne nouvelle, il y a un espace après le mur. Ce n’est pas un cul de sac.

Génial !

Mauvaise nouvelle, mon bras ne tiendra pas indéfiniment.

Fais un effort…

Petit comique.


Elle se hissa tant bien que mal, dégagea l’ouverture d’un coup de pied, et se glissa entre les parois. Sa tête apparut quelques minutes plus tard à Halad et Bapi.

Bon, il y a un passage sur dix mètres. Je pense que c’est une ancienne entrée qui a été condamnée. Une dizaine de tunnels repartent vers le bas.
Halad, tu penses être capable de me lancer Bapi, puis de monter nous rejoindre ?

Ca devrait être possible…

Ok, c’est gé…

Kaly ?

…

Kaly !!!!


Le visage de la jeune femme apparut de nouveau. Elle posa un doigt sur ses lèvres et leur fit signe de se presser. Quelqu’un approchait.

Auteur : Aurel
11/12/06 22h23 | 10 Aquan 3725

Aussitôt, Halad hissa Bapi aux côtés de Kalyso. Le garçon faillit glisser, mais la jeune femme le rattrapa juste à temps. Halad voulut alors le suivre, mais sans personne pour l'aider, l'escalade s'avéra plus difficile que prévue. Plusieurs fois, son poids arrachât au mur quelques vieilles pierres, le faisant glisser vers le bas. Il croyait qu'il n'y parviendrait jamais, quand son amie lui tendit la main pour l'aider. Reconnaissant, il la saisit et se hissa presque jusqu'en haut, en équilibre précaire à plus de deux mètres du sol.

C'est alors que Kalyso poussa un cri d'effroi et le lâcha. Halad roula sur le sol, s'assommant à demi sur un rocher affleurant. Le jeune homme se redressa et vit alors ce qui avait provoqué la surprise de son amie : un adolescent d'une quinzaine d'années environ était arrivé par la galerie qu'ils venaient d'emprunter. Celui-ci était des plus étranges : ses cheveux étaient blanc neige, et il dégageait un étrange aura, empli d'instabilité, comme s'il était à deux doigts de se volatiliser.

Le jeune homme n'eut pas le temps de réfléchir plus longtemps sur cette apparition, une intense douleur lui monta soudainement au crâne, une vague de rage et de peur mêlées s'abattant sur lui. Rapidement, tout devint noir. Halad sentit une masse obscure sombrer sur lui et l'enfermer dans les plus profonds replis de son esprit.



* * *


Halad reprit conscience du monde qui l'entourait. Il était allongé sur le sol, paupières closes. La douce chaleur d'un feu de camp luttait contre la fraîcheur de la nuit. Une petite brise lui soufflait au visage.

Nous sommes sortis de la mine, comprit-il.

Le jeune homme ouvrit les yeux. Autour de lui, le ciel étoilé. Et le silence. Il se redressa lentement, et découvrit une scène des plus singulières. Bapi dormait à côté de lui. D'un côté du feu de camp, Kalyso. Et de l'autre, cet étrange adolescent, qui la regardait. Tous deux conservaient le silence, se contentant de se détailler du regard. Halad, peu rassuré après son évanouissement, porta lentement la main vers son arme.

Pourquoi fais-tu cela ? lui demanda le garçon sans ciller. Ai-je l'air de vouloir te faire du mal ? Ai-je même l'air de le pouvoir ?

Dans la mine... J'ai perdu conscience...

Quelque chose en toi ne voulait pas que tu assistes à ce qui pouvait suivre. Je n'en suis pas responsable.

Quelque chose ? Quelqu'un, tu veux dire ?

Ne t'arrête pas à ce que tu entends. A ce qu'on te dit. A ce qu'on veut te faire croire. Toute connaissance est ici tronquée. Ne fais confiance qu'à toi-même, et à ce que tu ressens.


Halad laissa s'écouler le silence. Que ressentait-il ? La vérité est qu'il ne le savait même plus. Tout s'enchaînait si vite... Que ressentait-il sur sa nouvelle vie ? Sur sa nouvelle destinée ? Sur celui avec qui il partageait désormais son corps et son âme ? Sur Kalyso ? Sur ce garçon ?
Tout était trop compliqué. Des pensées mêlées, entremêlées, s'entrechoquaient. Comment comprendre ce qui l'entourait, alors qu'il ne comprenait même pas ce qu'il était ?
Ses pensées s'égaraient. En réalité, le plus important était...

Qui es-tu ?

L'adolescent sourit légèrement. Un sourire sans joie. Un sourire amer.

Si tu ne le savais pas, tu n'aurais pas eu besoin de t'évanouir, tout à l'heure.

Je ne le sais pas.

Mais qui est « je » ?

Ne détourne pas ma question. Qui es-tu ?


Une nouvelle fois, le silence retomba. Chacun réunissant, analysant, ses pensées.

Je suis un souvenir. Une ombre de ce que j'étais. Un mort parmi les autres... ou presque. Une image, une illusion. Membre temporaire de cette dimension. Pensée abstraite. Je suis lui, ajouta le garçon en montrant Bapi endormi. Et aussi peut-être un autre après lui. Et aussi sûrement un autre avant moi. Je suis le passage obligé, le déclencheur, celui qui fait commencer les choses, et celui qui les fait se terminer. Je suis la clé.

Et moi ? La serrure ?

Non. Celui qui tient la clé. Qui la tourne en tout sens, désespérément, parce qu'il veut ouvrir la porte mais que la serrure refuse de jouer.

De quelle porte parles-tu ?

De celle qui est au centre de tout cela. Après. Derrière. Quand les mots se tairont, quand la vie s'éteindra, quand les souvenirs régneront. Quand tout ce qui a été créé sera détruit. Quand un nouveau « quelque chose » commencera. Un nouveau, que personne ici ne verra. Nous ne serons que des souvenirs... Pour beaucoup nous le sommes déjà. La roue tourne... Le Centre approche. Ne le vois-tu pas ?

J'ai peur de ne pas comprendre.

Personne ne comprend jamais. Voilà pourquoi je suis mort.

Explique-moi.

C'est inutile, car tu as en toi cette connaissance. Hélas.

Mais...


L'adolescent se tourna vers Kalyso, qui était restée muette jusqu'à présent.

Je repars déjà... Vous savez que je n'ai pas le choix. Je n'ai pu passer que pour ces quelques heures, si je n'y retourne pas eux me trouveront. Je suis content d'avoir pu vous parler. D'avoir pu vous voir. D'avoir pu vous sentir. De me convaincre que vous êtes encore réelle. Restez-le, Dame Kalyso. Restez-le, je vous en prie...

Le garçon aux cheveux blanc neige se redressa d'un mouvement souple. Halad remarqua alors que son corps semblait en partie immatériel ; il pouvait voir les étoiles au travers. L'adolescent surprit son regard, et lâcha d'une voix amère :

Eh oui, je n'ai pas encore réussi. Mais ne vous inquiétez pas, Shingaz... Ne vous inquiétez pas. Je ne serai pas comme les autres. Je réussirai là où eux ont échoué.

Il s'éloigna de quelques pas avant de se retourner :

J'ai pu parler à Lutia. Elle n'a pas changé. Vous non plus, je gage. Vous savez ce que cela signifie.

Je ne suis pas Shingaz.

Peut-être pas vraiment, pas encore, mais c'est inéluctable. Du moins si j'échoue. Tout comme pour lui, ajouta l'adolescent en montrant Bapi d'un signe de tête. Et... Et tout comme pour Dame Kalyso. Mais cela, je suppose que c'est accessoire pour vous.


Halad resta de marbre, mais répondit fermement :

Elle est ce que j'ai de plus précieux.

L'autre sourit tristement.

Non, c'est faux. C'est un rêve que vous bercez, que vous tentez de faire survivre coûte que coûte. Mais en réalité, vous l'avez déjà oubliée. Rien ne compte plus pour vous, si ce n'est votre dernier objectif. Non pas le Centre des mondes, mais le Centre de tout. Les quatre dimensions convergent lentement vers lui. Oui, les quatre. Le temps n'y manque pas non plus... A ma plus grande détresse, et à celle de Kalyso. N'oubliez pas ça... Plus vous agissez dans vos buts, plus elle disparaît. Plus elle devient comme moi, et comme tous ceux qui m'ont précédé. Elle est de l'ancienne génération. Son cycle est normalement terminé. De tout temps, elle s'est attardée. Peut-être est-ce ce qui la rend si spéciale, si attirante.

Je ne...

Il ne sert à rien. Vous n'êtes peut-être pas encore assez Shingaz pour me comprendre. Ou peut-être que vous ne voulez pas me comprendre. Peut-être est-ce par peur d'entendre ce que j'ai à dire que vous vous êtes évanoui dans la mine. Mais quand vous serez assez devenu Shingaz pour me comprendre, il sera trop tard. Comprenez-vous mon dilemme ?

Pas réellement, non.

Je dois arrêter tout ça. Mais dans mes rêves, je ne vois aucune échappatoire. Aucun choix qui pourrait y changer quoi que ce soit. Et l'ennui, avec mes rêves... c'est qu'ils se réalisent toujours. Mais cette fois, rien que cette fois, cela changera. Je dois absolument me tromper. Sinon, tout ce pour quoi j'ai toujours lutté sera vain. Et le sera la prochaine fois. Et encore la suivante. Et un jour nous serons au Centre. Éternel recommencement. Éternelle chute vers la fin. Mais cette éternité justement ne l'est pas. Si je ne vous arrête pas, un jour vous réussirez. Et quoi que vous en pensiez, je ne peux pas l'accepter. Je ne resterai pas sans rien faire.

Mais arrêtez de m'asséner ainsi vos quatre vérités, sans m'en expliquer le moindre mot ! Je ne comprends pas les griefs que vous m'attribuez, je ne comprends pas le moindre de vos mots, je ne comprends aucune de vos métaphores ! Soyez clair, soyez net, dites-moi ce que vous pensez de moi, ce que vous savez de moi, ce que vous voulez de moi, cessez ces phrases grandiloquentes qui ne nous mèneront nulle part !!

Il ne sert à rien de vous énerver. Vous comprendrez bien assez tôt.

Mais arrêtez avec ça ! Vous êtes comme Kalyso, il faut toujours attendre pour comprendre, toujours attendre pour savoir, toujours attendre pour vivre ! Arrêtez, je suis un humain, je suis en droit de comprendre ce qu'il m'arrive, ce que je suis, ce que je fais !

Shingaz... Halad... Vous êtes tout, sauf un humain... Je pensais que vous l'aviez compris lorsque nous nous sommes croisés dans le Voile. N'oubliez pas ce qu'alors je vous ai dit. Tout finira au bout de cette route...


Alors, l'image du garçon, qui devenait de plus en plus diffuse, disparut totalement.

Halad se laissa tomber sur le sol, les poings serrés. Qu'est-ce que tout cela signifiait ? Qui était ce garçon ? Que voulait-il dire ? Et qu'avait-il, lui, Halad, à voir avec toutes ces histoires ?


***


Le feu était mourant quand Halad vint se rassoir aux côtés de Kalyso. Celle-ci avait l'air tourmentée. Ses yeux étaient rougis... par la fumée qui venait dans sa direction ou par des pleurs tenus secrets ?

Le jeune homme passa son bras derrière les épaules de son amie. Il gardèrent le silence de longues heures, chacun perdu dans ses pensées. Dans des souvenirs disparus.

Kaly...

Halad ?

Je crois que je devrais te parler de Klantio. Mon frère. Mais d'abord, je veux savoir. Qui est ce garçon qui est venu ? Et que voulait-il dire ? Kaly, s'il te plaît... Pour une fois, sois claire. Je veux comprendre.





Et la roue tournait...

Auteur : Kalyso
14/12/06 14h01 | 13 Aquan 3725

Claire? Mais je suis on ne peut plus limpide, Halad.

Quand tu parles....


La jeune femme eut un sourire amusé et étira ses jambes.

Ce garçon.... Ce garçon était...est? était quelqu'un qui compte énormément pour moi.

Il n'est donc plus?

Il faudrait partir de loin pour tout expliquer. De très loin. D'erreurs que j'ai faites par le passé, et qui m'ont emmenée ici même. Tout a étrangement lien avec des personnes que l'on pourrait réunir de par certains traits de leur caractère d'ailleurs...

Que veux tu dire?

Oh, rien. Ce ne sont que des divagations. Une réflexion à voix haute.

Je n'attends que ça, moi.

Mes pensées? Tu t'y perdrais. Même moi je ne m'y retrouve plus. Non pas qu'elles soient complexes. Juste trop nombreuses.


Bapi se retourna dans son sommeil et la jeune femme se leva pour remonter la couverture du garçon.

Kaly, ne fuis pas ainsi, s'il te plait. Je commence à être fatigué de te courir après.

Ne dis pas ça. Tu ne me cours pas après. Tu fuis avec moi, à présent...

Mais que fuyons nous?

Ce que nous recherchons...

Nous? Ou toi?

Shingaz et moi.

Et moi alors?

N'es tu pas lui ?

Non... enfin... non je ne crois pas.


La jeune femme revint s'asseoir près de son ami, lançant au passage une branche dans le feu qui se mot à crépiter plus fort.

Le plus drôle dans tout ça, c'est que je devrais être furieux. En vouloir à.... je ne sais même pas à qui. A toi sûrement, car c'est toi qui m'a mené de l'autre côté. Toi qui a fait de moi cet hôte... Et pourtant, j'accepte tout silencieusement. Je subis. J'ai parfois l'impression de m'évanouir dans les airs, de disparaître, tout doucement, et je ne veux même pas me battre.

Tu grandis?

J'ai terminé.

Il y a des choses qui ne s'arrêtent jamais.

Et si je meurs, Kaly?

Il est aussi des choses qui ne viennent que lorsqu'on les accepte.

Que veux tu dire?

Tu comprendras bien assez vite. Tu as peur de mourir?

Ainsi, cela est inévitable?

L'ai je dis?

Tu le sous entends.

Je te questionne.

Ta question est pleine de sens.

A toi de saisir le bon.


Elle s'assit en tailleur et commença à fredonner doucement, dessinant dans la poussière des motifs inconnus à Halad. Inconnu? Peut être pas tant que ça.
Et, au fur et à mesure que ses doigts se promenaient sur le sol, et que sa voix s'envolait dans les airs silencieux, les dessins semblèrent prendre vie, et se détacher de la terre sèche. Ils s'enflammèrent, prirent mille et une teintes, et commençerent à s'élever, de plus en plus haut.

J'aime te voir faire ça.

De la magie? Ca n'en est pas vraiment. Je vide mon esprit.

Que représentent ces dessins?


Comme les rêves disparaissent subitement lors d'un réveil brusque, les formes colorées redevinrent poussière et retombèrent sur le sol.

Te rappelles tu de Svetlaia, Halad?

Comment l'oublier.

Svetlaia n'est plus. Tu l'as compris, n'est ce pas?
Tous ces êtres que nous combattîmes, cette nuit là. Tous ces êtres venaient de l'autre côté du voile. C'était tous des démons. Des êtres attirés par notre monde. Que nous avons renvoyés dans le leur.

Oui. Oui j'ai compris cela. D'ailleurs, pourquoi certains nous ont aidés?

Certains ont gardé leurs souvenirs. Et assez de bon sens pour comprendre que tous mélanges ne sont pas bons à faire.
Cette nuit là, j'ai vu tant de visages chers. Des êtres se consumaient en ma mémoire, sans jamais disparaître complètement. Et j'ai compris que ma place n'était peut être plus ici. Mais qu'importe. C'est une autre histoire.

Raconte la?

Pas maintenant.
Cette nuit là, nous avons mené une bataille qui devait se produire. Qui est une de ces choses écrites dans le Grand Livre, prévues depuis toujours, et que l'on n'efface pas aussi facilement que certaines idées du Destin.

Ce n'était donc pas un hasard? Tu savais? Et tu nous as menés...

C'était mon rôle, je pense.

Pourquoi?

Qui d'autre ?

N'importe qui.

Nous sommes trop peu nombreux, hélas, à connaître ces choses. Trop peu à pouvoir les éviter.
Jadis, le voile n'était pas un secret. Jadis les armées des deux côtés s'affrontaient. Jadis tout était prévu et réalisé. Mais l'attirance pour l'inconnu fut partagée. Les Démons n'étaient plus les seuls à rêver de la grande traversée.
Alors fut décidée une chose. Un partage, équitable, et définitif. Tous ceux des deux côtés qui voudraient traverser le feraient. Et après le voyage, les mémoires seraient scellées. Et les Gardiens des Mémoires veilleraient à tout cela.

Il y a des Démons parmi nous? Et puis, pourquoi Démons? C'est péjoratif!

Ca ne l'était pas. Ca l'est devenu. Et oui. Il y en a. La magie n'est pas innée aux hommes.
Bref.
Le temps est passé. Les souvenirs furent enterrés. Et tout recommença. Du côté des Démons en tous cas. Voulant voir l'"Autre côté". Les Gardiens étaient seuls, et ne voulant réveiller les mémoires, ils le restèrent. Une bataille opposa les autres côtés, durant une nuit, comme toujours, et une autre, et encore une. Les Démons toujours étaient renvoyés, car les Gardiens étaient appuyés de forces...incertaines, mais puissantes. Comme si le Destin jugeait que le temps n'était pas encore arrivé à leur présence dans le dix huitième.
Et ce que tu vécus il y a presque un an, était une de ces batailles.

En étais tu un?

Moi? Oh non. Non moi je ne suis personne. Rien qu'un guide.

Pourtant tu sais bien des choses. Et tu as combattu.

Ce n'était pas la première fois. Et pas la dernière.

Tu veux dire qu'il y aura d'autres guerres?

Non, pas de tels affrontements. Dieu merci non. La date est définie, mais ne sera connue que du Gardien qui la vivra. Et les affrontements sont séparés de longues années. Il n'y eut que trois êtres qui connurent plus d'une bataille.

Attends... Tu savais tout cela... Et tu savais que nous ne serions que deux... Tu as.. Tu as amené Svetlaia à cela!


La jeune femme serra plus fort ses genoux contre elle et calla son menton dessus, fixant le feu d'un air absent.

Réponds moi, Kalyso. Tu les as menés à la bataille! Tu les as envoyés de l'autre côté!

Leur tour était venu, Halad.

Quoi?? Mais tu as détruit... Mon dieu, mais... et j'ai aidé à l'accomplissement de cela??!

Arrête. Tu n'y es pour rien. Tu ne savais rien de tout cela. Et tu ne connaissais pas la situation de Svatlaia.

Je t'en prie, ne me dis pas que tu les as envoyés vers une vie meilleure.

Non. Mais je n'aurais pu le faire s'ils ne le désiraient pas.

Mais comment peux tu rester aussi calme?? Comment peux tu être si stoïque alors que...

Que quoi, Halad? Que je suis une sale meurtrière? Que je suis promise à une douleur éternelle dans les flammes de l'enfer? Mais j'y brûle déjà. J'ai déjà mal. Et ce n'est que le début. Alors ta moralité...

Je ne sais même pas quoi dire.

Alors tais toi.


La jeune femme se mordit la lèvre. Halad se leva, ramassa ses affaires et tourna les talons.

Bien. Bien je me tais. Adieu, Kalyso. Adieu.

Les larmes aux yeux, elle ne bougea pas. Etait ce un au revoir? Non. Il ne fallait pas qu'il parte. Il fallait qu'ils restent ensemble.

Jusqu'au bout du chemin, là bas, de l'autre côté, là où il n'était pas allé seul.

Et des étoiles, un jeune garçon aux cheveux blancs, les observait de ses yeux tristes.

Dame Kalyso, restez avec le Gardien. Je vous en prie...

Auteur : Aurel
06/01/07 08h36 | 36 Aquan 3725

Les pas de Halad le portaient au loin. Une petite pluie fine commença à tomber. Le ciel était aussi gris que les pensées du jeune homme. Il se sentait perdu, trahi. Ses repères s'effondraient. Que faire quand tout ce en quoi on croit, tout ce pour quoi on lutte, s'avère n'être au final qu'une erreur de plus ? Que faire quand on ne sait plus où aller, quand la route se termine à nos pieds ?

Kalyso... Qui était-elle vraiment ? Dans quoi l'avait-elle entrainé ? Comment avait-elle pu le convaincre ? Pourquoi l'avoir suivie ?

Les paroles de cette voyante... L'aigle dans le ciel... Pourquoi ne pas avoir écouté tout cela ? Pourquoi s'être obstiné ? Il avait été impliqué contre son gré dans la pire hécatombe qu'il pouvait imaginer. Et dedans, il y avait perdu bien plus que la vie. Il aurait préféré mourir plutôt que de perdre ainsi tout contrôle sur ce qu'il est, sur ce qu'il fait... sur ce qu'il pense.

Shingaz, tu es content, hein ? Maintenant tu as ce que tu voulais. Je disparais lentement, et toi tu gagnes. Tu reviens. Tu peux recommencer tes manipulations. Sait-elle au moins la moitié de ce que je perçois de toi ?

