Divers > Trouble de l'Iterps
Auteur : Kemeth
09/07/07 15h36 | 70 Volcan 3725
Le marais est toujours aussi confortable. En même temps je viens tout juste dy élire domicile, mais je le trouve à mon goût.
Javais 25 ans quand je suis né, il y a à peine dix minutes. Absurde logique qui nous dit quun nouveau né na jamais vécu avant de naître. La logique ne lest que pour celui qui prétend pouvoir interpréter les cours des temps.
Moi jaime ma nouvelle vie dans ce lieu qui respire la joie de senfoncer à chaque pas, grâce à ces chers sables qui ne peuvent sempêcher de saccrocher à moi pour mentraîner loin, très loin en bas.
- Je reviens, je vais seulement faire un tour.
Ah ces chers grains se lamentent déjà de ne plus pouvoir métreindre et mattirer tout au fond. Mais je nai pas que cela à faire, je viens de naître et il me faut rencontrer le seigneur du bois. Jai dessiné dans ma tête un parcours qui longe la rivière. Jai dessiné dans ma tête un parcours qui suit la mer, jusquau château terré.
Mais le chemin est déjà tracé alors je ne peux faire à ma guise. Quel est le vil qui moblige à être assez idiot pour suivre son parcours à lui. Déjà que mon coup de crayon na pas les bonnes grâces de lart, si en plus il ne sert à rien ....
La forêt par laquelle je passe est infestée doiseaux. Je la plains mais je ny peux rien, rien faire dautre que les regarder grignoter les arbres comme du fromage. Et puis leurs feuilles tombent sans jamais se poser, il ne faut pas être un génie pour reconnaître quelle ne fait rien pour survivre. Moi jai été jusquà tuer des dragons, jusquà terrasser des montagnes, soumettre le monde. Cétait dans mon imagination mais après tout, mon Iterps est lunivers dans lequel je viens de naître.
Jentends souvent un cri, un nom quune femme hurle comme si elle essayait den briser les lettres avec la voix. Je me vois aussi grimper une succession de marches et apparaître dans un étrange endroit blanc en hauteur, surplombant un terrain vaste. Des monstres volant aux reflets grisâtres sapprochent alors de moi ainsi que dune déesse dont la robe capture lessence du souffle nous abordant. A vrai dire je ne vois pas ce que tout cela peut être, mon imagination est taquine.
Jarrive devant ces champs denfants plantés, parsemés, enfoncés dans le sol la tête la première jusquau nombril. Cest assez impressionnant. Le blé leur sortant des poches, ils se plient au gré du vent qui me fait face en me poussant à avancer. Dinnombrables paires de petites jambes se balancent au même rythme, suivant au geste près la moindre indication du chef dorchestre. Je souris à lombre qui se cache.
- Nous nous verrons plus tard, je nai pas le temps.
Chuchotement...
Le propriétaire est là. Il me fait signe de venir à sa rencontre. Son sourire laissant paraître les insectes qui laccompagnent, il fait parler ses mains qui me conseillent de ne pas les écouter. Une imitation de vague par ci, une figure à cinq doigts par là, je ne tarde pas à le suivre toujours sur le même chemin qui semble ne pas avoir de fin. Je me dis que celui qui la tracé en est mort, ou bien quil est devenu la continuité de sa création, rendant son existence immortelle. Quelle magnifique destinée.
Je lève la tête pour apprécier le ciel qui se sépare en deux. A ma gauche le soleil, à ma droite la lune. Cest par là bas que la nuit a envahi la moitié de la voûte céleste. Cest un beau spectacle mais les étoiles le gâchent en clignotant, en mappelant pour que je les rejoigne. Elles me veulent bien sûr mais quelles ne sinquiètent pas, jirai, et je serai tenté de toutes me les approprier.
Nous prenons un raccourci qui coupe à travers une coulée de boue. Je suis enseveli mais cela ne mempêche pas de continuer. Quand je ressors je suis complètement couvert par la matière. Elle essaie dalourdir mon corps et y arrive, je dois ramper pour avancer. Je me retourne pour contempler le propriétaire qui se fait emporter par la coulée. Il sourit en faisant mine de nager mais ses gestes nont aucun effet. Je suis heureux pour lui.
Débarrassé de toute cette boue, je retrouve enfin le chemin interminable. Je me pensais idiot de le suivre mais finalement il me manquait. Jaime les choses quil me dit, cest un être très drôle. Sa couleur changeante, passant du marron au jaune, puis au beige, est un régal pour les oreilles. Il fait tout ce quil peut pour me divertir pendant que je continue à avancer, cherchant à atteindre le centre même du néant.
Je passe à côté dun trou creusé dans le sol, de taille moyenne. Quand je regarde vers le fond jy aperçois un homme se tenant debout, ses pieds sont complètement enfoncés jusquaux genoux. Le visage vers moi, il me regarde et me sourit, tandis que deux autres hommes tâchent de reboucher le trou avec toute la terre quil y a autour.