Tu ne réponds pas, hein ? Mais je sais pourquoi... Tu sais, je l'ai compris. Tu n'es pas en moi. Tu es moi. Ou plutôt tu le deviens. Je serai comme toi. Je perds mon âme. Je serai froid. Je serai pierre. Je ne suis déjà plus humain. Et Kalyso, qu'est-elle ? Une simple pièce de ton puzzle ? De notre puzzle ?

Il y a déjà si longtemps, tu l'as retenue, tu l'as empêchée de mourir. Son ami l'avait tuée en visant son fils. Elle était frappée à mort. Elle n'aurait pas dû revenir. Mais tu l'as sauvée, parce que tu savais.

Ont-ils compris, tous ? A-t-elle compris, elle ? Pourquoi tu l'avais sauvée ? Tout ce que cela a entrainé ? Les combats, les meutres, les Chants, les horeurs réveillées, et enfin les pleurs ? Ma disparition ? Se rend-elle compte elle-même qu'elle est le centre de tout ce qu'il advient sur Galactica et les 17 depuis toutes ces années ? Le pivot, le catalyseur ? Le monde tourne, oui. Le monde tourne dans l'espace et dans le temps. Et l'axe... C'est elle, non ?

Que puis-je faire dans tout cela ? Rien, rien, rien du tout. Je me sens humain, mais je ne le suis déjà plus. Mes actions se limitent. Je sais que je devrais agir, mais je ne le peux déjà plus. Je ne l'ai jamais pu.

Tu peux agir.

C'est la voix du garçon de tout à l'heure. Halad se retourne vers lui, et ressent de nouveau une étrange impression. Tu as peur, Shingaz ? Pourquoi ? Qui est ce garçon ? Pourquoi ne me laisses-tu pas accéder à ton savoir, cette fois ? As-tu oublié que je suis toi ?

Tu peux agir, et tu le dois. Avant qu'il ne soit trop tard.

Si je pouvais agir, j'agirais.

Tu te crois entrainé par l'axe qui tourne, et reproduit toujours à l'identique. Mais tu es encore Halad. Tu es encore toi. Tu n'es pas qu'un pantin. Pourquoi ne réagis-tu pas ?

Tout cela est déjà écrit... Du moins je le crois. Je suis un chemin qu'on a tracé pour moi, je mets un pied devant l'autre, mais en réalité je n'ai pas le choix.

Tu te trompes. Dans le Voile, tu as accepté de renoncer au chemin qui s'ouvrait devant toi.

Ce qui m'a permis de recevoir une Lueur en moi... Tout est écrit. Tes paroles aussi, qui que tu sois.


La voix se tait une longue minute. Halad se demande s'il est de nouveau seul. Puis, tout bas :

Qu'est-ce qu'une Lueur, Halad ?

Les Lueurs... Je crois que les Lueurs nous guident sur ce chemin déjà tracé.

Et tu les suis aveuglément ?

Je n'ai pas le choix. J'en deviens une.

C'est ce qu'on t'a dit, mais c'est faux. Tu es un homme. La Lueur en toi n'est qu'un parasite qui t'utilise pour arriver à ses fins.

Ses fins ?

Le Centre de la spirale. Le Centre des mondes. Le Centre du temps. Là où sera scellé le destin des mondes. Là où la magie chantera. Là où les dix-huit s'ouvriront. Là où tout finira... si rien n'est fait. Le Centre. Le bout de cette route.

Mais pourquoi ? Pourquoi vouloir la fin du monde ?

Pas la fin DU monde, Halad. La fin des dix-huit, au profit du reste.

Le reste ?

Derrière le dernier des Voiles. Derrière le Linceul. Et s'il y avait quelque chose ?

Quelque chose... Derrière ?

Des Lueurs. Et elles ont faim. Nous devons arrêter la spirale du temps ici, sinon nous serons tous réduit à l'état de magie pure. De combustible... De nourriture pour ceux qui vivent de l'autre côté. Je n'en suis toujours pas certain, mais je crois que c'est ce qu'ils veulent. Faire chanter la magie au Centre des dix-huit, là où cela pourra rompre la structure de ces univers.

Non... Les Lueurs ne peuvent oeuvrer pour cela. Ne le sais-tu pas ? Ce sont des forces, des forces de la nature. On me l'a expliqué... Quoi de plus neutre que la gravité ? Quoi de plus neutre qu'une Lueur ?

Oui, c'est le discours tenu le plus souvent. Et pourtant, il ne tient pas. Sais-tu comment je suis mort ? Sais-tu comment le Trentième, le dernier Shadowsong est mort ?

Le dernier... Shadowsong ? ...


Déferlante d'images. Un garçon aux cheveux blancs. Un sceau rouge autour de lui. Tempête de magie, orage grondant. Destruction. Mort. Le Sceau est brisé. La magie chante. Yeux blancs. Puissance. Les Trente enfin réconciliés. Yeux rouges. Mort, encore mort. Et les pleurs. Kalyso... Encore. Les sphères. Warren. Le Démon. Warren. Les Ombres réveillées. Warren. Et derrière...

Ce n'est pas vrai... murmure Halad tandis que les souvenirs affluent.

Les Lueurs pensaient que Meïva Novae... ma mère... tenterait de me tuer. A cause de la prophétie, bien sûr. C'est mon sang qui devait me tuer. Mais si les Lueurs étaient vraiment des Lueurs, telles qu'elles se prétendent, elles auraient prévu, non ?

Prévu... Prévu quoi ?

Le Chant avait commencé. Le pouvoir était en moi. Et alors, j'ai vu, et j'ai compris. J'ai entrevu ce qu'il y a derrière. J'ai entrevu la structure même de notre monde. Si fragile... Et le Coeur a été brisé. Alors j'ai voulu arrêter tout cela. Et Meïva Novae est arrivée... avec l'arme qui a tué mon père. Cette arme boit la magie. Elle s'est approchée, déchirée par ses pensées. Elle m'a dit qu'elle était désolée. Elle m'a lancé l'arme. Et moi, j'ai fait ce à quoi les Lueurs s'attendaient. Ce qu'elles avaient prédit. Ce que mes ancêtres avaient prédit. Ce qu'un autre moi avait prédit, ce qu'un autre moi avait fait. J'ai attrapé l'arme au vol. Prêt à la retourner contre ma mère. Mais alors, je les ai tous surpris. Tu comprends, je ne pouvais pas laisser ce monde mourir. Des choses... des êtres y vivent qui me sont chers. Alors je n'ai pas frappé ma mère. Je me suis enfoncé l'arme dans le coeur.

Comment ?
Halad avait hurlé.

Je suis mort. Tué par mon propre sang. Tu vois, la prophétie avait raison... Et tout s'est arrêté. Les armées de la Coalition ont vaincu les Ombres que j'avais invoquées. Et Dame Kalyso a été libérée de l'étreinte du Voile. Je l'y ai remplacée.

Et Meïva Novae ?

Elle a choisi de partir...

Pourquoi me dire tout cela ?

Tu deviens Shingaz, mais tu ne l'es pas encore. Tu possèdes son pouvoir, mais pas encore toutes ses pensées. Aide-moi. Sois avec moi le grain de sable qui détruira tout leur mécanisme au dernier moment. Il pensera t'avoir fait disparaitre, mais tu seras toujours là. Tu attendras. Et nous réussirons. Fais-le pour ce monde. Fais-le pour Dame Kalyso.

Elle est...

Elle fait ce qu'elle peut pour survivre à son passé. A ses pensées. Comprends-la autant que tu le peux. Aime-la. Elle a traversé de noirs événements, mais elle est toujours là, derrière, aussi pure et innocente qu'au premier jour. Cherche-la derrière ses pleurs. Aide-la.

Warren...

Halad...

Merci.

Il n'y a pas de quoi. Et souviens-toi. Quand nous arriverons au bout de la route, tout se terminera. Les seules questions sont : quand, et comment ? Patience. Nous le saurons. Je dois maintenant te laisser avec Dame Kalyso. Le vent souffle. Le temps approche où je devrai revenir sur Galactica. Dans un vrai corps cette fois. Entends-tu les Wizards approcher ? Une nouvelle crise... Encore une. Protège-la.

Je la protègerai.





HRP : Avec ce message, notre RP arrive pile à 69 pages word :p

Auteur : Kalyso
06/01/07 13h54 | 36 Aquan 3725

Un bruit de lutte parvint aux oreilles d’Halad. Lorsqu’il se tourna vers le garçon, celui-ci s’était déjà évaporé.
Sans réfléchir, il s’élança alors dans la direction d’où parvenaient des cris étouffés.
Et il trouva bien vite ce qu’il craignait.

Kalyso était allongée sur le sol, ses vêtements déchirés. Elle luttait rageusement contre deux hommes. Deux autres gisaient sur le sol, l’épée de la jeune femme plantée en travers de la gorge de l’un d’eux.

Bapi était étendu dans une position étrange près du feu, et ne réagissait pas aux cendres qui enflammeraient assez vite ses cheveux.

Le feu… Ces flammes rappelaient tant à Halad. Il ne savait pourquoi, il les sentait briller dans son regard, comme si elles n’attendaient qu’un ordre de lui pour en sortir. Elles le dévoraient de l’intérieur. Et il se sentit transporté ailleurs. Il vit défiler devant ses yeux en une longue file une centaine d’hommes et de femmes, retenus par de lourdes chaînes. Ils processionnaient vers un point qu’Halad ne reconnut pas de suite.

Aide moi, je t’en prie…

La voix n’était qu’un murmure, mais il l’aurait reconnu entre mille.

Je t’attendrai, viens avec elle. A la fontaine de pureté en laquelle elle ne croit. Fais la boire.

Il eut grande difficulté à reconnaître et admettre le visage de son amie dans celui de la femme, que jeunesse et force avaient quittée. Elle paraissait avoir cent ans et être usée.
Il ne lui restait qu’un œil dont le seul éclat parvenait des flammes qui l’entouraient.

Aide moi je t’en prie.

Et elle continua vers ce que, longtemps après, Halad devina être le Siège de la Corporation.

Les cris de la jeune femme firent fuir les flammes.
C’était un mélange de désespoir, d’abandon, de sanglots étouffés et de tristesse déchirante qui transpercèrent le cœur du jeune homme. Jamais il ne l’avait vue aussi impuissante, quand même elle se battait de toute son âme contre mille esprits. Comme si elle avait perdu l’espoir.

Elle était immobilisée, un homme assis sur le bas de son ventre, retenant ses poignets au sol et léchant son visage, l’autre arrachant les derniers vêtements qu’il lui restaient.

Et d’un coup, ils moururent. Leurs corps sans vie s’effondrèrent sur celui de la jeune femme, qui émit une plainte avant de laisser tomber sa tête contre le sol et de fermer les yeux.
Halad resta debout, sans bouger. Il avait senti une puissance étrange parcourir ses veines, et lorsqu’il avait voulu s’élancer vers Kalyso, les deux hommes étaient morts.
Ils restèrent ainsi plusieurs heures, peut être minutes, abandonnés à leurs peurs et pensées.

Halad fut le premier à quitter son univers. Il courut vers son amie qui grelottait et repoussa d’un coup de pied les deux corps effondrée sur elle. Puis il la releva sans qu’elle ne résiste, et tandis qu’il enlevait son manteau pour l’en recouvrir, elle s’effondra sur le sol.
Il s’empressa de s’excuser et la releva de nouveau, la tenant serrée contre lui pour qu’elle ne s’effondre de nouveau, et lui mit la veste sur les épaules.
Puis il la prit par la main et la tira loin de la scène. Sa santé était la plus importante. Les charognards s’occuperaient d’offrir à Bapi une sépulture. Et elle le suivit, trébuchant à chaque fois que ses pieds nus rencontraient une pierre ou une racine. Les yeux dans le vide, elle balbutiait sans cesse des paroles en une langue inconnue, comme si elle essayait de chanter d’une voix faible.

Halad jura en voyant que les chevaux avaient été détachés, et prit Kalyso dans ses bras.
S’éloigner, le plus loin possible.

Il chemina toute la nuit, manquant de tomber à plusieurs reprises sous le poids de la jeune femme.
Et la fatigue l’emporta. Il se sentit faible, et des larmes noyèrent ses yeux. Il était perdu à présent, sûrement comme elle. Mais elle n’était plus là pour lui comme il n’avait plus été là pour elle.
Il l’allongea, lovée dans les racines d’un gros chêne, et s’effondra lui-même à ses côtés.
Une bonne nuit de sommeil ne serait de trop. Et qu’importait si des brigands venaient pour le tuer. Il ne voulait plus rien.

En songe il vécut d’autres vies que les siennes. Le point commun entre ces vies était toujours Kalyso. Tantôt l’embrassait il et la regardait il porter son enfant, tantôt lui plantait il une lame froide dans la chair. Il lui fit cent promesses, la connut sous divers angles. La vit perdre espoir ou prôner le courage.

A ton réveil, tu oublieras.

Hein ?


Petit rire cristallin, caresse d’une main douce sur son épaule. Il voguait à présent là où Shingaz et lui échangeaient leurs idées.
Une petite fille lui faisait face en souriant. Une petite fille ? Non une jeune femme. Une jeune femme qu’il connaissait. Des larmes de sang vinrent colorer et disparurent à une vitesse folle,ses bras se couvraient de cicatrices.

A ton réveil, tu oublieras. Ce n’est pas drôle si tu as telle avance sur moi.

Un médaillon vert bien connu apparu autour de son cou.

Kaly, où sommes nous là ?

Je ne sais pas. Je ne me suis jamais réellement posé la question.


Elle regarda autour d’elle, comme si elle tentait de percer l’épais brouillard qui les environnait. Du sang coula de son bras qu’elle regarda avec tristesse.

Tiens, on dirait que Solarien vient de me toucher.

De nouvelles larmes sanguines coulèrent de ses yeux.

Je mourrai bientôt, mais Tienn ne devrait pas tarder.

Son évolution charnelle à travers le temps continuaient sans qu’elle ne se trouble. Son corps revivait inlassablement sa vie.

Kaly, est ce un rêve ?

Oui, ce doit être le tien. Mais il semble que je m’y sois invitée.
Une fois je suis venue ici. Lord Shingaz m’a parlé et demandé de rester. Mais c’est une autre histoire…

Et que se passe t-il ? Ou es tu passée ?

Je me repose…


Son corps se couvrit de dessins étranges.
Ils se regardèrent longtemps sans parler. Kalyso changeait à chaque seconde pour enfin devenir la vieille femme qu’Halad avait vue plus tôt.
Moins de temps s’était écoulé dans sa métamorphose entre la Kalyso actuelle et celle qu’il avait vue « dans le feu » qu’entre l’enfance de l jeune femme et son arrivée sur Galactica.

Quand je te disais que le Destin était déjà écrit…

Elle s’évapora doucement et Halad resta seul. Il se vit la chercher, supplier pour son retour.
Et ne fut pas surpris d’entendre la voix d’une petite fille.

Tu sais que j’aurais pu tuer ces hommes d’un battement de cils ?

Mais tu ne l’as pas fait.

Tu n’étais plus là, Halad. Plus rien n’avait de sens.



Un rayon de soleil éclaboussa l’œil du jeune homme.
La nature semblait lui offrir un cadeau. Il était plein d’une force nouvelle. Il se leva et s’étira, plein de joie de vivre et…

Kalyso !

Un rire lui parvint, fin, fragile.
Il courut de là d’où il provenait.

Une rivière d’eau claire passait entre les arbres. Et dedans, une enfant, une petite aux longs cheveux et à la peau blanche sautait de pierre en pierre.

A son cou, un médaillon vert, et dans son dos, un étrange dessin.

Elle se tourna vers Halad et il découvrit un regard qu’il connaissait bien.

Oui, tout irait mieux maintenant…

Allons petite Kalyso, à la fontaine de pureté !

J'ai à te parler d'abord, Halad...

Auteur : Aurel
12/02/07 23h46 | 73 Aquan 3725

Halad s'épongea le front en soupirant. Le soleil frappait durement depuis des heures, et il ne voyait toujours pas le bout de ce long chemin. Les sens étaient traitres dans ces régions reculées du Voile, ce qu'on pensait proche pouvait en réalité être à des années, voire des siècles de marche.

Le jeune homme fit descendre la petite Kalyso de ses épaules. Elle était perdue dans la contemplation d'une petite fleur qu'il lui avait ramassé, totalement étrangère à ce qui l'entourait.

Un étrange sentiment d'irréalité entourait Halad. Il ne saisissait toujours pas exactement le sens de tout cela. Plus d'un mois s'était écoulé depuis ses rêves nébuleux, occultés par les souvenirs de violence et de sang, mais des générations auraient aussi bien pu se succéder. Vraiment, cet endroit était étrange.

Le jeune Shadowsong lui avait reparlé trois fois depuis sa dernière rencontre, dans les moments où Shingaz se faisait distant, presque absent, et où Halad se retrouvait seul en lui-même. Selon le garçon, les événements se précipitaient sur Galactica. Une guerre avait éclaté, des hommes étaient morts, le sang avait coulé. Des empires étaient tombés. L'Oxymore... Que devenait-il ? Peu importait. Halad avait eu vent de bien terribles présages, et toute cette futile agitation allait probablement se révéler vaine. Halad se retourna. Au loin, au bout du chemin, il apercevait un étrange miroitement. La route qu'ils suivaient se refermait déjà, aspirée dans les profondeurs du Voile mouvant.

Les choses étaient instables ces temps-ci. Jamais Halad n'avait perçu un tel chaos dans le tissu du monde, et ce qu'il percevait de Shingaz lui laissait penser que cette situation était sans précédent. « Le Centre se rapproche », répétait Warren. Peut-être... C'était même probable. Le Voile n'avait jamais été aussi fragile.

La veille, il avait vu un monde disparaître, englouti dans les paresseuses volutes de cet étrange tissu. Il n'avait eu que le temps d'ouvrir un portail et de se glisser avec sa petite protégée dans la dimension adjacente. Il avait juste eu le temps d'entendre un vaste cri de stupeur, d'effroi, et d'agonie, avant que les replis du monde ne se referment.

Son expérience, sa vision n'avait jamais eu une telle accuité. Plus que jamais, et il s'en étonnait, il percevait les subtiles variations de la texture de ce qui l'entourait, et il savait maintenant se déplacer avec une aisance qui l'étonnait lui-même dans cet immense et ô combien complexe entrelacs de mondes et de voies changeantes qu'était le Voile. Il savait que cela signifiait qu'il devenait Shingaz, et que Shingaz devenait lui, et cela provoquait en lui d'étranges sentiments.

Peu importait. Il devait faire vite. Kalyso avait maintenant disparu de Galactica. Disparu pour de bon ? Non, il se refusait à le croire. A ses côtés, la petite buvait une longue gorgée à sa gourde. Il lui sourit, elle lui rendit son sourire.

Allez, Kaly, il faut repartir.

Sans protester, elle se laissa hisser sur les épaules du jeune homme, et il repartit d'un pas vif. Il sentait la magie battre sur ses tempes. Ce lieu... Non, cette partie de leurs pensées allait devenir dangereuse, et il leur restait beaucoup de chemin à parcourir avant le prochain anneau. La voie vers la fontaine était difficile, et seuls de maigres souvenirs fantomatiques issus d'une autre vie le guidaient.

Oui... Le temps avait passé. Rien n'était plus comme avant. Kalyso... Qui était-elle vraiment ? Chaque jour il découvrait une nouvelle partie d'elle. Chaque jour elle se dévoilait un peu, mais à chaque fois il s'apercevait que de nouveaux abîmes s'ouvraient dans sa compréhension de cet être à part. Il avait décidé de ne plus se poser de questions. Il se laissait guider par ses pas, par ses sentiments, sans plus tenter d'imaginer ce qui l'attendait. L'imagination... Le pire des maux. Quoi de plus douloureux que de penser un monde idéal, pour s'apercevoir ensuite qu'il n'est rien de plus qu'un rêve chimérique ? Un mois avait passé. Le ressac battait lentement les temps de Halad. Il tentait de ne plus penser. Un pas après l'autre. Un jour après l'autre. Une vie après l'autre.


Et au bout... Tout au bout... Peut-être comprendre.

Auteur : Kalyso
14/02/07 15h47 | 75 Aquan 3725

Kaly ?

La petite leva la tête.

Kaly, là, maintenant, j’ai besoin de toi.

Elle ne répondit rien, continuant de le fixer de ses yeux graves.
Accablé, le jeune homme soupira et reprit sa route, tenant l’enfant par la main.

La nuit, elle lui apparut en rêve.

« - Mais je suis toujours à te côté, Halad.

- Je te sens t’effacer…

- Mon mur de souvenirs s’effrite. Et je ne veux plus le reconstruire.

- Quoi ?!

- Rien…Rien oublie ça. Alors ?

- Alors quoi ? Je cherche quelque chose. Je ne sais pas quoi. Quelque chose en quoi tu refuserais de croire. Le hic c’est que tu ne crois pas en grand-chose.

- Ca devient le cas.

- La fontaine de pureté.

- Vieille légende d’un monde qui n’est plus

- Svet… ?

- Non. Tu sais ce que deviennent les mondes, lorsqu’ils sont happés par le néant sans pitié ?

- …

- Des spectres. Des cités spectres. Des gouffres. Des trous noirs où se noie la vie.

- Sympa.

- La légende veut que la fontaine de pureté soit une lumière dans le néant.

- Comme une lueur ?

- Les lueurs existent.

- Et où trouves tu ces villes spectres ?

- Ouvres donc ton esprit à Shingaz.

- A quoi bon ? Je vais dans le voile comme bon me semble.

- Les cités spectres sont au-delà. C’est la frontière entre deux mondes.

- Le voile et le notre ?

- Non. Un autre voile dans le voile. Ce que je me plais à appeler linceul.

- Tu y es déjà allée ?

- Je n’ai jamais su dépasser les cités spectres. Quelle que fut la durée de mon errance.

- Que… ?

- La bas volent des âmes en peine. C’est un purgatoire dont elles ne sortiront jamais. Une fois j’y ai croisé la mienne. »


Et Halad s’était réveillé.
La petite Kalyso était debout, dos à lui. Le bras tendu, elle dessinait dans les airs. Et sous son doigt semblait se créer une porte vers un autre monde.

« - Merci Kalyso… »

Et ils la passèrent tous deux.

Un purgatoire. Il s’était souvenu de ses mots au moment où il avait posé le pied sur le sol dont le froid traversa même sa chaussure.
Un purgatoire. Partout dans les airs flottaient des éclats de lumière translucides. Ils dégageaient un flot de sentiments. L’un d’entre eux traversa Halad, sans plus de cérémonie. Et le jeune homme se sentit glacé. Des larmes voulurent s’échapper de ses yeux. Il vécut l’espace d’un instant une vie. Une vie emplie de haine, qui serait éternellement punie en ce lieu. Et il sentit sa détresse, et sa colère, et il se retint pour ne pas tomber à genoux.
Lorsqu’il se retourna vers la lueur, il cru voir en son centre un visage. Celui d’un homme. Ses yeux en étaient la seule partie qui semblait encore vivante. Ils foudroyaient Halad d’un regard dur et froid. Et la chair du visage se mit à pourrir. Et la sphère flamboyante disparu.

« - Kalys… Kalyso ! Kaly ou es tu ??! »

L’enfant avait disparu. Il était seul, dans le noir, dans le froid. Il sentait ses membres s’engourdir. Et aucune lumière ne brillait dans l’obscurité.

Auteur : Kalyso
17/02/07 17h15 | 3 Vertan 3725

Errance.

Petite fille? Petite fille qui es tu?

Nous te voyons, tu avances. Tu es bel et bien vivante...mais tu es ... "différente". Rares sont les enfants qui sont venus ici. Les enfants vivants, ou leurs âmes.

En réalité, tu dois être la première.

J'ai l'impression de t'avoir déjà vue...

Oui! Oui tu me rappelles cette jeune femme, qui est venue tant de fois, et qui comme toi a tant erré.

Nous la pensions prise de folie. Elle marchait d'un pas si léger là où son coeur aurait du être brisé par nos présences.

Et comme un ange sous la neige elle dansait sous nos peines. Si je pouvais rire je le ferais, car penser à elle allège mon coeur. C'était il y a si longtemps, et c'est pourtant si proche.

Sais tu enfant, quel jour nous sommes? Nous n'avons plus de notion du temps, lorsque nous sommes condamnés pour l'éternité...
Mais tu ne sembles pas t'en inquiéter. Tu avances, et tu fredonnes, tenant cette fleur décrépie à la main. Mes vieilles joues ridées auraient été illuminées d'un sourire, si j'avais encore un corps. Mais si c'était le cas, je t'aurais sûrement tuée.

Petite fille, ou est donc passée ton âme, pour que tu ne ressentes pas la douleur des notres?



Halad allait seul depuis plusieurs minutes, sans but réel, tentant d'oublier la douleur de son coeur qui s'alourdissait à chacun de ses pas, lorsqu'il la vit.
La petite Kalyso jouait avec les lueurs, les effleurant du bout de son doigt.
Il sourit en la voyant, et elle se retourna. Et quelques secondes, il reconnut en l'enfant la femme. Elle courut vers lui et sauta dans ses bras.
Le froid le reprit, mais il n'était plus seul. Contre son coeur en battait un autre, plus petit, mais assez fort pour le réchauffer.

Et au loin ils entendirent le clapotis de l'eau.

- La fontaine?

- Oui.

- Pourquoi nous fut elle si simple à trouver?

- Car enfant, je croyais. Tu es venu à temps, encore quelques jours et tu ne l'aurais trouvée.

- Ou es tu, Kaly?

- Dans tes bras.

- Je ne parle pas des images.

- Alors je ne suis nulle part. Je ne suis plus qu'un souvenir. Je suis partout sans l'être vraiment.


Il s'avança, serrant l'enfant contre lui. Et au fur et à mesure qu'ils s'approchaient de l'eau, l'obscurité se faisait. Mais en même temps, le liquide prenait une teinte magique , comme si une lumière surnaturelle l'éclairait.

Lorsqu'autour d'eux tout s'était fait ombre, que les formes diverses n'avaient plus de contours, la lumière était si intense, qu'elle semblait suffir à éclairer tout un monde.
Et sur son bord se tenait assise la silhouette d'une femme.

En essayant d'attraper son regard, Halad ne devina qu'un sourire bienveillant. Et lorsqu'il vit briller à son cou un éclat émeraude, l'enfant de ses bras s'était envolée.

Il se mit à courir vers la Fontaine, soudain pris d'une peur panique que celle ci ne disparaisse, zigzagant entre les lumières.
Et à quelques mètres de son but, il en traversa une. Il ne la vit pas au début, tant elle était faible.

Et il se sentit comme criblé de mille flèches. En son esprit défilèrent mille images. Il déglutit et tomba à genoux, priant pour que la douleur s'arrête.
Les secondes semblèrent durer des heures. Des larmes lui piquaient les yeux. Il sentit Shingaz lutter au fond de lui.
Et une main vint se poser sur son épaule.
La douleur et la tristesse étaient toujours là, mais il était soutenu.

Kalyso - ou son image, son ombre, sa présence, peu importe - l'aida à se relever et le guida jusqu'à la fontaine.
Il y but de longues gorgées, jusqu'à ce que les sensations de peine se dissipent.

Elle s'agenouilla à côté de lui.

" - Quelques gouttes de ce liquide redonnent de la force aux guerriers blessés. Tu étais blessé par bien des choses pour qu'il t'en faille tant.

- Kaly... C'était quoi?

- Je pense que tu ne t'étais pas totalement remis de ce que tu as appris ces derniers temps, de tes émotions, de tes découvertes, des affrontements. Remplis une gourde de l'eau de cette fontaine, Gardien, elle te sera utile.

- Non, non je ne parlais pas de ça. Cette âme, cette chose que j'ai rencontrée...

- Tu voulais ... comprendre. "

Auteur : Aurel
18/03/07 22h38 | 32 Vertan 3725

Je voulais... comprendre... répéta Halad lentement, tournant et retournant cette phrase en son esprit.

Et des images lui revenaient. Des images d'autres temps et d'autres lieux, héritage des avenirs qui convergeaient en lui. Héritage de nombre d'ancestrales mémoires. Un Gardien, hein...

Et il revoit ses vies. Et il revoit ce qui est. Et il revoit ce qui fut. Et il voit ce qui sera. L'avenir n'est qu'un miroir réfléchissant. Les mêmes erreurs sont interminablement reproduites.

Halad prend sa tête entre ses mains. Non, il ne doit pas se laisser entrainer par ses pensées. Rester concentrer sur le moment présent... Rester concentrer sur ce qu'il est...

Agir.

Ses yeux s'ouvrent en grand. Son coeur bat la chamade. De nouveau, les images s'enchainent. Mais cette fois, c'est évident. Les pièces du puzzle s'emboitent les unes dans les autres à la perfection. Les couloirs du temps apparaissent dégagés. Il vole au-dessus d'une immense plaine. Le vent lui fouette le visage. En-dessous, loin en-dessous, s'écoule le long fleuve de ce qui est. Mais là-bas, tout au bout, déjà si proche...

Non ! hurle Halad.

Kalyso ne bouge pas, ne dit rien. Ses yeux même expriment un calme absolu.

Non... répète Halad. Nous devons réagir. Je sais ce que tu as vécu, je sais qu'il est plus simple de se laisser porter par les événements, mais nous devons faire quelque chose !

Son amie secoue lentement la tête.

Non, Halad. Ce n'est pas à nous d'agir. C'est toi qui dois faire quelque chose. Je t'ai montré la voie, mais jamais je n'ai pu aller plus loin. Tu es un Gardien. Tu es une Lueur. Tu es notre avenir. Toi seul peut voir. Toi seul peut faire ce qui doit l'être.

Le jeune homme est pris d'un léger tremblement.

Kaly... Je ne peux pas... Je ne suis que...

Arrête tout de suite.


La voix de la jeune femme se fait plus dure. Halad la regarde, le visage implorant.

Arrête de te complaire dans ton rôle de suiveur. Je pensais que tu avais vu.

Il baisse les yeux. Revoit de nouveau la fuite du temps. Ce que d'autres appellent la spirale... Là où tout converge. Il revoit des visages. Une jeune femme magnifique. Puis les chaines du destin. Un ange déchu, réduit à l'incarnation du néant. Le fils de leurs âmes. Puis d'autres visages, venant d'autres mémoires. Une femme au regard d'acier. Un homme au visage marqué par le temps, le regard perdu dans le vague de ses pensées. Trois femmes, en dehors de notre temps. Trois obsessions. Un concept. Et Klantio. Et Warren. Et enfin, Kalyso.

Alors il la regarde. Vision enrichie de souvenirs de mille vies. Alors il la voit telle qu'elle est. Et il sourit.

Je crois que je ne te connaitrai jamais vraiment, Kaly... Mais cela ne m'importe plus. Ces derniers temps, j'ai appris à voir le monde autrement. Tu as joué un rôle dans ce changement. J'ai appris à penser autrement. Il est possible de changer. Ne voudrais-tu pas essayer ?

Alors, il la prend par la main.

Partons d'ici. Nous avons encore nombre de choses à faire avant la fin de tout ceci.

Auteur : Kalyso
18/03/07 23h26 | 32 Vertan 3725

Non. Non, pars. Moi je ne vais nulle part. Plus jamais.

Halad laissa choir la main de son amie et plongea son regard dans ses yeux où, pour la première fois, il crut déceler la brillance de larmes. Elle le confirma en se détournant vers la fontaine.

Il semble que la boucle est bouclée. J'ai trouvé ma place

Quoi ? ici ?

Ici...ou ailleurs...quelle importance ? Tu as compris des choses. Moi aussi. Je suis heureuse, car j'ai pu t'aider à grandir, à dépasser ce que tu devais devenir. Car tu as trouvé la lumière en toi et qu'à présent, plus rien ne pourra t'éteindre. Et maintenant, je crois que mon rôle touche à sa fin.

Kaly...

Je tire ma révérence Halad.


Elle se mordit la lèvre et croisa les bras.

Permets moi de rire. Je n'y crois pas une seconde. Tu...tu n'auras pas la force ni la volonté. Tu es trop curieuse de voir la suite et...


Il ri nerveusement. Elle fit de même.

Je crois que cette fois, j'ai réussi. Je me suis détachée, tout doucement. J'y suis presque.

Un sanglot lui échappa en même temps qu'un autre rire nerveux, et elle chancela, s'asseyant sur le rebord de la fontaine pour le dissimuler.

Arrête. Tu es ridicule. Lève toi, allons y.

Non. J'ai atteins mon but.

Tu as toi même qualifié cet endroit de purgatoire.

Et si je m'y complais ?

Tu ne peux pas...

Je ne le connais pas. Laisse moi voir par moi même, et j'irais ailleurs.


Il marcha dans sa direction, mais elle le retint, levant la paume de sa main dans sa direction. Elle lui lança un dernier sourire, et le fit partir dans l'autre direction d'un mouvement de poignet. Sentant son impuissance, il se mit à pleurer. Sa voix tremblait au travers de ses larmes.

Kaly, pas maintenant.

Elle pleurait aussi.

Si, il le faut. Maintenant, ou jamais.

Alors quoi ? Tu abandonnes ? Hein ? C'est si facile !

Oui c'est facile, je suis minable. Insulte moi, hais moi, mais ne me fais pas changer d'avis. Ne m'oblige pas à souffrir encore.

MAIS EN QUOI EST CE QUE TU SOUFFRES ? Arrête... Arrête je t'en prie, ne me pousse plus, attends... Tu as vécu des trucs pas faciles, mais est ce que ça vaut la peine de tout plaquer comme ça ? ARRÊTE !


Ainsi Halad quitta le voile et revint à sa vie. Il devait écrire son histoire.

Il devait revoir Kalyso quelques fois encore. Mais jamais plus il ne ressentirait qu'elle l'aimait, qu'elle aimait ; d'une façon quelconque. Comme si elle voulait les préparer, tous, à un final.



Tu n’étais plus là, Halad. Plus rien n’avait de sens.

Auteur : Aurel
09/06/07 20h46 | 40 Volcan 3725

Plusieurs mois ont passé...



La porte s'ouvre devant le jeune garçon, un majordome incline légèrement la tête devant lui.

Bonjour, Monsieur. Etes-vous attendu ?

Je suis même en retard. Cela fait des mois que votre Maître m'a envoyé quérir.

Veuillez vous donner la peine d'entrer. Le Seigneur Inilhier ne tardera plus à honorer ses suivants de sa présence.


L'adolescent hoche la tête et pénètre dans le grand vestibule. Tout ici est démesuré... à l'instar du Maître des lieux. Cela fait tellement longtemps que celui-ci croupit dans cette prison de pierre qu'elle est devenue semblable à lui... sombre et mystérieuse.

Il croise des ombres dans les couloirs, qui ne prêtent même pas attention à lui. Pourtant, il sait qu'il est observé. Il sent des yeux derrière son dos, des oreilles dans les murs, tout ici le scrute attentivement. Peu importe, songe-t-il. Il s'y est préparé. Il a différé cet instant autant qu'il l'a pu, mais aujourd'hui il faut agir.

Le garçon entre dans la salle de banquet, déjà bondée. Sans prêter attention au reste de l'assistance, il s'installe à une petite table isolée dans un coin d'ombre, et commence son attente. Quelques regards s'attardent sur lui. Peut-être que certains le reconnaissent, mais ils n'en laissent rien paraître. L'ambiance est particulière en ces lieux, et personne n'oserait lever la main contre qui que ce soit avant d'être certain d'y être autorisé.

Le bruit des conversations ne désenfle pas. L'adolescent grapille quelques informations, mais rien qu'il ne sache déjà. Tous ici sont surexités à l'approche des événements à venir. Tous, quel que soit leur rang dans la vaste hiérarchie bien huilée installée par Inilhier, savent qu'un événement important approche. Enfin, les promesses qu'on leur a faite il y a déjà si longtemps vont se concrétiser. Ce n'est plus qu'une question de mois. Enfin, ils pourront être complets de nouveau.

Mais les réflexions du jeune garçon sont interrompues par l'arrivée solennelle du Maître des lieux et de ses proches. A son passage, tous se taisent, tous lui marquent leur respect. Il est Inilhier, dirigeant incontesté de toute cette partie du Voile, et surtout, il est leur avenir à tous.

Aujourd'hui, pas de mise en scène, pas d'illusion. Inilhier entre simplement, adresse un imperceptible hochement de tête à certains de ses subordonnés. Il se tourne vers le garçon et le fixe longuement. Puis il se détourne et s'attable face à l'assistance.

Les minutes passent, lourdes de sens. Chacun sait ce que l'autre veut, mais personne ne bouge, personne ne fait le moindre pas vers l'autre. Chaque chose en son temps. Rien ne doit être brusqué. Tous deux savent à quel point cette rencontre est importante.

La tension dans l'air est perçue de la plupart des démons dans la pièce, mais bien peu sont capables de comprendre d'où elle vient. Quand finalement Inilhier se lève et donne ainsi le signal du dispersement, beaucoup laissent échapper un soupir de soulagement.

Le garçon reste assis à sa table, observant le seigneur Démon quitter la salle avec ses quelques suivants. Lui ne bouge pas, attendant la suite des événements. Il sait qu'on ne l'a pas oublié. Finalement, un jeune démon s'approche de lui.

Bonjour, s'annonce celui-ci d'un ton dans lequel perce une trop grande assurance. Je me nomme Oméga. Le seigneur Inilhier m'envoie vous chercher.

L'adolescent se lève et se contente de hocher la tête. Tous deux parcourent alors les couloirs du palais du Centre. Une impression étrange s'en dégage... Pas désagréable, mais suffisament troublante pour faire se sentir mal à l'aise le garçon. En marchant, il effleure les murs de pierre de ses longs doigts blancs. Même dans les murs, le pouvoir pulse faiblement. Comme s'ils étaient vivants, prêts à se refermer sur leurs proies mortelles.

Enfin, Oméga introduit le garçon dans un vaste bureau. Les fenêtres, grandes ouvertes, donnent sur la statue d'une magnifique femme de pierre, siégeant pour l'éternité dans de somptueux jardins. La pièce est décorée dans un style raffiné. Seule un de ses coins est maintenant à l'abri des regards par une étrange chape d'ombres. Des profondeurs obscures, des bruits de chaines se font entendre. Mais le garçon ne tente pas de regarder. Il se concentre exclusivement sur ce qu'il doit obtenir de son interlocuteur. Derrière lui, il entend Oméga quitter discrètement la pièce.

Bonjour à vous, Shadowsong, commence Inilhier.

Bonjour à vous, Inilhier, Seigneur du Centre.

Quel plaisir de vous rencontrer enfin. On m'a tellement parlé de vous que je brûlais d'impatience d'avoir une petite discussion, avec vous et celui qui occupe votre corps.

J'ai cru comprendre cette envie, en effet. Du moins, c'est ce que m'ont laissé entendre les nombreux messagers que vous avez dépêché jusqu'à moi.

Il est d'ailleurs regrettable que le message n'ait pas été mieux transmis. Je ne peux maheureusement pas les chatier pour cela, car aucun n'est jamais revenu me faire son rapport.

Regrettable, en effet.


Un lourd silence s'installe. Chacun cherche à obtenir quelque chose de l'autre, en livrant le moins possible de lui-même. Enfin, Warren Shadowsong entre dans le vif du sujet :

J'ai une faveur à vous demander.

Je vous écoute.

Je cherche un... un humain dont vous avez sans doute entendu parler. Halad. Il y a quelques mois, il a tenté de réorganiser le dix-huitième, d'y rétablir l'ordre et la prosperité. Cependant, il a malheureusement disparu, du jour au lendemain.

C'est fâcheux pour les humains du dix-huitième...

Je sais que vous l'avez. Et j'ai besoin de lui. Laissez-moi lui parler.

Pour quelle raison vous aiderais-je ? Vous êtes chez moi, dans mon domaine, à ma merci.

Mais vous avez besoin de moi. Vous le savez tout comme moi. Ma tâche n'est pas encore terminée. Rendez-moi ce service, laissez-moi rencontrer Halad, et quand j'aurai fini ce que j'ai à faire, je vous aiderai.


Inilhier fixe longuement le Shadowsong, perdu dans ses pensées...

C'est en rapport avec elle, hein ? ...

Puis, après un nouveau silence :

Très bien. Vous verrez Shingaz.




~ ~ ~




Khall se tenait face à elle, les poings sur les hanches. Figure indestructible de son passé. Alors aujourd'hui, c'était lui qui viendrait la torturer ? Elle était prisonnière de ces geoles depuis si longtemps. Son fils, son amant, tira un délicat poignard de sa ceinture. Tout en lui souriant, il marcha vers elle, tentant de lui parler, mais elle n'entendait rien, elle ne voyait que la lame qui s'approchait d'elle, encore une fois.

Alors, elle se jeta contre lui, et une nouvelle fois, le fit disparaître, le chassa de sa vue, de ses pensées, de sa mémoire. Et elle courut, encore et encore, dans les marais obscurs et fongieux de ses souvenirs. Tous étaient là pour la hanter, rien de ce qu'elle avait aimé ne demeurait, tout devenait ennemi mortel.

Elle perdit pied, sombra dans la masse mortelle d'horeurs éveillées. Elle se sentit suffoquer, elle se débattait, mais rien n'y faisait. Elle sentait l'eau saumâtre pénétrer dans sa gorge, tentait de la recracher, mais une poigne solide l'en empêchait. Les ténèbres disparaissaient, la lumière revenait peu à peu. Et elle s'aperçut que peu à peu, l'eau lui redonnait espoir. Et elle se laissa faire, elle but, encore et encore, but des mains qui lui offraient ce liquide si précieux.

Enfin, elle put ouvrir les yeux, voir ce qu'elle ne voyait plus depuis... une éternité déjà. Elle eut un faible sourire.

Halad...

Chut...
lui dit celui-ci avec un sourire inquiet. Je t'avais promis de te faire boire à la fontaine de pureté, tu te souviens ? Tu m'avais forcé à fuir alors, mais aujourd'hui je ne fuirai plus. Bois encore, Kaly. Bois, tu en as besoin.

Alors, la jeune femme tenta de recracher le liquide, mais Halad la maintint fermement.