- Belle journée nest-ce pas ?
Il ne répond pas. Son regard joyeux emplit mon cur de paix.
Jarrive ensuite devant un barrage. Ce sont trois femmes enveloppées détoffes. Elles dansent légèrement tout en tournoyant sur elles-mêmes. Leurs neufs bras suivent des courbes dans lair, dessinant mille symboles à la suite, je suis tenté de les accompagner. Je les contourne pour continuer mais la chevelure de lune des femmes mattrape le poignet. Je regarde celle-ci qui me dit :
- Abandonne... Laisse la Quoemuse te prendre... Car elle se Quoem de ton avis.
Je lui réponds :
- Cest gentil. Je reviens, je vais seulement faire un tour.
Ses yeux glacés me font sourire. Ses cheveux me lâchent et je reprends ma route menant au château du seigneur du bois. Japerçois maintenant ce dernier qui est installé dans un trône de foin. Je le rejoins et nous nous regardons pour nous accueillir mutuellement. Il se lève et marche, son torse se tordant de gauche à droite avec élégance, son cou basculant complètement à lopposé pour me sourire. Nous sommes le duo des marcheurs et nous avons pour chemin le monde entier. Notre destination est cette petite cabane en bois pourri devant laquelle nous venons de nous arrêter. Il me dit que cest son château et minvite à entrer. Je voudrais le remercier mais je narrive pas à parler, lémotion peut être de pouvoir apprécier une véritable structure royale.
Jentre. Lintérieur est somptueux. Des colonnes de marbre décorées dor, des milliers de bougies qui éclairent merveilleusement le hall. Le tapis recouvrant le sol fait office de moquette, sétendant sur toute la surface. On me fait signe daller là-bas, dans une salle qui abrite toute la famille. Ils sapprêtent à manger et je suis leur invité de marque. Je regarde le roi en face de moi, qui devient lun de ses servants avant de se changer en statue. Je complimente cet effort daccueil :
- Très jolie pierre de qualité.
La reine me sert du vin dans un vase de cristal, puis se blottit contre un mur, sur lequel elle se fait crucifier. Elle rit pendant que les clous senfoncent dans ses poignets. Je bois mon vin rapidement pour remplir de nouveau mon vase avec ses larmes de joie qui coulent à flot. Jaime cet endroit sur lequel les ronces règnent. Et la pluie y est goûteuse, semblable au miel.
Japerçois lombre dans un coin de la salle.
Chuchotement...
- Plus tard, tu vois bien que je mange.
La reine répond à cela :
- Non Kemeth, tu dois y aller. Laisse la Seaufuche te prendre.
- Ne mappelez pas Kemeth, car cest le nom de mon Iterps. Moi je suis le Tamoxuce.
Elle rit.
Deux loups jouent aux échecs sur le côté. Lun deux mobserve du coin de lil, quelle touchante attention.
Léchiquier me sourit avec ses grands yeux. La musique des murs est douce. Jaime cet endroit, mais mon marais me manque tout de même.
Les ronces enveloppent le roi qui se met à bailler, tandis que la reine se ronge le bras par ennuie soudain.
Chuchotement...
- Oui je viens, pas la peine de ténerver.
Je mapproche de lombre qui mattrape.
Un son aigu, continu et éloigné, vient alors se faire entendre. Un nom est de nouveau hurlé et je crois bien que cest le miens. Une femme pleure près de moi, je ne la vois pas mais je sens sa présence. Des mouvements tout autour de moi. Une personne mappuie sur la poitrine comme si elle essayait de la rompre. Des mots se perdent dans mon Iterps, mempêchant de les comprendre. Un froid pointe son nez glacé et je suis triste. Triste sans savoir pourquoi. Limpression doublier quelquun, doublier du monde, dêtre oublié ? Ces larmes qui coulent sur mon visage ne sont pas les miennes. La femme pleure toujours et elle me tient la main, elle mappelle, elle me supplie de rester comme si je partais. Je souris. Je ne pars pas, je ne fais que voyager à travers les temps.
La nuit a maintenant recouvert toute la voûte céleste.
Et lobscurité me gagne.
Je méteins...
Auteur : Kemeth
20/09/07 06h35 | 68 Desertan 3725
Je relève la tête pour contempler mon reflet. Le miroir montre une facette de moi que je ne connais pas, une expression de peur qui n'était jamais apparue auparavant.
Un bruit de porte qui s'ouvre...
- Kemeth, le concert va bientôt démarrer mon pote !!
Je me retourne et je regarde l'homme qui vient apparemment de me parler. Il continue :
- Eh mec, mais tu planes ou quoi? Fais pas le con, c'est du sérieux ce soir alors remues toi putain!