Repose-toi, Kaly. Je ne sais ce que tu as enduré, seule pendant tout ce temps, perdue au milieu de tous ces esprits, mais tu es pour l'instant trop faible pour m'empêcher de te sauver. Laisse-toi faire, car bientôt nous devrons repartir. Tous les deux, Kaly, tous les deux... Je compte sur toi.

Auteur : Kalyso
09/06/07 22h12 | 40 Volcan 3725

Du coin de la pièce, elle les observe de ses yeux éteints. Ses chaînes la retiennent depuis bien trop longtemps. Il ne l’aime plus… Ils ne sont plus un. Il veut plus. Il n’a d’yeux que pour les divers trésors semés dans les mondes…

Cet enfant est il une pierre précieuse pour qu’il s’y intéresse tant ?
Non non… Il l’aime c’est une certitude. Et cet enfant n’est qu’un pas de plus vers la libération de leurs sentiments, tout comme l‘autre, la lueur. Oh qu’elle attend cette époque où enfin elle pourra déployer ses ailes !

De ses lèvres glissent quelques notes qui s’enroulent autour des entrailles des hommes présents. Son pouvoir est si grand… Elle les tuerait d’un claquement de doigt… Mais Inilhier…Kaïtsork, il a dit qu’il fallait attendre. Qu’il fallait que le voile se déchire. Alors elle attend, mettant au service de l’homme les dons qui sont ceux de son corps, elle attend qu’enfin le jour se fasse.
______________________________________
Warren se retourne au bruit de la chaîne.

Ainsi ce n’est une légende… Senctia est encore en vie…
L’A-t-il vue ?

Qui donc ?

Le Lord… Shingaz…

Je crains que ses yeux ne se soient attardés. Il attendait autre chose, je pense.

Cette chose fut elle obtenue ?

Vous le saurez bien assez tôt. Il ne devrait pas tarder à revenir par ailleurs.

S’est il plié à vous ?

Il faut bien quelques…compromis… Me suivez vous ?


Sans attendre de réponse, le maître des lieux se lève et dans un bruit de tissu froissé prend la direction du fond de la salle. En chemin, il s’enfonce dans le sol.
Warren sourit, se rappelant du grand maître de ce genre de tours. Le Chapelier fou… Où peut il bien être ? Il est étrange qu’il ne se soit montré depuis si longtemps, généralement oiseau porteur de nouvelles… L’adolescent suit l’homme, mais au lieu de disparaître, il pousse la lourde porte par laquelle il est arrivé, et se trouve face au seigneur sur son trône.
Une mélodie glaciale et un bruit de chaînes sonnent derrière lui.


Comme je vous le disais, le monde est fait de compromis. Vous verrez Shingaz. Mais en échange, je veux que votre hôte m’ouvre le voile.

Vous êtes bien confiant... Shingaz saura me trouver seul.

Je pourrais tout aussi bien utiliser Kalyso pour traverser…

Je doute qu’elle revienne, Seigneur du Centre.

C’est ce que nous allons voir. Mais attendons notre cher Lord, et discutons d’un temps où vous étiez plus…proche de moi.

Où est il ?

Il semblerait que les cités spectres suscitent le profond intérêt de mon jeune apprenti…
Ne prenez pas cet air surpris… Tout a un prix…


______________________________


Ses lèvres avalent le liquide, avides d’une vie que seul son corps désire. Ses yeux au contraire le supplient de la laisser. Les larmes qui les noient sans pudeur aucune ne sont que le reflet du vide qui la ronge. Plus aucune dignité, plus aucun honneur, elle n’est plus que la solitaire prisonnière d’un purgatoire qu’elle s’est choisi. Les mois ont fui depuis qu’il l’a laissée seule en ce lieu. Et avec eux tout le reste.

Qu’il a changé, celui qui n’était qu’un enfant incertain… Il a réussi, oui il a battu Shingaz. Ou plutôt… il lui a fait une place. Cela se lit dans ses yeux. Il est fort et volontaire, il ne doute plus. Il pourrait même lui faire du mal. Et malgré elle, en son âme, elle sent naître un sourire.

Si tu continues de te débattre, Kalyso, je te jure sur le précieux souvenir de notre quête que je t’assomme. Tu n’as que trop paressé en ce lieu.



Elle pleure, il rit, elle s’abandonne enfin, docile créature brisée, à une main salvatrice qu’elle redouta tant. Oui, Halad a bien grandi. Il l’a surpassée même. Qu’a-t-il dû affronter pour cela ? A qui a-t-il dû se vendre ? Non … Qu’elle se trompe… Puisse t-elle avoir tort. Puisse t-il répondre aux exigences du capricieux destin.

Enfin elle s’écroule, laissant la vie reprendre le dessus. Il dégage ses cheveux de son visage et murmure comme pour lui qu’il est temps qu’ils partent, ensemble. Qu’ils sont attendus ailleurs. Et qu’il ne la laissera plus. Puis il la prend dans ses bras, doucement, comme la petite fille. Elle sourit, il rit. Et dans son rêve, elle bouge. Elle mène un combat entre son désir et sa volonté.

C’est leur quête, et elle n’est pas encore terminée…

Auteur : Aurel
10/06/07 17h27 | 41 Volcan 3725

Une main attentionée se posa sur le front de Kalyso. Celle-ci ouvrit doucement les yeux et se trouva face à face avec son ami.

Réveille-toi, dit celui-ci doucement. Tu n'y couperas pas... Nous avons parcouru beaucoup de chemin tous les deux, mais ce n'est rien comparé à ce qui nous attend.

D'accord
, marmonna Kalyso, encore toute endormie. D'accord, j'arrive.

Halad sourit et s'éloigna de quelques pas, se dirigeant vers le petit ruisseau situé à une centaine de mètres de la clairière où ils avaient établi leur campement. Il poussa un petit soupir, son amie l'inquiétait. Qui sait quel effet avait eu sur elle ce séjour dans les cités spectres, en compagnie des âmes torturées. Cependant, il se promit d'éviter de trop évoquer ce sujet. Il commençait à connaître son amie, et savait que certaines choses devaient, pour elle, rester cachées.

Une dizaine de minutes plus tard, lorsqu'il revint vers Kalyso, il constata qu'elle avait de nouveau sombré dans le sommeil. Il hésita, ne sachant s'il vallait mieux ou non la laisser se reposer. Elle n'avait pas dû dormir souvent durant les derniers mois, du moins pas de ce sommeil lourd et calme, qui lui était assurément nécessaire.

Pourtant, Halad savait qu'elle aurait sous peu une tâche importante à accomplir – bien qu'elle en ignorât encore la portée –, et qu'il fallait qu'elle s'y prépare au plus tôt. Aussi, il se pencha de nouveau vers elle, l'appelant doucement. Son amie rouvrit les yeux, et ne put réprimer un sourire.

Je suis réveillée, affirma-t-elle d'un ton peu convaincu. Tu peux me laisser, je serai prête dans cinq minutes.

Halad éclata de rire, il connaissait bien ce genre de promesse. Sans répondre, il attrapa le seau d'eau glaciale qu'il venait de ramener et en renversa une partie sur la tête de son amie. Celle-ci bondit sur ses pieds, proférant des menaces de mort à son encontre, mais Halad ne l'attendit pas et prit ses jambes à son cou. Kalyso le poursuivit en hurlant pendant une centaine de mètres avant de s'arrêter, à bout de souffle.

Inquiet, Halad revint vers elle. La Kalyso qu'il avait connue aurait été capable de courir plus de dix fois cette distance sans paraître essouflée. Sa volonté était si forte que rien ne l'aurait faite renoncer. Avait-elle donc été si changée, si affaiblie par les épreuves qu'elle avait traversées ?

Il arriva à deux pas de son ami. Celle-ci était pliée en deux, le souffle court.

Déjà fatiguée ? ironisa-t-il, tentant de ne rien laisser paraître de son inquiétude.

Mais à cet instant, Kalyso bondit d'un puissant élan, le percutant dans l'estomac et le faisant tomber au sol. Tous deux roulèrent dans les fougères sur plus d'une dizaine de mètres avant de s'immobiliser, hilares.

Rassure-moi, Halad, tu ne pensais quand même pas être devenu meilleur que moi à la course ?

Loin de moi cette idée
, s'esclaffa celui-ci. Ma défaite est totale. Ta fourberie non plus n'a pas été affectée durant mon absence, ça me rassure !

Tous deux se relevèrent, les joues roses, le sourire aux lèvres. Leurs regards se croisèrent, et ils repartirent chercher leurs affaires pour se remettre en route. Halad se réjouit intérieurement de voir que Kalyso paraissait déjà moins pâle que la veille...

Une demie-heure plus tard, ils reprirent leur route à travers le Voile. Tout avait beaucoup changé depuis leur dernier passage. Les lieux étaient toujours aussi dangereux pour ceux qui ne les connaissaient pas – ce qui n'était plus le cas, ni de l'un ni de l'autre –, mais il y avait quelque chose d'autre. Une tension dans l'air, dans les puissances ambiantes. Comme si même le Voile s'apprêtait à agir, à se déchirer pour laisser traverser les hordes des deux côtés.

A plusieurs reprises, ils perçurent des présences monstrueuses, indescriptiblement mauvaise, et s'empressèrent de les contourner en passant par d'autres mondes. Malgré le fait qu'ils sachent se déplacer dans le Voile, ils étaient à des lieues de pouvoir se sentir en sécurité à l'intérieur – pas avec toutes les horreurs qui pouvaient rôder ici.

Dis-moi Halad...

Oui ?

Pourquoi être venu me chercher ?

Tu es mon amie, Kaly. Ne l'oublie jamais.

Non, je veux dire... Il y a une raison, hein ? Je veux dire, une autre raison.


Halad haussa les épaules.

Réponds-moi, Halad.

Après quelques secondes d'hésitation, celui-ci marmonna :

Je suis venu à toi. Savoir qui tu étais était de trop. Te quitter aurait été idiot. Car… c'était notre quête. Aujourd'hui, c'est encore notre quête. Me quitter maintenant serait idiot. Avançons, et ensemble nous verrons.

Kalyso s'apprêta à répondre, mais finalement se contenta de hocher la tête.

J'espère que tu sais ce que tu fais...

Presque autant que toi quand tu m'as rencontré
, répondit son ami avec un sourire moqueur.

Tous deux éclatèrent de rire. Les événements qu'ils avaient vécu ensemble, bien que certains furent tragiques, les avaient liés définitivement.

Et où allons-nous aujourd'hui, Halad ?

Mhh... Nous partons à la recherche du passé.

Du passé ?

Du tien. Du mien. Et du Passé, avec un grand P.

Tout cela m'éclaire beaucoup...

Tant mieux !
s'exclama Halad avec un grand sourire.

N'est-ce pas toi qui m'intimait d'essayer d'oublier mon passé ?

Ce passé auquel je m'intéresse maintenant a une grande importance pour notre avenir. Notre avenir à tous. Tu sais, pendant que tu étais... Pendant que tu étais absente, beaucoup de choses ont changé.


Kalyso se perdit dans ses pensées. Oui, tout avait changé. Mais jusqu'à quel point ?

Auteur : Kalyso
10/06/07 19h01 | 41 Volcan 3725

Kaly ?

Hmm ?

Il faut que nous passions par le Centre. Nous n’en aurons pas pour longtemps. Je dois juste…rendre quelques comptes.


Elle n’avait rien répondu, se contentant de hocher la tête. Lui s’était endormi.

La jeune femme regardait son compagnon si serein et tentait de plonger dans ses souvenirs pour échapper à la réalité. Hélas, les seuls auprès desquels sa mémoire la ramenait étaient sa danse avec le linceul. Si seulement elle avait été plus forte… Des visages tournaientt autour d’elle, tous emprunt de cette sauvagerie… La jeune femme s’enfonça dans sa couverture, s’appuyant contre l’arbre qui les abritait avec tant de force que l'écorce de celui-ci déchira la peau de son visage. Serait elle hantée pour toujours ?
Une larme roula sur sa joue, se mêlant au sang.

Dos à elle, Halad feignait le sommeil. Il savait que jamais il ne pourrait l’arracher totalement à son cauchemar.
Au matin, tuant d’un souffle les braises, il lui jeta un regard inquiet. Elle n’avait pas dormi, et lui non plus.

Tu es prête ?

Oui Chef ! Revigorée et prête à partir !

Tu te rappelles comment on traverse ?

Je t’avouerais que non …

Très drôle… Bon. A vous l’honneur, Madame.

Le chemin le plus rapide serait selon toi ?

Hum… Je sais pas. Que penses tu de passer par le treizième ?

Marcher dans le désert ne me tente pas trop.

Il fait nuit la bas.

Se disant, il désigna avec son pouce un point par-dessus son épaule. Les dunes de sable du treizième univers étaient caressées d’une lune pâle.

Si tu insistes … Mais nous devrons enchaîner les deux déserts… Passer les écorchés …

Il y a eu du ménage…

Que veux tu dire ?

Inilhier a décidé d’organiser ce côté.

C’est impossible…

Ils ont tous le même but.

La jeune femme eut un rire nerveux.

Ils n’y arriveront pas.

Le voile s’est considérablement affaibli, Kalyso.

Considérablement… Considérablement ?

Je lui laisse quelques mois.

Si les dix neufs sont réunis…

Je sais… Pourtant, je ne peux m'empêcher de penser que ça pourrait avoir ses avantages.

Halad, est-ce que tu mesures la gravité de la chose ? Telle fusion entraînerait la mort de…

Il faut des sacrifices.

Pas à ce point là...

ET Svetla....


Il ravala ses paroles et reprit

Les forces des survivants seraient décuplées.

Et le chaos règnerait ! Tu imagines un peu, des démons errant au Siège et…

D’un autre côté, si l’hôte de Warren ou un des siens refait surface, tous sauraient quoi faire. Sois réaliste Kaly, le voile va finir par lâcher. Avec ses conséquences plus ou moins désastreuses. S’il nous est possible de limiter les dégâts…

Alors c’est ça hein ? Tu veux que je t’aide à ouvrir une porte sur notre monde.

Les autres sont tous reliés… Pourquoi pas celui là ?

Il n’est pas prêt…

Fut un temps où nous ne formions qu’un tout. Le monde allait à merveille… Ne me regarde pas comme ça.

Il y a eu la Coupure. Ce n’est pas pour rien…

S’il n’y avait eu cet Amour, puis cette Guerre tout serait…

La jeune femme baissa les yeux vers les grains de sable que le vent de la treizième portait à ses pieds.
Doucement, elle murmura.

Tu as bien fait tes devoirs… C’est Inilhier qui t’a appris tout ça ? Il te l’a montrée, la grande Senctia ? Le pathétique animal qu’elle est devenue ? Il te l’a montrée, sa gloire déchue qu’il donnerait tout pour rattraper…

L’homme lui coupa la parole, froid et dur, détachant ses mots et parlant de plus en plus fort.

J’avais besoin de comprendre. De savoir. J’avais besoin d’apprendre à utiliser cette force nouvelle et…

Il t’aurait suffit de laisser Shingaz te montrer la voie.

Shingaz… Shingaz ne représentera pas pour moi ce qu’il est à tes yeux. Jamais. Tu n’es rien de plus qu’une poupée, tellement omnibulée par sa propre destruction que tu ne vois plus rien. Tu veux que je te dise ? Tu es égoïste. Tu parles d’idéaux, de préserver un monde, dont tu n’as en réalité cure. Tu en sais assez mais n’avance rien. Tu cherches juste ta propre fin pour prouver je ne sais quoi encore.
J’en ai assez, de ces mystères, de ces doutes. De marcher dans le noir.

Alors tu es allé te chercher un maître hein ? Comme un bon chien, fort, mais perdu sans sa laisse.

Moi au moins je ne suis jamais devenu sa putain.

Il avait appuyé ce dernier mot, comme s’il avait voulu l’en frapper. Quelques secondes, elle le regarda de ses yeux gris, puis elle promena un doigt sur l’égratignure laissée par l’arbre, hésitante.
De nouveau douce, elle reprit.

Bien… Tu as raison, j’ai tort. Allons y. Il ne faut pas être en retard.

Kaly… Attends c’est pas ce que j’ai voulu dire.

Je n’ai rien à ajouter.

Elle s’accroupit pour retirer ses chaussures et s’en fut au travers des mondes, sans un regard pour Halad.
Ils allèrent, chacun de son côté, poursuivis par leurs fantômes Ils allèrent, tentant d’oublier l’autre.
Sous une lune pâle, ils se retrouvèrent aux portes du château.
Le jeune homme attendait, assis sur un muret de pierre lorsque Kalyso arriva. Elle posa à peine les yeux sur lui et traversa la lourde grille. Remarquant ses jambes ensanglantées, il soupira en secouant la tête.

Tu es passée par la plaine hein ? Pourquoi tu as fait ça ? Tu l’aurais si aisément contournée.

Pardon mais j’étais trop omnibulée par ma propre destruction. Alors je me suis dit qu’une petite course contre les écorchés m’aiderait peut être à atteindre mes fins…

Kaly je t’en prie…


Elle trébucha et se dégagea lorsqu’il vint l’aider.
Sa faiblesse physique était encore, si fort voulut elle la dissimuler.

Quelques minutes plus tard, ils traversaient en silence le vaste hall, leurs vêtements se fondant pour se reformer autour de leurs peaux. Le jeune homme se vit affublé de vêtements sombres et d’une longue cape. A sa taille pendait un large fourreau orné de pierres rouges. Sa compagne quant à elle avait opté pour une simple robe de soie immaculée. Elle allait pieds nus et désarmée.

Une porte s’ouvrit, et ils entrèrent dans La Pièce.

Joli travail, Shingaz.

Ne m’appelez pas ainsi.

J’oubliais… Halad.


Le maître gloussa et marcha jusqu’au couple. Il se pencha vers la jeune femme et prenant son menton entre ses doigts glissa les mots suivants.

Kalyso… ma Kalyso. Je savais que nous nous reverrions. Je savais que tu suivrais le môme.
Quel dommage que nous nous fûmes quittés en de si mauvais termes… Je nourrissais tant de projets pour ta personne… C’est par esprit de vengeance que tu as choisi cette tenue ? Mauvaise ! Mais on se refait. Oublions cela. Mes amis, ce soir vous êtes mes invités ! Je suppose que votre route vous a affamés…

A vrai dire, je préfèrerais une douche froide et la solitude d’une de vos chambre.

Mais la tienne est toujours là pour toi.


Il gloussa de nouveau et claqua des doigts.

Passons donc à table. Halad, j’aimerais te voir avant cela. Laissons notre chère dame se prélasser en compagnie d’un vieil ami. Sois à l’heure, j’aime la ponctualité. Mais je suppose que tu ne l’as pas oublié…

Il passa sa langue sus sa lèvre supérieure et emboîta le pas à Halad.

Kalyso se laissa choir, faisant apparaître une chaise sous elle. C’est alors qu’elle remarqua l’ombre.

Senctia ?

A l’encontre de son attente, aucun bruit de chaîne ne lui répondit.

Depuis si longtemps, Dame Kalyso.

WARREN !

La jeune femme se leva d’un bond et courut vers lui. Elle le prit dans ses bras et le tint embrassé.

Oh mon dieu que tu as grandi ! Que tu as changé ! Mon dieu Warren, jamais je n’eu cru que nos routes se croiseraient de nouveau !

Il sourit juste et doucement se défit de son étreinte.

Vous avez pleuré. Vos yeux son rougis.

C’est la fatigue.

Je vous ai cherchée.

Nulle n’aurait pu me trouver.

Il l’a fait.

Il est spécial.

Pourtant vous êtes en colère contre lui. Vous ne l’avez regardé.

Nous avons eu un différent. Mais il était pardonné à la minute où il me blessait.

Est il donc si spécial ?

Tu le sais bien.

Ce n’est de Shingaz que nous parlons. Est il plus qu’un porteur ?

C’est un gardien, Warren.

Ils n’ont pas d’âme. Juste un secret.

Celui-ci est plus alors. Mais allons. Nous parlerons après dans le secret de la nuit. Pour l’heure nous sommes attendus. Que tu m’as manqué.

Vous m’avez manqué aussi. Pourrons nous un jour nous entretenir sans que l’un fasse du mal à l’autre ? Dans un contexte normal qui ne nous fera pas proies à des inquiétudes pourtant futiles. Sans courir, sans craindre, sans espérer, juste comme deux amis normaux ? Je vous en prie, accordez moi cela avant de repartir.


Elle rit.

Peut être que si cela était arrivé, nous n’en serions pas ici maintenant, Warren. Tu es pour moi le petit garçon de la plage, tu es mon sauveur, puis mon bourreau. Tu es le démon et le Shadowsong. Peut être ne pouvons nous être comme les amis normaux.
Tu sens donc mon attrait pour le linceul ? Chacun son démon, Warren…


Et ils passèrent ensemble la lourde porte qui menait à la salle à manger.

-------

Dans l’ombre, Senctia tira sur sa chaîne.

Auteur : Aurel
11/06/07 17h07 | 42 Volcan 3725

Comme toujours lorsque l'on était invité d'Inilhier, la chère était excellente : s'il existait un met délicat dans les dix-sept, alors on pouvait le trouver sur sa table. La maître des lieux, apparemment d'humeur joviale, tentait de distraire l'assemblée par quelques traits d'esprit, et ne manquait pas une occasion de complimenter Kalyso.

Et pourtant, l'ambiance était aussi tendue qu'une corde prête à rompre. Durant le repas, Halad n'avait dit mot, mangeant sans apétit et fixant Kalyso d'un air songeur, un pli soucieux lui barrant le front.

Elle-même tentait de ne regarder ni son ami ni Inilhier, ne relevant ni les compliments ni les petites piques que ce dernier lui adressait. Ces discussions plates et superficielles l'exaspéraient, alors qu'ils savaient tous que l'avenir des dix-neuf allait se jouer prochainement. Quelle hypocrisie de se réunir ainsi autour d'une table alors que tous étaient à deux doigts de s'entredéchirer.

Après que la table fut desservie, Inilhier chuchota quelques mots à Halad, puis fit signe aux démons qui avaient partagé leur repas de quitter la pièce. Lorsqu'il se retrouva seul avec Halad, Warren et Kalyso, il s'adressa à celle-ci :

Resteras-tu ici quelques temps, pendant que tes amis Shingaz et Warren accompliront une petite tâche pour moi ?

La jeune femme sursauta.

Warren ? Tu...

Bien contre mon gré, Dame Kalyso. Mais j'ai fait une promesse...

Arrête, ne fais pas ça. Tu sais comme moi ce qu'il en résulterait.

Kalyso
, interrompit Halad, on en a déjà discuté. La question n'est pas de savoir si les dix-neuf seront réunis, mais quand, comment, et par qui. Cela doit être contrô...

Il s'interrompit en voyant le regard lourd de reproches et de colère de son amie. Celle-ci repoussa violemment sa chaise et quitta la pièce d'un pas rapide.

Attends ! s'écria Halad.

Kalyso hésita pendant une fraction de seconde, ce qui donna à son ami l'opportunité de continuer :

Attends, s'il te plait. J'ai besoin de toi. S'il te plait, je t'en prie, aide-moi, viens avec moi.

Sa voix se faisait implorante, mais c'est d'un ton sec que Kalyso lui répondit :

Halad, ce n'est pas parce que nous avons voyagé ensemble pendant quelques mois que tu peux te permettre de diriger ma vie.

A son tour, le jeune homme se dressa, et leva le ton :

Je t'interdis de dire ça, toi qui a décidé de mon destin sans m'en dire un mot ! Toi qui a décidé du destin de ton peuple sans lui demander son avis ! Je te demande de l'aide, je te demande de m'accompagner, moi, moi qui n'ai pas seulement marché à tes côtés pendant un temps, mais moi qui me considérais comme ton ami !

Kalyso hésita un instant, puis tourna les talons et se dirigea vers la porte. Halad voulut l'arrêter, mais Warren le prit par le bras.

Laissez-la libre de choisir sa vie, lui dit-il. Si vous êtes vraiment son ami, acceptez ses opinions et ne tentez pas de lui imposer les votres.

Songeur, Halad se rassit, se mordillant la lèvre inférieure. Inilhier eut un large sourire et lui dit :

Eh bien, Shingaz, vous feriez mieux d'aller vous reposer. Vous devrez partir dès demain pour vous charger des petites choses qu'il nous reste à préparer avant que notre ami Shadowsong ne chante pour nous. Mais avant cela, rendez-vous au Puit, Neilerua veut vous voir.

Très bien, vous avez raison
, répondit Halad avant de quitter la salle à manger. Warren, se retrouvant seul avec le maître des lieux, lui lança :

Ne pourriez-vous donc pas les laisser tranquiles ? Ils en ont assez fait, tous les deux.

Je suis ici chez moi, et mes décisions ne seront pas contestées. Suis-je assez clair ?

Vous ne m'avez pas encore, Inilhier...


Sur ces mots, Warren laissa le seigneur du Centre à ses pensées.

En sortant, il trouva Halad qui l'attendait, et paraissait s'être un petit peu calmé. Warren leva un sourcil interrogateur.

Elle ne doit pas le voir, affirma Halad. Pas maintenant. Pas comme ça. Ca la tuerait... Elle ne doit pas savoir.

Warren le fixa longuement avant de répondre :

Sans doute avez-vous raison. Mais avons-nous le droit de le lui cacher ? C'est quand même...

Non
, coupa Halad, plus maintenant. Plus vraiment.

Alors vous n'êtes plus Halad. Plus vraiment.

Ne lui dites rien...
répondit simplement celui-ci avant de s'éloigner, perdu dans ses pensées.

Warren, à son tour, regagna sa chambre. Avait-il bien fait de venir ici ? Allait-il finir par ouvrir le Voile ? Il secoua la tête, tentant de chasser ainsi les pensées qui l'assaillaient. Les événements se précipitaient, et il avait bien assez à faire pour perdre du temps à ressasser sans cesse ses doutes.



~ ~ ~



Après s'être promenée quelques heures dans les jardins et avoir poussé jusqu'à la frontière du Centre pour tenter de se calmer, Kalyso était rentrée au Palais et tentait de dormir. Cela faisait maintenant une éternité qu'elle se tournait et se retournait dans son lit, sans parvenir à sombrer dans l'inconscience.

Tout à coup, elle entendit un très léger grattement sur la porte. Aussitôt, elle fut sur pieds. Elle fit apparaître une fine dague et se glissa silencieusement derrière sa porte. Dans la pénombre de la pièce, la lune se reflétait sur l'acier froid.

Nouveau grattement. Prudemment, Kalyso porta la main vers la poignée, quand celle-ci se mit à tourner. La porte s'ouvrit lentement, une ombre pénétra dans la chambre. Brusquement, la jeune femme se jeta sur elle, lame en avant. L'ombre eut juste le temps de se retourner pour aggriper le poignet de Kalyso, qui laissa échapper sa lame. La jeune femme donna alors un violent coup de genoux dans l'entrejambe de son agresseur. Celui-ci s'effondra on poussant un cri de douleur, d'une voix que Kalyso reconnut aussitôt.

Halad ?!

Désolé
, articula-t-il avec difficulté, je ne voulais pas te faire peur.

Son amie éclata de rire et l'aida à se redresser et à s'assoir sur le bord du lit. Halad la fixa silencieusement dans la pénombre, ne distinguant que la soie blanche de sa chemise de nuit et les reflets des étoiles dans ses yeux gris.

Je suis venu m'excuser, dit-il après un moment.

Ne...

Oui, je sais, tu me l'as déjà dit, ça fait faible. Mais dans ce cas, je suis resté faible. Je n'aurais pas dû te dire... Je n'aurais pas dû te dire ce que je t'ai dit, et surtout je n'aurais pas dû tenter de te faire faire ce que tu refuses. Demain, je partirai faire ce que j'ai à faire, tu resteras ici ou iras où tu voudras. Puis, quand tout cela sera terminé, nous pourrons tirer un trait sur le passé. Oublier.

Auteur : Kalyso
16/06/07 18h24 | 47 Volcan 3725

Oublier le passé, s’arracher à ses racines… C’est bien trop simple, Halad…

Va dormir alors, car la journée qui nous attend demain sera longue.

Nous ? Alors tu viens ?

Je viens. Je viens mais sache que c’est pour vous empêcher d’agir. Il me reste bien peu de forces, mais s’il le faut, je les épuiserai toutes pour que votre plan ne fonctionne pas.


Ne le laissant pas répondre, elle le poussa doucement vers la porte et referma celle-ci derrière lui, avant de s’appuyer dessus.
Oui… les journées à venir seraient longues…

__________

Le lendemain, Kalyso sortit à l’aube. Elle portait la tenue du temps où elle entraînait les troupes d’Inilhier. Ses cheveux étaient retenus par une stricte queue de cheval, dégageant son visage albe. A ses poignets, les lourds bracelets d’or à but d’amplifier la puissance magique de ses coups brillaient du même obscur éclat que ses yeux. L’unique touche de couleur provenait de la longue et fine lame qu’elle portait à sa ceinture.
La jeune femme étouffa un bâillement et s’étira, joignant les mains au dessus de sa tête. Sa veste soulevée par le mouvement dévoila sa peau meurtrie.

On dirait que les voyages entre les mondes ne passent pas tant inaperçu que cela, même à ceux qui n’y laissent pas leur vie…

Passant machinalement une main sur son ventre blessé, elle se retourna et sourit.

Il semblerait que le corps soit plus vulnérable que l’esprit Warren.

Ou que l’esprit ne soit déjà plus.

Qui sait.

Je suis heureux que vous veniez.

Tu sais pourquoi je viens.

Oui. Mais tant que je peux me réjouir de votre présence, alors je le fais.

Alors moi aussi.


Il fit quelques pas et se tourna vers la figure immobile dans la froide lumière du matin.

Je viens, je viens. Laisse moi juste regarder tout cela.

Vous forger des souvenirs ?

Retrouver les miens.


Le garçon secoua la tête et s’en fut. Quelques minutes plus tard, elle le rejoignait.
Une trentaine d’hommes et de femmes attendaient, debout au pied des murs.

La crème de la crème hein ?

Il y en a bien plus qu’il n’en faut…

Pauvres poupées. Élite d’une vie, puis d’une seconde, destinés à s’écraser contre une réalité qu’ils ne maîtrisent pas pour qu’un homme et une femme puissent s’aimer.

Les aboutissants sont bien plus opulents.

C’est-ce que nous verrons.


Un bruit de chaînes se fit entendre et les soldats se mirent au garde à vous.

Alors vous l’emmenez. Laissez la partir. Libérez donc son amour en montrant votre véritable visage. Elle n’a que trop souffert.

Inilhier eut un sourire et caressa l’épaule nue de la femme qui se tenait à ses pieds.

Voilà bien longtemps que nous ne sommes sortis du centre ensemble.

Elle n’en est pas sortie depuis que vous y êtes arrivés…

C’était il y a bien longtemps.

Elle perd ses forces….

Nous étions si jeunes alors !

Vous savez ce qu’il se passera si elle meurt.

Et la vie était si pleine de promesses.

Vous savez ce qu’il se passera si vous échouez.

Ah que je regrette cette époque. Je pense que je donnerai tout pour la retrouver.

Nous mourrons tous.

Oui… Tout ce que j’ai…

Et vous deux avec nous. Laissez la aller, laissez la s’envoler enfin. Votre choix n’est pas le sien, laissez la partir et oubliez tout cela Kaïtsork.


L’homme leva les yeux de la pauvre créature qui se frottait contre lui, et celle-ci en fit de même.
Il laissa tomber la lourde chaîne de sa prisonnière sur le sol et vint se placer au dessus de Kalyso, la menaçant d’un poing rageur.

Je crois, petite fille, que tu as dépassé les bornes.

Senctia émit un grognement, et le ciel et ses yeux prirent une teinte noire.

Laissez la Inilhier.

Shingaz… Vous accordez bien trop d’importance à ce futile animal.

Vous lui en avez accordé tout autant, à une époque. Laissez la tranquille.


La jeune femme se détourna brusquement et alla se placer près du portail, attendant la troupe et son maître.

Etes vous sûr de vouloir l’emmener, Inilhier ? Kalyso a raison, son état empire, et si nous échouons…

Je suis confiant. Bientôt elle sera libre. Bientôt les dix-neuf seront libres.

Et que se passera-t-il alors ? Le Centre sera-t-il amené à disparaître ?

Il y a plusieurs personnes qui ont la force suffisante de rêver un monde. Et j’aurais Senctia à mes côtés…


Se disant, il glissa un coup d’œil à Warren qui parlait avec un groupe de soldats.

Bien… Allons y, la route sera longue.

Quelqu’un sait où se trouve le voile en ce moment ?

Il est en perpétuel mouvement, mais je pense qu’à nous tous nous le sentirons…

Quoi vous voulez dire que nous allons déambuler entre les mondes jusqu’à tomber dessus ?

Je n’ai pas dit ça…. Partons. Il nous appelle. Très vite nous entendrons son chant…


Senctia se mit à fredonner une petite mélodie de son monde à elle.
Le ciel s’éclaircit et un vent frais fit voler leurs cheveux.

Auteur : Aurel
20/06/07 02h24 | 51 Volcan 3725

Après avoir pénétré dans les méandres mouvants du Voile, les voix se firent plus basses, les conversations plus discrètes. Les trente voyageurs étaient les êtres les plus aptes à se défendre, mais cependant personne parmi eux ne souhaitait attirer de quelconques ennemis – et surtout pas alors que leur quête millénaire approchait de son aboutissement.

Halad cheminait non loin d'Inilhier, écoutant sans mot dire ce que celui-ci lui racontait de sa voix suave, hochant la tête par moments. Kalyso se détourna de cette vue et pressa le pas pour s'éloigner de ces deux-là.

Vous n'avez pas l'air heureuse, Dame Kalyso...

Cette situation n'a rien pour me plaire, Warren.

Ne vous inquiétez pas... Votre ami suit Inilhier parce qu'il était le seul à pouvoir l'aider lorsque... lorsque vous avez été séparés, mais sa vraie confiance n'est pas là.

Il semble pourtant s'être rangé de son côté concernant le Voile.

Ne le blâmez pas trop vite... Peut-être qu'Halad nous réserve encore bien des surprises.


Le regard de Kalyso se fit vague. Elle s'était une nouvelle fois perdue dans ses souvenirs, devenue indifférente au monde qui l'entourait.

Dame Kalyso ?

Celle-ci sursauta légèrement.

Oui, Warren, tu disais ?

Je suis désolé que vous soyiez entrainée une nouvelle fois dans tout cela. Si j'avais pu...

Tu n'y peux rien. Ce n'est pas par ta faute que...

C'est moi qui vais devoir exécuter les desseins d'Inilhier...
coupa doucement Warren. Bien malgré moi, je vous l'assure, mais j'ai conclu un pacte avec lui.

Un pacte ?
demanda Kalyso, levant un sourcil interrogateur.

Warren hésita un instant, regarda la jeune femme dans les yeux, puis détourna les yeux.

Peu importe. Sachez simplement que je pense que vous avez raison. Ce que nous nous apprêtons à faire... Cela doit être empêché.

Je suis ici pour ça
, répondit simplement Kalyso.

J'espère de tout mon coeur que vous réussirez...

A cet instant, sur un geste d'Inilhier, tout le groupe s'immobilisa. Autour d'eux, un grand désert. Derrière des dunes, loin à l'est, le soleil se couchait. Un petit vent sec froissait leurs vêtements, faisant voler au vent les cheveux déliés de Senctia. Du sable crissait sous leurs dents et s'infiltrait partout.

Je suis déjà venue ici... murmura Kalyso, comme pour elle-même.

Nous sommes passés par là, répondit la voix de Halad juste derrière elle. Quand nous fuyions. De Svetlaïa.

Mais que faisons-nous ici ?

Tu vas voir. Ca va bientôt commencer.


Alors, tous s'installèrent pour patienter. Une étrange tension appesantissait l'atomsphère, comme si un violent orage s'apprêtait à éclater. D'étranges picotements, qui ne tenaient pas du sable, ne tardèrent pas à démanger les plus sensibles du groupe.

En quelques minutes, l'obscurité fut complète. La nuit tombe très vite dans le désert... Le vent s'intensifia. Kalyso réprima un frisson. Le froid ? Peut-être... Mais pas seulement. Quelque chose ici n'allait pas. Elle ne se souvenait que très vaguement de ce lieu qu'ils avaient traversé en coup de vent avec Halad : ils avaient alors bien d'autres choses à faire que d'admirer le paysage... Et pourtant, il lui semblait maintenant que, déjà, elle avait ressenti la tension qui à présent devenait presque palpable.

Elle fouilla une fois de plus ses souvenirs. Il y avait ce désert... et puis... oui, ces étranges lumières, à l'horizon. Qu'est-ce que cela signifiait ?

A cet instant, Kalyso chancela, grimaçante de douleur. C'était venu d'un seul coup, sans prévenir : une intense brulure dans son pendentif, comme si le petit coeur était d'un seul coup devenu aussi chaud que de la roche en fusion.

Halad se précipita vers elle, mais alors une colonne d'énergie s'éleva, à quelques dizaines de kilomètres de leur groupe. Quelques secondes après, d'autres fantastiques auras apparurent. Deux... Trois... Cinq... Dix... Douze puissances phénoménales se déchainaient non loin de là, tandis que le coeur devenait de plus en plus chaud, la faisant gémir d'une souffrance qu'elle ne parvenait plus à contenir.

Warren posa une main sur l'épaule de la jeune femme.

Courage, ça va bientôt commencer.

Mais qu'est-ce que c'est que ça ?

Nous sommes là où tout a commencé. Là où le coeur fut réuni, puis brisé de nouveau. Là où le Voile a été créé. Là où les magies sont apparues. C'est à partir de cet endroit que tout s'est tissé... En partant d'ici, nous pourrons trouver le centre du Voile. Le Voile du Voile. Là où tout se lie. Là où je devrai faire chanter les Ombres...


Kalyso se laissa choir au sol. La douleur devenait intenable. Elle vit le visage anxieux de Warren penché sur elle... Ses cheveux blancs l'encadraient comme une couronne. Kalyso sourit avec difficulté, puis perdit connaissance.





Secouée en avant... Secouée en arrière... Légère nausée. Secouée en avant... Secouée en arrière...

Kalyso reprit peu à peu conscience de son corps. La première chose qui la frappa fut une étrange sensation de vide. La douleur avait disparu. Et avec elle, l'extase provoquée par le coeur. Elle sentait toujours le pendentif niché au creux de sa poitrine, mais celui-ci avait perdu la fureur violente qui l'avait habité. Le petit coeur battait faiblement.

Secouée en avant... Secouée en arrière... Secouée en avant... Secouée en arrière... Légère nausée.

Kalyso ouvrit les yeux. Tout d'abord, elle ne vit rien : le vent vif du désert les avait asséchés, et la fine pellicule de poussière qui s'était déposée sur tout son visage n'arrangeait rien. La jeune femme battit plusieurs fois des cils avant de comprendre où elle était.

Le groupe avait reprit sa marche. Elle était juchée sur le dos de Halad, qui marchait aux côtés de Warren. Tous deux conservaient le silence, se contentant de presser le pas quand ils le devaient, de passer à travers les subtiles avancées du Voile pour passer d'un où à l'autre, d'un quand à l'autre.

Halad, sentant que son amie remuait, l'aida à reposer pied à terre et la soutint un moment.

Comment te sens-tu ?

Que s'est-il passé ?

Nous devons suivre les fils du temps. Remonter depuis ce passé lointain, ces temps immémorés, jusqu'à nous. Traverser tous ces événements pour trouver le point qui les lie tous. Tu sais que c'est là-bas que...

Inutile de lui parler de ça, Shingaz
, lança Inilhier, qui cheminait non loin de là. Elle n'est pas de notre côté, combien de fois devrai-je te le répéter ?

Halad se contenta de hausser les épaules et de se retourner vers son amie.

Je suis désolé de t'avoir infligé ça, je ne pensais pas que ton pendentif te blesserait à ce point. Tu penses que tu vas pouvoir continuer ?

Auteur : Kalyso
05/07/07 12h46 | 66 Volcan 3725

Les paroles sont murmurées. Chaque mot est prononcé distinctement. Des silences entrecoupent les phrases.

Et bien et bien… Me voilà bien affaiblie… Brisée par les affres d’une vie à peine vécue…

Hein ?

Rien. Je divague, pardonne moi.

Ne pouvons nous pas intervenir ?

Tu connais les règles.

Les règles… Ne m’as-tu pas appris qu’elles pouvaient être transgressées ?

Certaines barrières sont trop importantes pour être effacées d’un geste, mon cher.

Que tu as changé… Je veux dire, ce jour me paraît si lointain.

Tout me paraît lointain. C’est normal, nous avons dépassé tout ça.

Et nous avons survécu, tu vois ?

Oui. Survécu.

Arrête. Ne sois pas comme ça. Ce n’est pas comme ça que tu es.

Dis moi, si tu avais le pouvoir de refaire les choix que tu as fais, que changerais tu ?

Je ne sais pas. Parfois tout, parfois rien. Et toi ?

Je ne sais pas. Parfois rien, jamais tout.
Nous étions jeunes. Et pieux. Malgré toutes nos paroles. Malgré toutes nos idées.

Je crois que nous étions tous les deux un peu perdus.

Penses tu ?

Je sais que quand j’ai pris du recul, j’ai réalisé que j’avais été dans le noir un certain nombre d’années. Et que j’ai lutté pour me le cacher.

Et moi ?

Toi tu étais… Différent. Je t’aimais bien. Dès le début.

Pourtant je n’étais qu’un objet.

Il y a des objets pour lesquels on donnerait sa vie.

Ils n’en restent pas moins dénués d’âme.

Qui sait.

Dis, tu avais vraiment tout prévu ?

L’important c’est que j’en donne l’impression, non ?

Oui, tu es plutôt douée à ça.

Certaines choses étaient anticipées. Celles qui visaient à m’enfoncer dans l’obscurité. Le reste… Je crois que le reste fut le meilleur.

A aucun moment tu n’as parue perdue.

Toi non plus. Et pourtant Dieu sait que nous l’étions. Regarde nous, peiner à travers ce désert, allégorie de nos souffrances, de notre combat.

Tu crois à tout ça ?

Je crois… Parfois en rien, parfois en tout.

Warren va bientôt passer à l’action.

Pauvre enfant.

Pauvres enfants.

Tu t’es éparpillé.

Que veux tu dire ?

Ce n’est pas un reproche. Je parle de ces costumes que tu as revêtus. Du puissant archimage qui aujourd’hui encore t’habites, de l’enfant égaré qui suit pourtant une route bien précise, de cet homme vaillant et fort, mais pourtant humain. Tous avaient en commun ce penchant hésitant pour…le marginal.
Quand bien même d’un claquement de doigts ils auraient pu renverser un monde, ils restaient vulnérables. Quand bien même ils sombraient, ils gardaient le contrôle. Et au fond, tous étaient animés d’un idéal. Le même ?

Peut être. Tu as porté plusieurs masques, toi aussi.

Moi c’était pour le jeu. L’acteur ne changeait pas.

Tu as bien changé. Et en même temps si peu.

Nous avons grandi. Nous avons dépassé cela.

Et pourtant nous restons.

Pourtant.

La nuit tombent. Ils approchent.

Laissons les donc à leur histoire. Nous la connaissons déjà.

La Fatalité n’existe pas.

Je sais. Partons.



__________________


Les heures de marche, la fatigue, le sable qui s’incruste dans tous les orifices, qui fait grincer leurs dents et pleurer leurs yeux… Les voyageurs peinent. Un s’est effondré. Elite de l’Elite.

___________________

Laissons le la ! Il n’y a rien à faire pour lui.

Une main serrant son pendentif, Kalyso observait la troupe qui reprenait sa route, ne se souciant guère du mort que la nature qu'il avait défiée déjà engloutissait.
Voilà des heures qu’ils marchaient, se rapprochant du cœur de la tempête. La soif déchirait ses lèvres, la faiblesse abaissait ses paupières, et son esprit lui suggérait de s’allonger sur le sol et de se laisser ensevelir. Elle ne le fit pas.

Dame Kalyso ?

Ne m’attends pas Warren.

J’ai peur pour vous.

Tu le sentiras si je suis en danger, ou amenée à disparaître.

C’est justement ce qui me fait peur. Je sens la balance irrégulière de votre volonté. Ne fléchissez pas.

Je suis si fatiguée, Warren.

Nous le sommes tous.

Tu as ma parole, je resterai jusqu’à la bataille. Par intérêt. Par conviction.

Il se peut qu’ils trouvent la brèche.

Chanteras-tu ?

Je ne le sais encore. Si peu de choses dépendent de moi.


Le garçon secoua tristement la tête, prit une petite gourde métallique dans sa ceinture et y but trois longues gorgées avant de la tendre à sa compagne.

Non merci.

Vous avez perdu connaissance.

C’était lié à … autre chose.

Buvez quelques goulées. Et je vous laisserai.


Docile, elle s’exécuta. Puis elle le regarda partir, frêle silhouette contenant si grande puissance. Il s’enfonça dans un tourbillon de sable comme s’il rentrait dans de l’eau.
Oui. Bien des choses avaient changé.

___________________

Putain d’insomnies, hein ?

Elle s’est approchée de lui, d’une démarche féline. Il a entendu le sable crisser mais ne s’est pas retourné. Il s’est contenté de sourire.

Tu veux marcher ?

Ils se sont installés, pour la nuit. Deux autres hommes sont morts. Sans cérémonie. La tempête s’est calmée. Dans la lumière tranchante de la lune se découpe la silhouette de leur campement.

Tu l’as repoussé, hein ?

Elle ne répond pas.

Tu sais bien que nous finirons par le trouver.

Oui. Mais chaque minute perdue ici est une minute gagnée pour les habitants des dix neuf.
Ceux qui n’ont rien demandé.

Tu les aimes donc un peu ?

Je les plains.

Arrête. Ne sois pas comme ça. Ce n’est pas comme ça que tu es.


Elle sourit et fait glisser une mèche folle derrière son oreille. Elle a l’air plus jeune, dans l’ombre de la nuit. Et le reflet de l’astre argenté semble trembler dans ses yeux. A l’intérieur de lui, il sent la lourde nostalgie du Lord.

Alors ? Que ferons-nous demain ?

Je pense que nous regarderons la fureur du Maître.


Elle plisse le front. Ce mot, cette appellation, elle l’abhorre. Et pourtant, elle revient à ses lèvres chaque fois qu’elle parle d’Inihlier.

Il ne sera pas très heureux, c’est certain. Mais ne rêve pas. Ta magie n’est qu’une entourloupe à côté de la leur.

Senctia ne s’est pas encore réveillée.

C’est pour bientôt. Tu ne la vois donc pas fureter, animal aux abois ?

Elle me rend… triste. Si pathétique. Si… nue. Les chaînes qui l’habillent pèsent presque sur mon cœur.

Penses tu qu’elle en a conscience ?

Je pense qu’elle fuit sa conscience. Qu’elle vogue dans de lointains souvenirs.

Ah ?

C’est ce que je ferais.

Pourtant, parfois, lorsqu’il m’arrive de croiser ses yeux de folle, j’y ressens une part de…

De vide.

D’un vide qui t’emplit. Qui te nourrit et te retourne.
A-t-elle mal ?

Tant que nous souffrirons, elle souffrira.

Et si Warren chante ?

Je prie le ciel pour qu’il ne le fasse pas.

Aura-t-il les épaules pour devenir ce qu’elle est ?

Elle est ce monde.

C’est ce que je dis.

Il est fort.

Tu ne le laisseras pas hein ?

Chut.

Quoi ?

Tais toi. Regarde.


Ils se sont éloignés du campement.
Une main tremblante sur le front, elle scrute les dunes lointaines.

Et en effet, en regardant bien, il remarque deux silhouettes qui s’éloignent. Les silhouettes d’un homme, et d’une femme. Complices, ils chuchotent. Ni Halad ni Kalyso ne savent pourquoi, mais ils sont parcourus d’un frisson. Comme s’ils connaissaient les spectateurs qui, l’espace de quelques instants, se sont emmêlés avec eux dans les fils du temps.

Auteur : Aurel
11/07/07 04h32 | 72 Volcan 3725

Depuis le campement, Warren observait Halad et Kalyso marcher lentement dans la nuit étoilée. Soudain, des pas firent crisser le sable derrière lui.

Certaines choses ne changent jamais... dit-il lentement.

Tu parles d'eux ? lui répondit une voix féminine.

Entre autres, Lutia, entre autres.

Vas-tu vraiment suivre Inilhier ?

Halad le suit, non ?

Tu sais très bien ce qu'il en est.

Eh bien, je ne sais pas. Je lui ai donné ma parole...

Est-ce que tu te sens très lié par ta parole ?


Warren hésita quelques secondes avant de lâcher :

Pas vraiment.

Alors pourquoi ?


L'adolescent se retourna vers Lutia Neilerua. Celle-ci habitait le même corps qu'avant sa mort sur Galactica, comme si rien de tous les récents événements n'avait pu l'affecter.

A quoi bon refuser ? reprit Warren. Vous m'avez tellement répété que c'était fatidique.

Je ne te suis pas. Il y a quelques mois tu n'étais pas du tout disposé à agir dans ce sens.

Et vous vous n'essayiez pas de m'en dissuader.

Je ne cherche pas à te faire changer d'avis. J'essaye de te comprendre.


Warren eut un petit rire.

Je conçois que je dois vous poser bien des problèmes, à vous et à Shingaz. Mais quelle est donc la logique de mes actes ?

Tu es... étrange, en effet.

Etrange car imprévisible, et ça, ça vous fait peur. Tous les êtres vieux de milliers d'années que vous utilisez sont poussés par une telle force d'inertie que leur comportement est immuable. Mais moi, je n'ai vécu que seize années galacticaines, et je ne suis aucun des schémas que vous avez dessinés. Difficile à anticiper, non ?

Alors c'est pour ça que tu suis Inilhier
, intervint Halad qui s'approchait à son tour, de retour de sa promenade avec Kalyso. Tu espères éviter ce qui ne peut l'être en agissant de la manière la plus improbable possible ?

Shingaz...

Halad.

Non, c'est faux, vous ne l'êtes plus. Plus vraiment.

Shingaz est en moi, son pouvoir est mien, sa sagesse est mienne, mais je reste Halad. Je n'ai pas perdu mon âme.

C'est bien tout ce qu'il vous reste, en ce cas. Avez-vous déjà oublié à quel point vous étiez horrifié par ces morts, la nuit où j'ai guidé votre bras ? Avez-vous oublié à quel point les idées que vous soutenez maintenant vous révulsaient ?

Sa sagesse est mienne. J'ai compris certaines choses.

Vous avez fait votre son pouvoir. Mais vous avez aussi fait votre ses idées. C'est regrettable.


Warren s'éloigna des deux Lueurs sans se retourner. Il murmura simplement d'une voix si basse qu'il fut le seul à l'entendre :

Halad... N'oubliez pas. S'il vous plait. Quand nous arriverons, tout finira par dépendre de vous. Mon grain de sable...


~ ~ ~


Tout cela ne me plait pas... chuchota Halad à Lutia une fois qu'ils furent seuls.

Tu penses qu'il refusera d'agir ?

Je ne sais pas... J'ai un mauvais pressentiment.

Voyons... Tu sais bien qu'au final il n'aura pas le choix. Nous étions si proches la dernière fois... Nous ne pouvons que réussir. C'est écrit. C'est le dernier cycle.

Je sais... Enfin, je devrais être convaincu. Pourtant, toutes ces idées de prédétermination... Je ne peux pas m'empêcher d'être troublé.

Je t'ai pourtant réexpliqué comment cela fonctionne. Tu as toujours été comme ça...

Shingaz ?

Shingaz, toi, eux. Mes compagnons de toujours. Pourquoi toujours douter quand tout est si simple ? Nous approchons de nos objectifs. Bientôt, tout sera en ordre. Le chaos que nous avons provoqué sera corrigé, effacé. Très bientôt...

Et si nous échouions ? Warren n'est pas si fiable que je le pensais...

Cela, je te l'ai toujours répété. Tu as toujours placé trop d'espoirs en lui.

C'est un génie. Le plus grand des Shadowsong. J'admire le contrôle qu'il a sur ses ancêtres. Et sur Son fils.

C'est vrai, il est très doué. Cela n'en reste pas moins un humain, sans notre aide il ne peut arriver à rien.

Je pense que tu te trompes. Au contraire, il est trop doué pour rester dans les rails que nous lui préparons. N'as-tu pas vu sa mort ?

C'est vrai. Cela ne devait pas arriver. Mais qui aurait pu prévoir qu'il se sacrifierait ainsi ? Qu'il donnerait sa vie ?

Nous aurions dû le prévoir. Nous nous targuons d'être capables de voir, et d'agir en conséquence, mais en ce cas nous avons été aveugles.

Et ? C'est notre première erreur. Notre seule erreur.

Mais Warren est toujours là. Et si tout basculait de nouveau ?

Rien ne basculera, car nous sommes là. Tout est prévu.

Nous étions là, Lutia. Nous étions là. Et nous avons tous deux été forcés de retraverser le Voile. Et sans Kalyso, je n'aurais jamais pu refaire le chemin dans l'autre sens.

Ne te soucie pas tant. Demain, nous arriverons à la Source. Le Shadowsong chantera. Et nous aurons enfin réussi. Tout est prêt pour notre triomphe. Tu as bien récupéré les sphères ?

Sans problème. Je les ai subtilisées rapidement, échangées avec des illusions. Il n'était plus temps de faire dans les manipulations.

Nos anciens alliés t'ont aidé ?

J'ai croisé Eylon. Toujours à la recherche des temps anciens. Je ne l'ai pas abordée, et je n'ai pas cherché les deux autres.

Sineria ?

Morte, ou tout comme.

Morte ?

Kalyso l'a détruite dans sa quête.

Peu importe.


Le visage de Halad se troubla.

Ne dis pas cela. Elle était une alliée précieuse, et je l'admirais beaucoup.

Halad. N'oublie pas qui nous sommes.

Je n'oublie pas, Lutia. Je n'oublie pas, hélas...



~ ~ ~


Le vent chaud et sec ébranlait violemment le campement redevenu silencieux, son hurlement plaintif déchirant les tympans des membres de la compagnie menée par Inilhier. Ceux-ci patientaient, le sommeil chassé par des démons intérieurs ravivés par ce désert tourmenté. Tous sentaient la proximité de la Source des mondes, du noeud des possibles. Tous sentaient que sous peu, son équilibre serait bouleversé à jamais.

Auteur : Kalyso
12/07/07 02h17 | 73 Volcan 3725

Kaly ?

Bordel de queue.


Il rit. Elle était sauve.

Tu as mal ?

Je ne vois plus rien de l’œil gauche et je crois que j’ai une épaule démise.

Viens par là.


Le jeune homme se pencha et l’attrapa à la taille pour la soulever. Une bourrasque fit voler leurs cheveux alors qu’ils se tenaient l’un contre l’autre, fixant un point à l’horizon.

Je te pensais morte.

Bah, je t’avouerai que je ne me sentais moi-même pas très vivante.


Nouvelle bourrasque, plus forte cette fois ci. Elle se colla contre lui, frissonnante.

Tu penses qu’on va y rester ?

On a survécu à pire.


Ils restèrent silencieux, enlacés au cœur d’une tornade.
Apocalypse.
Le mot leur était venu au moment où leurs mains avaient été brusquement détachées.
Et ils avaient volé, malmenés par une tempête de souvenirs inconnus, de chansons, de sentiments. Ils avaient vu des visages, des milliers de visages. Jeunes, vieux, riant, pleurant. Ils avaient effleuré mille vies. Lorsqu’ils étaient revenus à eux, chacun avait du se battre, d’une façon ou d’une autre. S’accrocher à l‘existence, encore quelques minutes.
Apocalypse.
Les mondes se déversaient les uns sur les autres.
Bientôt le tri serait fait.
Bientôt les dix huit redeviendrait un. Et le Centre… Qu’adviendrait il du Centre ?
Apocalypse.

Alors il a chanté ?

En es tu sûr ?

Comment, sinon…

La Folie va recouvrir les mondes.

Mais nous sommes ensembles.

Oui. Nous sommes ensembles.


Halad détourna le regard du Centre qui fondait sous leurs yeux pour le poser sur Kalyso. Celle-ci fixait le palais sombrant, sans ciller. Il écarta les cheveux qui lui couvraient le visage et voulut essuyer le sang qui coulait d’une plaie profonde entaillant le sourcil de son amie.
C’est alors qu’une image d’un songe lui revint. Une vielle femme, des chaînes, et des flammes dévastatrices.


____________

A l’aube, Inilhier s’était éveillé. Il ne ressentait plus près de son corps l’habituelle chaleur de sa prisonnière enamourée. Les sentiments s’étaient succédés en son esprit, la peur, la détresse, la tristesse… qui s’étaient mus en une colère haineuse.
Il s’était levé et avait marché, exposant sa force, faisant trembler les hommes.

Où est elle ?

Son rugissement ne fit même tressaillir Kalyso, assise près du foyer, les yeux perdus dans les flammes dansantes.

Alors ça y est ? Elle est partie ? Aucune chaîne n’aurait pu la retenir. Aucune promesse ne l’aurait calmée. Seule les murs de sa prison au Centre étaient pour le moment assez solides. Vous l’avez aidée à s’en échapper. Et elle s’en est allée.

Tais toi. Tu sais où elle est. Tu l’as aidée.

Non. Si j’avais pu je l’aurais fait. Je n’en ai hélas pas la force. Elle est partie seule, silhouette chancelante dans l’ombre nocturne. Et elle erre maintenant, cherchant ce qui vous échappera toujours.


Le bras de l’homme fit siffler l’air, mais ne put s’abattre sur le visage de Kalyso.

Laissez la Maître. Elle a passé la nuit avec moi. Et nous n’avons vu Senctia.

L’évocation de la malheureuse créature fit passer une vague de compréhension sur le groupe curieux qui s’était assemblé autour d’Inilhier et sa proie. Un lourd silence descendit sur eux, que la voix de la jeune femme brisa. Son ris léger et moqueur provoquait la troupe qui n’osait bouger.

Je crois que c’est terminé. Elle le trouvera avant nous. Et le Centre s’effondrera. Et vous avec Kaïthsork. Et enfin vous serez puni de ne pas avoir consumé l’Amour quand vous le pûtes. D’avoir abusé d’un pouvoir qui ne vous était destiné.

SILENCE.

Je me tais, mais ne recule pas. C’est maintenant que commence la partie la plus intéressante. Je suggère que nous partions à la chasse très vite, à moins que vous cachiez votre indifférence quant à la destruction de votre cœur.

Dame Kalyso, cela suffit. Ne soyez pas si téméraire.
Inilhier, il faut quitter les fils du temps. Le voile n’est plus ici. Nous n’avons plus rien à faire ici. Maintenant il nous faut rechercher Senctia, avant qu’elle ne fasse des siennes.


Inilhier tourna les talons.

________

Quelques heures plus tard, la marche reprise essoufflait déjà les plus vaillants. Se détachait du groupe un Warren songeur qui allait doucement, s’enfonçant dans le sable froid d’une Aquablue oubliée des hommes.

Je crois que nous nous arrêtons ici pour la nuit.

Je ne vous ai pas entendue approcher.

Il faut bien que quelques restes de mon passé me servent.


Elle se laissa tomber sur le sol froid, ses pieds nus léchés par les vagues sombres.

Pourquoi ici ?

Cette crique est emprunte d’Histoire. Ne la ressentez vous pas ?

J’ai honte de l’avouer, mais pas vraiment. Je ne suis plus ce que j’ai été Warren.

Concentrez vous.

Il y a eu un combat ?

Très intense.

De la peur… De la colère ?

Peut être. Le cœur était là en tous cas.


Machinalement, elle porta la main à sa gorge.

Est il complet ?

Ce n’est qu’une enveloppe.

Comment …

Je ne sais pas. Chanteras-tu ?

Je ne sais.

Et les sphères ?

Reprises.


Le bruit des vagues joua la berceuse qui endormit le crépuscule.
Kalyso se releva soudainement et porta une main, l’index et le majeur collés, à ses lèvres. Ses yeux fermés ne virent le tourbillon qui s’éleva autour de ses pieds. De son corps se détachèrent les vêtements qu’elle portait. Et autour de sa peau se dessina une nouvelle tenue.

Pourquoi ris tu ?

J’aime cette robe blanche. Vous la portez bien.

Elle appartenait à la femme d’Oldwë. C’est la première fois que je l’ai mise.

Nous nous tournerons vers nos souvenirs plus tard.

Oui. Tu as raison.


Et en silence, elle entra dans l’eau, se laissant guider par les courant glacés.
Quelque part sous elle dormait un Trésor perdu.
Et l’horizon lointain voilait la limite recherchée. Qui les mènerait à l'Apocalypse.

Auteur : Aurel
13/07/07 04h32 | 74 Volcan 3725

Kalyso se laissait bercer par les flots, perdant tout contact avec le monde extérieur. Seule existait cette délicieuse sensation d'écoulement, cette fraicheur glaciale qui mordait sa peau fragile. Bientôt, la jeune femme perdit pied et se laissa couler dans les profondeurs silencieuses, fermant les yeux, écoutant son coeur battre lentement.

Après une trentaine de secondes, elle sentit qu'elle commençait à manquer d'air et remonta lentement, sans se presser. Elle creva la surface dans une gerbe d'éclaboussures, aspira avidemment une grande bouffée d'oxygène, et regarda enfin autour d'elle.

Le paysage avait changé.

Elle surnageait maintenant au milieu du lit d'une grande rivière, dont le courant rapide se frayait un passage entre deux falaises de roche crayeuse. Loin, très loin au-dessus d'elle, le ciel ocre se chargeait de nuages sombres et menaçants.

Kalyso jeta un coup d'oeil derrière elle. Aucun signe de la crique où elle avait laissé Warren. Aucun signe de vie. Aucun point de repère qu'elle connaissait. Elle fronça un sourcil, légèrement désorientée. Elle n'avait pourtant ressenti aucun passage dans le Voile depuis la berge, et pourtant elle était à des mondes de là où elle était quelques minutes plus tôt.

Le courant se faisait de plus en plus puissant, l'entrainant avec force vers un aval dont elle ignorait tout. La jeune femme frissona. Le froid la pénétrait maintenant de plus en plus vivement. Avec peine, elle nagea jusqu'à la berge et se hala sur un bloc de calcaire tombé de la falaise et qui émergeait de quelques dizaines de centimètres.

Kalyso sécha ses vêtements d'un geste de la main. Peu à peu, elle cessa de grelotter. Elle tenta alors de déterminer où elle avait atterri. Cependant, la structure du Voile était ici étrangement altérée, ne ressemblant à rien de ce qu'elle avait déjà vu. Les flux d'énergie qui l'entouraient semblaient étonnemment sauvages, puissants, comme s'ils n'avaient jamais été déviés, jamais utilisés, jamais dominés par quelque créature que ce soit. Malgré tous ses efforts, la jeune femme ne parvenait à trouver dans ses souvenirs un lieu qui ressemblât à celui-ci.

Une petite pluie fine commença alors à tomber. Ajoutée aux embruns provenant de la rivière, elle eut pour effet de tremper de nouveau Kalyso en l'espace de quelques minutes. Celle-ci joignit alors les mains et s'éleva lentement vers le sommet de la falaise.

Là-haut s'étendait une grande forêt de pins argentés. La jeune femme avançait lentement, sans but précis, observant les arbres centenaires qui l'entouraient. Tout dans cette contrée était emprunt de cette étrange sensation de sauvagerie, de nouveauté. Tout semblait... intact.

Et pourtant, Kalyso ne percevait aucune présence animale, à des kilomètres à la ronde. Ce monde avait-il donc été fermé à toute vie pensante jusqu'à ce qu'un remous du Voile ne le lui fasse découvrir ?

La jeune femme s'arrêta d'un seul coup. Elle venait de percevoir quelque chose d'autre. C'était déjà très vague, très diffus, mais elle ne pouvait se tromper. Ces traces, ces résidus de magie... Senctia était passée par là. Parmi ces arbres.

Pourtant, quelque chose ne collait pas.

Kalyso s'assit sur la souche d'un arbre calciné par la foudre, tentant de rassembler ses pensées. Elle était absolument certaine que Senctia était passée par là, elle aurait reconnu son aura entre mille. Cependant, les marques qu'elle ressentait étaient déjà si effacées que, si elle ne savait pas que l'amour du maître ne s'était échappé que ce matin, elle aurait juré que cela faisait plusieurs semaines que ces bois avaient vu le passage de Senctia.

Cela n'avait aucun sens.

Kalyso secoua la tête, renonçant à comprendre. Elle se releva et reprit sa marche, plus intriguée que jamais par ce monde qui s'offrait à elle.


~ ~ ~


La jeune femme frappa violemment une pomme de pin tombée sur le sol moussu. Son énervement n'avait fait que croitre depuis une heure. Malgré tous ses efforts, elle ne parvenait pas à traverser le Voile qui l'entourait pour regagner des contrées connues. Rien à faire, c'était comme essayer de percevoir une mélodie à travers une épaisseur de vingt mètres d'eau : elle sentait que Galactica et le Centre étaient là, quelque part, mais il lui était impossible d'appréhender un chemin pour les rejoindre, et encore moins de se libérer effectivement de ce qui la retenait ici.

Kalyso poussa un soupir résigné et alluma un feu pour se réchauffer. Au moins, elle n'avait pas perdu ses autres capacités. Elle décida d'employer encore quelques jours pour tenter de retrouver Senctia, puis de retourner à la rivière pour tenter de retrouver le passage qu'elle avait dû emprunter à l'aller.

Tout cela la laissait dans un étrange état d'excitation. La frustration qu'elle ressentait à se sentir bloquée était compensée par la satisfaction de repousser une nouvelle fois les limites de ce qu'elle savait.

La jeune femme s'insalla pour la nuit, tentant d'oublier la pluie qui persistait à s'acharner contre elle.


~ ~ ~


Kalyso retrouva toute sa conscience d'un seul coup.

Le fil d'une lame glacée courait lentement sur son visage.

Sans ouvrir les yeux, la jeune femme détailla longuement l'aura de l'être qui l'avait réveillée. Cela ne ressemblait à rien de ce qu'elle avait connu jusque là. Aussi étrange que le reste de ce monde. Aussi bouillonant de nouveauté, d'impétuosité, de sauvagerie. Et quelque chose dans cette énergie pétrifia Kalyso. Une soif de chair, de sang, de magie, soif qui balayait toute autre émotion, toute autre pensée sur son passage.

La créature leva un de ses bras – mais pouvait-on appeler bras ce long appendice aussi tranchant que le fil d'une épée ? – et l'abbatit brusquement vers Kalyso. Celle-ci roula au sol et bondit sur ses pieds en un instant.

Elle se trouvait face à une monstruosité, créature de plus de deux mètres de haut, au visage aveugle : ni bouche, ni nez, ni yeux, ni rien de ce qui aurait pu rappeler vaguement un être humain. Ce monstre possédait de longue pattes griffues et d'énormes bras sur lesquels se reflétait la lumière rouge de la lune.

La créature se jeta sur Kalyso avec une vitesse ahurissante pour un être de cette taille, la jeune femme ne se jeta sur le côté que de justesse. Elle pointa son bras vers son étrange agresseur et lui envoya une décharge d'énergie, mais le monstre ne parut absolument pas affecté. Au contraire, sa soif de meurtre semblait en être amplifiée d'autant, et c'est avec une vitesse encore plus grande qu'il reprit ses attaques.

Par deux fois, Kalyso fut blessée, coupée profondément par les membres tranchants de son agresseur. Rien de ce qu'elle pouvait lui faire ne semblait fonctionner. Et peu à peu, elle sentait ses forces diminuer. Sa lucidité, elle l'avait déjà perdue depuis longtemps. Elle se laissait peu à peu entrainer dans l'excitation du combat par l'adrénaline qui coulait dans ses veines, et perdait toute notion du temps.

Après de nouveaux échanges de coups, toujours plus violents, elle sentit que ses forces l'abandonnaient lentement. Elle projeta un dernier éclair contre son ennemi puis, espérant l'avoir ainsi aveuglé – mais peut-on aveugler une créature dépourvue d'yeux ? –, fila entre les arbres, ne s'arrêtant qu'après plusieurs minutes de course effrenée.

Elle s'appuya contre un tronc, haletante. Ses blessures la lançaient terriblement, comme si un feu dévastateur brulait au fond de ses plaies. Kalyso s'écroula au sol, perdant lentement connaissance.

Soudain, elle entendit des pas dans les fougères, derrière elle. Elle tenta de se relever, mais lorsqu'elle s'appuya au sol à l'aide de son bras blessé, une explosion de douleur lui obscurcit la vue et elle retomba, à la limite de l'évanouissement. Les pas s'arrêtèrent à moins d'un mètre de là où elle était couchée.

Kalyso rassembla ses dernières forces. Elle ne se laisserait pas abattre ainsi. Jamais.

La jeune femme poussa un hurlement de rage tandis qu'elle concentrait toute l'énergie qu'il lui restait dans ses membres, ignorant la douleur mortelle qui la lançait, et bondit sur ses pieds. Complètement aveuglée par le terrible déchirement qu'elle ressentait dans tout son être, elle projeta un poing chargé de tout son pouvoir dans la direction d'où venaient les pas.

Son poing fut arrêté net. Cinq doigts s'étaient resserrés fermement autour de son poignet.

Kalyso sentit alors son odeur. Perçut son aura. Elle ne put chercher à comprendre ce qu'elle percevait, son esprit était trop brouillé par la douleur. Elle se contenta de murmurer :

Halad...

C'est du poison, lui répondit une voix inquiète à travers le brouillard qui lui obscurcissait l'esprit. Une magie étrange. Pas étonnant que nous ne puissions rien contre ce truc.

Senctia, elle...

Allonge-toi, Kaly. Il va falloir que je te sorte ça des veines.


Petit silence.

Ca va sûrement faire un peu mal. Si tu ne pleures pas et que tu es bien sage, tu auras droit à un bonbon quand nous serons rentrés sur Galactica. En attendant, serre ma main et serre les dents.

Le reste de ce qu'il advint fut perdu pour Kalyso, noyée dans un océan de ténèbres.


~ ~ ~


La jeune femme ouvrit les yeux, et ne vit que la cime de pins argentés, et un ciel piquetés d'étoiles. Elle se redressa lentement. Elle était allongée sur un sol moussu. A ses côtés, Halad dormait calmement, sa respiration légère soulevant régulièrement sa poitrine. Kalyso regarda ses bras. Seule une mince cicatrice blanchatre témoignait des blessures qu'elle avait reçues.

Satisfaite du travail ? demanda la voix ensommeilée de son ami.

Peut mieux faire, docteur... Il reste des cicatrices.

Je trouvais ça joli
, répondit Halad avec un sourire espiègle.

Ca fait combien de temps ?

Eh bien, d'abord le temps que le poison qui circulait déjà dans ton corps se dissipe – d'ailleurs, ça se répand plus vite si tu bouges comme une folle, par exemple pour essayer de taper une créature immunisée à nos magies, tu devrais t'en souvenir pour la prochaine fois... Ensuite, le temps que tes blessures se résorbent, qu'elles cicatrisent, que les cicatrices s'amenuisent... Je dirais que ça doit bien faire deux mois, même si j'ai un peu perdu la notion du temps...

Deux mois ?
cria presque Kalyso.

Eh oui... Et je peux te dire que deux mois à jouer les garde malades, c'était long...

Il faut bien que je te rappelle ta condition de temps en temps, esclave
, lâcha la jeune femme en souriant.

Oui Maîtresse, vous avez sans doute raison.

Bon, et tu as fait quelque chose d'utile pendant deux mois ? Par exemple... Trouver où on est ?

Je ne suis jamais venu par ici, et personne du Centre non plus à mon avis. Ce monde doit être resté caché depuis tout ce temps, et a été dévoilé quelques instants par les remous qu'on a créé dans le Voile.

Bien... Et tu as une idée de comment on part d'ici ?

Si je le savais
, répondit Halad gaiement, ce ne serait pas drôle !

Parfait. Bon, une autre bonne nouvelle à m'apprendre ?

Bien sûr ! Tu te souviens de ce gros truc qui t'a amoché l'autre soir ? Eh bien on ne peut ni les sentir, ni les affecter avec nos magies. D'après moi, nous venons de deux dimensions totalement différentes – beaucoup plus différentes encore que le Centre l'est de Galactica – et nos magies agissent donc sur des plans... parallèles, qui ne peuvent s'atteindre.

Donc leur magie ne peut rien contre nous non plus, d'après toi ?

Je ne sais même pas s'ils sont capables d'utiliser de magie. Par contre, leurs poisons sont très efficaces, et ça nous le savons grâce à toi, merci beaucoup Kaly !

Pas de problème Halad
, répondit-elle d'une voix enjouée. La prochaine fois c'est ton tour, d'accord ?

Bien sûr, ce sera un plaisir de poursuivre nos expériences sur ce joli petit monde.

Et toi, au fait, tu m'as trouvée comment ?

Après la disparition de Senctia, Inilhier nous a fait nous séparer pour la retrouver, et poursuivre différents autres objectifs. J'ai vu que tu étais partie, j'ai décidé d'aller te rejoindre pour poursuivre notre... route. Warren m'a indiqué par où tu étais partie, mais le passage s'était refermé, ou du moins je ne l'ai pas trouvé directement. J'ai mis des jours avant de réussir à passer.

Mais tu es arrivé juste à temps.

Bien sûr, sinon je n'aurais pas pû t'aider et tu aurais encore récupéré toute la gloire... Tu sais, ce coup de poing que tu m'as donné a failli me tuer, tu devrais faire plus attention la prochaine fois.


La jeune femme sourit.

Bon, et si nous partions à la recherche de Senctia maintenant ? Quittes à être perdus au fin fond d'un monde uniquement peuplé de grosses créatures qu'on va être obligés de fuir, autant que ça serve à quelque chose !

Eh bien, je suis là pour ça
, rétorqua Halad. A toi l'honneur, Kaly. Et la prochaine fois que tu décides d'aller faire une petite baignade, préviens-moi avant, ça nous évitera peut-être de passer deux mois à dormir !


~ ~ ~


J'en ai marre de me cacher... marmonna Kalyso trois jours plus tard, alors qu'ils quittaient les buissons dans lesquels ils s'étaient réfugiés pendant le passage d'une des créatures sans visage.

Peut-être, rétorqua Halad, mais ils sont plus gros et plus méchants que nous, alors on n'a pas tellement le choix. Continuons, et faisons vite, la piste n'est plus très fraiche...


Les deux amis avaient repris leur route trop longtemps interrompue. Beaucoup restait à faire avant que le Chant ne fasse basculer leur vie... C'était leur quête, et elle était loin d'être terminée.

Auteur : Kalyso
20/08/07 16h47 | 37 Desertan 3725

J’en ai assez.

La jeune femme s’appuya contre un arbre et se laissa glisser au sol, dos contre l’écorce.
Les jours se suivaient, se ressemblaient. Le cadre était d’une perfection digne des plus grands peintres de l’Histoire, ils ne manquaient de rien. Chaque pas les menait vers un horizon nouveau où du ciel se déversaient mille couleurs enchanteresses.
Pourtant, leur éblouissement initial s’était transformé en une lassitude dissimulée. Les découvertes quotidiennes ne les surprenaient plus. Ils avaient appris à éviter les sans visages.
Et dans l’endroit si idéal était née une Utopie : la sortie du lieu.

Arrête. On ne va pas abandonner.

Non. Non bien sur que non. Mais as-tu conscience que nous n’avançons plus ?

Eh bien, pour commencer…


Il s’approcha d’elle et la tira par le bras, la soulevant du sol d’un geste. Ses cheveux volants dans les airs autour de son pâle visage lui rappelèrent celui de l’enfant de Svetlaïa, dont le chétif fantôme avait effleuré le début de sa renaissance. Et étrangement, il se sentit empli d’une envoûtante nostalgie -

… tu vas te relever.

Ses grands yeux plongés dans ceux d’Halad semblaient hésiter entre larme et malice, et préférèrent finalement se détourner vers le lointain.

Je te prierai de ne pas abuser de ta supériorité physique.

Tous deux éclatèrent de rire, sans grande conviction. Plus pour tuer un temps qui avait dévoilé bien trop de choses et empêcher le silence de reprendre le dessus.

Dis, tu penses que nous le ressentirions, s’il se passait quelque chose la bas ?

Que veux tu dire ?

Je ne sais pas. Une secousse, un frisson, une douleur.

Ah. Le voile ?

Penses tu qu’ils l’ont trouvé ?

N’ont-ils pas besoin de Senctia ?

Ils ont Warren.


Nouveau silence. Sans gêne cette fois ci.

Tu t’éloignes.

J’ai peur.


La franchise de son amie étonna le jeune homme qui baissa les yeux sur elle.
Elle semblait fatiguée, et l’éclat curieux de ses yeux s’était éteint.
Espérant que la vie les animerait de nouveau un jour, il soupira et reprit d’une voix lasse.

Je ne me sens pas vraiment à l’aise non plus tu sais ? Ca ne m’empêche pas de rester là. Toi tu ne reviens pas.

Peut être. Je cherche…


Elle se perdit quelques secondes dans l’observation d’un point au loin, et indiqua à Halad de se taire en tendant le bras vers ce qui semblait être un timide feu.



______________________________________



Les longs mois d’errance solitaire enlevaient l’agréable au goût de la Liberté.
La joie ressentie lorsque ses chaînes s’étaient brisées avait quitté Senctia depuis longtemps déjà. Toutefois, elle poursuivait son but. Et ne pouvait se permettre de se détourner de sa route.

Alors, elle marchait, d’un monde à l’autre, souriant timidement aux astres, riant de la chatouille des gouttes de pluie joueuses, s’amusant des ombres et des oiseaux. Elle ne dormait ni ne mangeait. Il lui suffisait d’y penser pour que la faim et la fatigue s’envolent. Chacun de ses pas la rapprochait du voile, bien qu’il ne fut sa destination première. Avant, elle voulait voir de ses yeux ce monde dessiné dans ses rêves.

Triste destinée que la sienne, à qui tout avait été promis. Triste destinée, oui, d’une enfant amoureuse, à qui sa propre histoire ne revenait pas. Elle savait son importance. Elle savait son rôle. Mais elle ne savait d’où elle venait. Et c’est-ce défaut qui la faisait le plus souffrir. Car se fier à des sentiments, des battements de cœur, se faisait douloureux. Elle sourit. Sa propre malédiction l’avait atteinte.
Parfois des noms qu’elle savait de son passé ressurgissaient. Des visages aussi. Mais elle ne voulait se tourner vers eux. Pas encore. Elle craignait que tout ne s’arrêta si elle le faisait. Et elle voulait quelques jours encore, pour voir le monde.

Et les jours dans son envie s’étaient fait semaines, puis mois. Puis éternité.
Elle serait une rodeuse. Une errante. Elle trouverait des compagnons. Et serait heureuse.
Le voile ? Qu’importait. Cette histoire ne la concernait guère. Elle fuirait vers un autre temps, s’il le fallait.

Toutefois… Toutefois quelque chose la retenait de partir tout de suite. Outre son besoin de voir, de comprendre, il y avait ce… ce rien. Des milliers d’hommes et de femmes qui avaient pénétré la salle du trône de Kaïtsork, ceux qu’elle avait pu voir ces derniers mois étaient intéressants.

Il y avait ce garçon, Halad. Il fallait dépasser son apparence pour connaître sa valeur véritable. Il était mu par des idées qu’il n’exprimait jamais. Et possédait le cœur de deux personnes.
Cet autre, cet enfant, celui qu’on appelait Le Shadowsong, et qui semblait tant intéresser son promis. Elle aurait aimé lui parler, mais sa situation - elle secoua tristement la tête - sa promesse, l’en empêchaient. Pourtant il lui semblait si…différent des autres. Si proche d’elle.
Il y avait aussi ce soldat perdu et hésitant, son chef en mal de son Amour, il y avait le Chapelier Fou, tous pions indépendants du maître. Et elle, aussi. Elle n’était ni forte ni particulière. Juste le triste lien entre ces hommes que rien d’autre ne semblait pouvoir retenir ensemble si longtemps.

Il lui fallait les comprendre. Car ils semblaient représenter un relief inconnu dans ce paysage pour ainsi dire façonné de ses mains.

Et lui, au milieu de tout cela ? Qu’advenait il de lui ?
Il l’aimait encore, elle le sentait. A son souffle, aux battements de son cœur. Pourtant il la retenait prisonnière. Car elle l’aimait aussi. Elle se mit à rire. Et tacha de chasser ses pensées.

Il était temps de passer à autre chose.
Un claquement de doigts la renvoya à son ailleurs. Cette fantaisie éveillée, connue d’elle seule. Qu’elle peuplait au gré de ses idées.
Qu’elle était belle, la terre, en ce lieu. Fertile, pleine d’amour. Et si fragile. Sans le Centre, sans le Cœur, était elle moins puissante ? Sûrement. Mais elle l’était assez pour se créer un havre.
Et elle y resterait, le temps de trouver. Le temps de savoir.
Personne ne l’y trouverait. Personne n’atteindrait non plus le voile. Et si cela arrivait, alors elle le saurait, et interviendrait. Cette fois elle dépasserait ses sentiments.

Senctia s’étira et s’allongea à même le sol. Aussitôt, le soleil se coucha portant l’ombre sur ses paupières closes. Tout à coup, de nulle part, surgit une créature à la taille démesurée, sans visage, de longues lames à la place des bras. Elle s’approcha de la femme et se roula en boule non loin.
Et de son corps inexpressif jaillit un gémissement auquel vint s’ajouter le doux fredonnement de l’éternelle prisonnière.
Bientôt...

Auteur : Kalyso
21/10/07 17h57 | 24 Galan 3726

Halad ?

Pour toute réponse, il passa ses longs doigts dans ses cheveux et déposa un baiser sur sa tête.
Elle se blottit plus fort contre lui, comme si elle voulait ne faire qu’un avec le jeune homme, et ferma les yeux.
Au loin, le soleil se couchait une nouvelle fois. Il ne le voyait pas, mais jamais son instinct ne lui mentait.

Ils étaient dans une chambre, une vaste pièce éclairée par la lumière tombante de l’extérieur. Tout autour d’eux était flou, les meubles, les murs. Seuls se dessinaient les contours du lit qui les abritait. Le paysage derrière la large fenêtre ne s’offrait hélas à leurs regards.

Halad, est ce que tu m’aimes ?

Il eut un rire avant de sceller les lèvres de la jeune femme d’un baiser. Et la nuit les emporta tous deux sous son manteau, sans qu’ils ne pussent lui résister.

C’était l’aube à présent. Le cadre était le même. Une lumière crue baignait le décor. Il n’avait pas bougé. Elle, marchait dans la brume étrange autour du lit, rangeant la chambre. Parfois, elle sortait admirer le paysage qui restait invisible à ses yeux. Cela dura quelques minutes qui se firent par la magie du subconscient, des heures. Maintenant des étoiles, étrangement distinctes de sous leur plafond éclairaient la scène. Elle l’avait rejoint sans qu’il ne le remarque et effleurait son corps en riant. Aucun son ne sortait de sa bouche, mais il l’entendait rire, quelque part.

Je te retourne la question.

Ses sourcils se froncèrent et elle détourna la tête, inquiète. Ses mèches folles vinrent chatouiller le nez d’Halad qui suivit son regard. A sa gauche à présent courait un large chemin de terre. Ils étaient dehors, sur le sol. Voilà qui expliquait les étoiles... Et au loin résonnait un bruit de galops qui s’approchaient à une vitesse folle.
Il voulut se lever, sauver sa compagne. Lorsqu’il tourna son visage vers elle, il ne lut aucune peur dans ses yeux.

Il ne vit que les gouttes de sueur qui coulaient le long de sa gorge nue tandis qu’elle plongeait vers son torse qu’elle embrassa avidement. Il se laissa faire quelques minutes, glissant ses mains le long de son ventre, caressant sa poitrine, attrapa enfin les poignets qu’elle avait posés sur ses avant bras et inversa leur position. Il profita des quelques secondes où elle ne se débattit pas pour plonger ses yeux dans ceux de la jeune femme.
Elle souriait, calmant sa respiration haletante. Lui s’enfonça dans sa chaleur, humant son parfum, s’enivrant à tel point, qu’il lui sembla observer la scène de l’extérieur.

C’était le cas. Il était agenouillé dans l’angle d’une pièce qui cette fois ci était très nette. Les tentures renvoyaient une lumière mauve sur les murs, où il pouvait suivre l’ombre des ébats de son amie. Les gémissements de celle-ci se mêlaient à ceux, plus rauques, indifférents, d’un illustre inconnu. Parfois, il prenait la parole, intimant à la jeune femme des ordres qu’Halad l’imaginait exécuter.

Ne me regarde pas comme ça… On dirait que tu vas pleurer. Ton regard… j’ai l’impression que je te viole.

Le douloureux manège dura presque une éternité avant que les deux amants ne s’écroulent, et que tout bascule.

Le lit, de nouveau. Il la regardait, elle dansait, essayant diverses tenues. Lui était immobile. Hanté par l’image de la nuit passée.

Je vous ai vus.

Elle s’arrêta, posant la botte qu’elle allait enfiler, et vint s’asseoir doucement à ses côtés.
Ses mains se promenèrent sur son épaule sans qu’il ne pu se dégager, puis glissèrent jusqu’au drap sur lequel il reposait. Elle en sortit une petite dague, et la promena doucement sur son cou, ses seins, avant d’en déchirer sa peau blanche, libérant un sang qui avait semblé bouillir en elle.

Pardon… Je pensais… J’ai osé pensé que tout cela serait révolu. J’ai osé y croire. La chute est décidément toujours aussi pitoyable…et difficile…

C’est la terre nue qui de nouveau les accueillit pour un dernier tableau. Ils étaient assis, dos à dos, sous un lourd soleil. Le bruit du vent courant dans les champs de blé dorés accompagnait leur dialogue.

Alors ?

Je ne sais pas.

T’ai-je perdue ?

Ne te remets pas en question. Pas pour ce qui nous concerne.

Tu m’as demandé si je t’aimais, Kaly. C’est ce qui te fait peur ?

La peur… Je me rie de ce qui m’effraie. D’habitude. Pourtant…

Qui était il ?

Personne.

Pourtant il y avait quelque chose. Quelque chose que je ne t’ai pas connu.

Il me faisait mal.

Je t’aurais aidé, si tu m’en avais parl…

Il me faisait mal parce que je le voulais, Halad. Il détruisait la part de moi qui m’était inaccessible.

Et moi alors ?

Tu es… Stable. Confortable.

Pourquoi fuis tu ce confort ?

Je n’en veux pas. Je suis rongée de remords. Brûlée de haine. Je ne veux pas que tu sois blessé.

Je survivrai à cela.

Moi pas. Je t’en prie, ne complique pas les choses.

Alors c’est …

Non. Non pas encore.

Dis le Kalyso. Je veux l’entendre. Je comprendrai. J’y suis préparé depuis le commencement.

Nous en parlerons…au-delà des songes.

Prenant appui sur lui, elle se releva. Halad ne bougea pas. Baissant les yeux, il découvrit un profond ravin où se balançaient ses jambes. Le soleil avait disparu. Les champs de blé aussi. Il sentit dans sa paume le contact froid du métal. Portant sa main à ses yeux, il y découvrit un fin bracelet argenté.

Non…

Il se détourna brutalement. Et il était seul, les jambes dans le vide. Elle avait laissé sa place à une voie éclairée d’une lumière pure.

____

Halad s’éveilla en sursaut. Son cœur battait à tout rompre.
Quel rêve étrange…
Il se souvint. Senctia avait disparu. Ils étaient toujours bloqués dans les méandres du voile. Heureux d’être ensembles.
A quelques mètres de lui, blottie contre l’arbre qui les abritait des intempéries, reposait Kalyso. Le feu mourant projetait sur son visage paisible une ombre facétieuse.
Le vent doucement descendit des feuilles qu’il faisait joyeusement danser pour écarter quelques instants le tissu de la chemise de la jeune femme.

Et sous son sein dormait une plaie qu’il avait rêvée naître.

Auteur : Aurel
02/11/07 11h14 | 36 Galan 3726

Halad...

Oui, Kaly ?

Qu'est-ce qui ne va pas ?


Le jeune homme était assis sur le sol, le dos appuyé contre un arbre centenaire. Ses yeux étaient perdus dans le vague, et il n'avait dit mot depuis qu'elle s'était réveillée.

Ca va très bien, merci.

Tu mens toujours aussi mal...

Je sais. Je n'ai jamais été doué pour cacher mon humeur. Mais ne t'inquiète pas, ça passera. Ca finit toujours par passer.

Parle-moi.


Halad émit un son étrange, à mi-chemin entre le rire et le grognement.

Inutile. Vraiment.

Halad, pourquoi ne pas me dire ce qui ne va pas ?

Tu as bien assez de problèmes à toi seule pour que je te rajoute les miens.

Mais...

Allons-y
, dit-il en se redressant. Allons détruire ce Voile, il n'a que trop duré. Mettons un terme à tout cela.

Kalyso observa son ami avec circonspection.

Tu es certain que ça va aller ?

Il lui adressa un sourire contrit.

Allons-y, t'ai-je dit. Senctia n'est plus loin, ne la faisons pas attendre.

Ensemble, ils se remirent en marche. Chacun perdu dans des pensées qu'il ne voulait partager. Et c'est dans un pesant silence qu'ils firent route jusqu'à la lueur aperçue la veille.

Au centre d'une petite clairière, les restes d'un feu de bois agonisaient. Seules quelques braises rougeoyantes subsistaient encore au milieu des cendres. Halad s'accroupit devant le feu, pensif.

Elle était ici hier, Halad. Elle ne doit pas être partie bien loin.

Le jeune homme, d'un geste de la main, raviva dans le foyer un grand bûcher. Les flammes, hautes maintenant de plus d'un mètre, semblaient vouloir s'étendre, dévorer tout ce qui les entourait.

Halad ?

Oui
, répondit-il en s'éloignant du feu qui déjà s'attaquait à lui, j'arrive.

Dis... Comment Senctia a-t-elle pu survivre seule dans ce monde ?

La solitude n'est sans doute pas un problème... pour elle. Nul ne sait de quoi elle est capable. N'oublie pas le rôle qu'elle joue dans tout ça. Si seule une poignée d'êtres dans ces mondes est capable de survivre ici, alors elle en fait assurément partie.

Tu risques d'avoir du mal à la faire revenir.

Je le sais. Jamais je n'ai prétendu le contraire. Et jamais je n'ai eu peur de m'engager sur une voie semée d'embûches et de difficultés.

Encore faut-il pouvoir aller au bout de cette voie...

C'est vrai. Encore faut-il pouvoir passer outre ces difficultés. Mais tant que je n'aurai pas essayé, je ne pourrai pas savoir si j'en suis capable. Et je n'ai pas grand chose à perdre...

Espérons que nous soyons capables de la ramener. Sinon, tout ce qui a été entrepris l'aura été pour rien, et le réveil sera brutal...

Le réveil est toujours brutal, Kaly. Alors, essayons de ne pas avoir à... nous réveiller. Allons-y. Chaque minute que nous perdons est une minute gagnée pour Senctia, et perdue pour nos projets.

Peut-être serait-ce une bonne chose que nous ne la trouvions pas. Je veux dire, le Voile...

On en a déjà discuté.

Qui parle ? Halad ou Shingaz ?

Cette distinction ne signifie plus rien, et c'est... grâce à toi. Ne l'oublie jamais.

Je ne l'oublie pas, Halad. Je ne risque pas de l'oublier.

Parfait. Alors, en route.


Le silence retomba sur l'étrange forêt. Les deux compagnons de route s'éloignèrent de quelques mètres, fouillant le sol à la recherche d'indices quant à la direction empruntée par Senctia. Ils s'étaient faits traqueurs, et leur proie était douée.

Vraiment très douée... murmura Halad pour lui-même lorsque, une heure après, ils n'avaient toujours trouvé aucune piste.

Il entendit alors un bruit de pas, juste quelques mètres derrière lui.

Kaly, tu as quelque chose ? demanda-t-il sans se retourner.

Puis, voyant qu'elle ne répondait pas :

Kaly ?

A cet instant, une douleur intense le perça de part en part. Il baissa les yeux vers son ventre. Une lame le traversait.

Halad bondit et se retourna. Une de ces créatures sans visage se tenait face à lui. Un de ses bras aussi effilés qu'une épée était couvert de son sang.

Bordel de queue... murmura-t-il. Le poison...

Le jeune homme regarda tout autour de lui, à la recherche de son amie. Disparue.

Kaly ! hurla-t-il.

Mais déjà le monstre revenait à la charge. Halad se jeta de côté pour esquiver le coup, puis partit en courant. Partout, il cherchait Kalyso. Mais nulle part il ne la vit.

Elle a sans doute pu fuir... songea-t-il en évitant une nouvelle attaque. Espérons qu'elle parvienne à achever notre quête...

Les mouvements du jeune homme se faisaient de plus en plus lents tandis que le poison se répandait dans son corps. Pour l'avoir extrait de celui de son amie, il en connaissait les effets. Il savait que bientôt, il ne pourrait plus rien faire. C'était la fin.

Sa vision se brouillait. Son corps fut percé de nouveau par l'arme vivante qu'il affrontait, encore, et encore. Finalement, il tomba au sol, tout juste conscient. Il aperçut à travers le brouillard qui obscurcissait sa vision le monstre sans visage s'approcher de lui, pesamment. Alors c'est comme ça que je finis... songea Halad ironiquement. Magnifique fin...

Alors, il entendit un cri de femme. Il aperçut la créature se détourner de lui, foncer vers un ennemi invisible. Bruits sourds de combat. Le fer croise la chair. Halad put encore distinguer son amie, une fine lame à la main, faire face au colosse qui l'avait terrassé. Puis ses yeux se fermèrent. Il se laissa sombrer.




Asakaï...

...

Asakaï, que fais-tu ?

Laisse-moi dormir...

Asakaï, ça ne va quand même pas finir là ?

Lutia, d'autres feront ce qui doit être fait. Pour moi, c'est terminé. Je ne veux plus me relever. Je ne peux plus.

Tu n'as pas le choix. Je ne vais pas te laisser mourir ici, nous avons encore besoin de toi. Tu sais ce qui doit être fait...

Je ne suis plus persuadé de la nécessité de tout ça.

Ca, c'est peut-être lié au fait que tu viens de te faire percer de part en part. Regarde-toi, tu ressembles à du gruyère... Tu n'as pas honte de laisser tomber comme ça ? Tu sais ce qui est en jeu.

Lutia, laisse-moi...


La pensée de la Lueur s'éloigna peu à peu, chassée par les ténèbres qui envahissaient Halad. Enfin, il allait pouvoir se reposer...



Halad...

...

Halad, que faites-vous ?

Laisse-moi, toi aussi...

Halad, vous allez abandonner votre quête ? Vous allez laisser sombrer les espoirs que j'ai placés en vous ? Vous êtes mon petit grain de sable, Halad. La seule chance qu'il nous reste pour conserver à ces mondes un semblant d'équilibre. Vous allez abandonner tout ça ? Alors le Voile sera déchiré et le chaos s'ensuivra. Si vous ne retrouvez pas Senctia, quelqu'un d'autre le fera. Et vous connaissez les conséquences...

C'est fini pour moi, je n'ai plus la force de continuer. Trouve quelqu'un d'autre.

Halad... Allez-vous laisser périr Dame Kalyso ?




Le jeune homme ne répondit pas. Le silence s'installa. Plus rien n'avait de sens. Les ténèbres succédaient aux ténèbres.




Halad...

...

Halad, que fais-tu ?

Laisse-moi...

Halad, tu vas laisser ton amie se faire tuer ?

Je ne peux plus rien pour elle.

Tu mens. Elle combat pour toi, et tu la laisses mourir parce que tu te sens trop fatigué pour l'aider. Mais c'est faux, et tu le sais.

Je ne peux plus rien faire. Je suis fini, et j'aimerais qu'on me laisse mourir en paix.

Halad... J'ai combattu pour toi. Et tu m'as laissé mourir. Tu m'as abandonné. Tu vas refaire la même erreur aujourd'hui ?

...

Tu n'as pas changé, Halad. Hélas, tu n'as pas changé. Derrière tous tes beaux discours, tout ce qui compte pour toi, c'est ton petit confort. « Non, Klantio, laisse-moi dormir, je ne peux rien faire... » Tu devrais t'écouter. Si tu éprouvais pour toi un dixième du dégoût que je ressens, je pense que tu agirais. Que tu ne la laisserais pas mourir. Que tu continuerais à te battre comme tu as si bien commencé. Si c'est pour l'abandonner maintenant, tu aurais tout aussi bien fait de refuser de la suivre au tout début. Tu sais, cette fois où tu as voulu l'abandonner, avant même de pénétrer dans le Voile à la recherche de ses souvenirs. Halad, tu t'es engagé avec elle. Tu étais volontaire. Je sais que tu tiens à elle. Alors ce n'est pas un « petit » obstacle comme ta mort qui doit te détourner d'elle. Tu ne dois pas renoncer à la première difficulté, tu m'entends ? Tu as choisi de la suivre. Alors suis-la. Suis-la même contre son gré s'il le faut.

Klantio, tu ne comprends pas... Je ne peux pas...

Tu mens. Tu peux tout. Tu es Halad. Mon frère. Tu es Shingaz. Tu as en toi tout ce qu'il te faut pour continuer cette quête. Si seulement tu le voulais...

Je meurs, Klantio. Comment pourrais-je l'aider ?

Tu meurs dans un rêve, Halad. Tant que tu accepteras ce rêve comme la réalité, tu continueras à disparaître. Il te suffit de refuser d'y croire.

Refuser de croire qu'on m'a tué ?

Tu es une Lueur. Refuse simplement de croire que tu peux finir comme ça. Allez, dépêche-toi, Kalyso t'attend. Tu as accepté de partager sa quête, alors ne laisse plus jamais quoi que ce soit te séparer d'elle.

Klantio ?

Dépêche-toi.

Excuse-moi...

Dépêche-toi.



Les ténèbres tourbillonnent. Les temps changent.


Heureux de vous revoir, Halad. Allez la sauver. Protégez Dame Kalyso. Battez-vous. Et achevez votre quête. Je vous attends à l'arrivée...


Les ténèbres s'estompent. La lumière revient peu à peu.


Heureuse de te revoir, Asakaï. Je savais que tu n'abandonnerais pas. Lutte. Car c'est ce pour quoi nous sommes là.



Les yeux de Halad s'ouvrent sur le monde.




Le jeune homme se relève avec difficulté. A quelques mètres de lui, Kalyso se bat. Elle n'a pas l'air blessée, mais l'épuisement se lit sur son visage. La créature continue à attaquer, encore et encore, inlassablement.

Halad jette un coup d'oeil à ses blessures, qui commencent déjà à se refermer. Le poison est vaincu, car il n'y a jamais eu de poison. Tout ceci n'est qu'un rêve. Un délire qu'on l'a forcé à croire.

Le jeune homme marche posément vers la créature sans visage. Son amie l'aperçoit et perd un instant sa concentration. Le monstre en profite et l'attaque avec toute la célérité dont il est capable. Halad s'interpose. La lame le transperce, une nouvelle fois. Derrière lui, il entend Kalyso crier. Il pose une main sur le bras planté en travers de son corps, et le bras est détruit. Le monstre recule de plusieurs pas. S'il avait une bouche, il crierait. S'il avait des yeux, il regarderait avec horreur son moignon sanglant. Mais il n'a rien de tout ça. Et c'est sans montrer d'expression qu'il meurt, quand Halad se jette sur lui.

Nous sommes dans un rêve... murmure le jeune homme. Il est temps de fixer nos propres règles. Il est temps de ramener Senctia.

Auteur : Kalyso
16/12/07 02h57 | 5 Aquan 3726

Il est allongé sur le dos. Lorsqu’il tend les bras, il sent de l’eau au dessous de lui. Les rayons du soleil qui s’échappent de l’emprise des branches se reflètent autour de son corps inerte. La nature chante sa mélodieuse berceuse.

Elle est allongée sur le dos. Lorsqu’elle étire sa jambe douloureuse, celle-ci se heurte contre la glace qui l’emprisonne. L’emprisonne ? Non. Elle est allongée sur une infinie étendue de marbre transparent. Et elle sait que si elle se retourne, elle y lira, figée pour toujours, une vie.

Le dernier flotte, les yeux fermé. Inconscient, il n’est pas de leur errance. Il se repose. Il puise les forces qu’il a perdues au combat. Et il aimerait rêver, peut-être. Lorsqu’il ouvrira les yeux, il suffoquera. Mais la réalité l’apaisera vite. Il est la clef, il est le gardien. Il est leur cœur.
Il est eux.

Warren ?

Sans avoir à bouger, il sait où elle est. Il la sent près de lui.

Que donne l’envers du décor ?

Ma foi… C’est un peu froid. Mais la fraîcheur de la glace est agréable. Qu’en est il des arbres ?

Ils sont en fleurs. Et les oiseaux gazouillent.

Les oiseaux… J’aimerais entendre les oiseaux. Et sentir le soleil ! Ici, les branches ont l’air de mains crochus qui ne rêvent que de me saisir, et m’entraîner dans leur funeste monde.

Mais vous n’avez pas peur.

Non. Ca m’apaise.

Vous avez toujours vécu dans le noir.

Pourquoi dis tu cela ?

Je pensais. Toutes les fois où nous nous vîmes, il faisait nuit. Notre rencontre, vous protégiez Dante et Runia d’eux même. Et Elien. Et Atomiseur. Tout cela a commencé par une nuit noire. Nous nous sommes rencontrés dans l’obscurité. Avant aussi. Votre naissance, votre folie, vos adieux. Le jour était au contraire porteur de vos plus sombres instants. Votre fuite, après Khall…

Ne parlons de ça. Où est le Sieur Shingaz ?

Il dort. Il veut qu’Halad se repose.

Pourquoi ne le dévore t-il pas ?

Je crois que ce garçon a quelque chose.

C’est indéniable. Mais il faut des sacrifices.

Vous l’appréciez pourtant.

Il ne me dérange pas. J’admire son courage. Sa sagesse.

Pourquoi l’enterrer alors ?

Shingaz sera plus utile.

Et vos sentiments ?

Tu sais très bien Warren, que je ne ressens plus.

Vous mentez. Si vous ne ressentiez pas, vous seriez juste aveugle, incapable de palper quoi que ce soit, de ressentir la morsure de l’hiver.

Tu es allé loin dans le voile. Je t’envie.

Nous ne sommes pas allés dans le même sens. Mais vous en savez aussi long que moi. Souffrez vous encore ?

Je pense. Je ne sais pas. Tout cela est si banal…

Pourquoi ne pas rompre les liens ?

J’attends qu’ils m’étouffent. Je voulais libérer ma colère.

Contre qui ?

Le monde. Je déteste tellement ceux qui m’ont vue tomber, ces mêmes qui m’ont relevée alors qu’il était trop tard. Je déteste ces gens qui entrent dans mon jeu. Je déteste ce manège, ces errances, cette prison où l’admission est une carte de sortie. Je déteste avoir crée tout ça. Mon voile.

Il respectait vos choix.

C’était son tort. Ne jamais aimer un être qui ne le mérite. Retiens cela, Warren.

Vous souffrez de l’avoir cédé à Shingaz.

Je souffre de ne pas m’en être faite haïr. Je regrette la forme employée.

L’aventure est finie, Dame Kalyso.

Penses tu ?

Mais vous serez rappelés. Le voile n’a pas tenu son rôle.
Qu’en est il de toi, Warren ? Chanteras tu ?

L’avenir seul nous le dira.

Je ne veux pas être confrontée à toi. Tu m’es cher. Tu es cet enfant a figure d’adulte, qui avance, qui construit, qui sait. Tu n’es lié à rien, tu surpasses tout. Non. Je ne veux pas que nous nous battions.

L’avenir nous le dira, Dame Kalyso.

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Halad sentit des regards fixés sur lui. Il lutta longuement, et parvint enfin à ouvrir les yeux. Il flottait dans un étrange liquide, allongé au fond d’une sorte de baignoire. Lorsqu’il voulut toucher le fond, il sentit la dureté et le froid de la glace. Tentant de croiser les regards, il fut aveuglé par un soleil estival. Et une petite main blanche se glissa dans la sienne. Et il su qu’ils étaient là tous les deux. Il les vit en son esprit.

Kalyso et Warren le couvaient, bienveillant. Elle ne cessait de demander quand il se réveillait, et le jeune homme riait de son inquiétude. Et la voix de la femme traversa sa tête.

Ne bouge pas. Laisse agir le liquide. Tu as besoin de te remettre.

Que s’est il passé ?

Cesse de t’agiter. Nous sommes de retour au centre. Cela fait plusieurs mois, maintenant. Oui, nous l’avons ramenée. Nous avons eu besoin d’aide. Ils ont été parfaits. Tu as été grandiose. Dors maintenant. La journée sera longue, à ton réveil.