L'homme a l'air en colère. Il s'en va en claquant la porte derrière lui. J'observe de nouveau mon visage, ou du moins le visage de celui qui me rend mon regard.
Voilà ce qui ne va pas, j'ai trouvé : Je ne sais pas ce que je fais là... Je ne sais pas qui je suis... Et je dois aller à un concert dans lequel je ne sais quel groupe va jouer!
Après quelques secondes pendant lesquelles je me suis frotté les yeux vivement, j'en viens à la conclusion que si je ne sais pas qui je suis, alors d'autres doivent le savoir à ma place, d'autres comme celui qui vient de mal me parler. Et quelle meilleure façon de me retrouver que de continuer ce que j'avais prévu de faire avant la perte de ma mémoire ? Je vais aller au concert, les autres doivent bien mattendre pas loin.
Je sors et je marche un peu, lançant des coups dil un peu partout dans le but de me faire reconnaître par quelqu'un, quelquun qui emporte en ce moment même avec lui mon passé et mon présent, tout ce que je nai plus.
Je viens de remarquer que je suis habillé tout de cuir. Des tatouages couvrent mes avant bras et mon torse. Une étrange sensation mentoure. Des bourdonnements vident mon cerveau de toutes pensées. Je massois pour reprendre mon souffle, car je viens aussi de remarquer que jai du mal à respirer. Que marrive-t-il ? Des images insensées se projettent dans mon esprit : Une femme se tenant au bord dun vide, une forêt tranquille, des combats dans cette même forêt, un engin métallique sur lequel le dessin dun loup est gravé, tout un tas dexplosions qui me font reprendre pied... Je me relève.
Là bas. Un peu plus loin de là où je suis, il y a du monde. Jentends un brouhaha épouvantable qui ne cesse daugmenter. Je dois y aller, je dois retrouver ceux qui vont maider !
Je parcours quelques mètres vers une foule que japerçois maintenant. Ils sont tous rangés bien comme il faut, en file indienne, attendant de pénétrer dans une salle qui semble immense... Ma vision se fige alors et je ne vois plus quen noir et blanc. Le bruit infernal continue mais il ny a plus aucun mouvement. Moi, je peux avancer, je peux bouger.
Je marche jusquà la première file puis je pose mes yeux sur la personne qui se tient en tête. Pour je ne sais quelle raison, cest la seule personne que je vois presque en couleur. Cest une jeune femme habillée de blanc et de noir. Ses manches sont déchirées de façon intentionnelle, comme pour donner un genre, comme un style. De la peinture sétale sur son visage, particulièrement autour de ses yeux et sur ses lèvres. Mais ses joues ainsi que ses paupières ont subi un carnage de couleurs. Du jaune et du rose se mélangent, ou plutôt semblent se battre pour dominer lautre. Une lutte au résultat incertain qui ne mérite pas lattention que je lui porte.
Pourtant jaurai continué à la regarder si tout ne venait pas soudainement de se remettre en place. Le monde sest remis à bouger et je me retrouve devant toute la foule alors que je ne devrais pas y être.
- Aaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhh ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! !
Crie la jeune femme devant laquelle je me tiens.
- Excusez-moi... Je ne voulais pas vous faire p...
Mais je nai pas le temps de continuer ma phrase, et je nen ai plus lenvie en voyant son expression. Sa bouche grande ouverte dans un mouvement de stupeur, elle semble plus surprise et enthousiaste queffrayée.
- Mon dieu cest lui ! ! KEMETH ! ! ! ! ! ! ! ! !
Je commence à sourire. Voilà vraisemblablement quelquun qui me connaît. Je mapprête à lui répondre quand je constate avec horreur que tout le monde copie la réaction de la jeune femme... Des centaines de visages sont tournés vers moi et tous mappellent... Ils me tendent leurs mains comme si jallais les attraper. Ils me sourient dextase comme si je les connaissais tous... La foule sagite plus intensément que jamais et tente de venir vers moi tandis que je recule à grands pas, dans un ralenti douloureux quand je tombe en arrière. Plusieurs hommes essaient de contenir tout ce monde mais ils sont trop. Ils poussent, ils deviennent violents et je ne sais pas quoi faire, à part me retourner et courir vers la salle immense...
Jentre et je poursuis ma course jusquà ce quon mappelle dune autre manière que tous ces fous :
- Par ici ! Kem ! Putain enfin !
Cest lhomme qui est venu me voir juste après ma perte de mémoire... Je le rejoins, me demandant si je dois être content ou mal à laise de lavoir fait, et je me pose plus sérieusement la question quand il menvoie une grande claque dans le dos...
- Tas voulu nous faire peur hein mon con ? Allez prends ça et cest parti. On démarre à larrache avant quil soient tous entrés, ça va les transcender timagines même pas !
Il se met à rire et moi jai envie de lui envoyer à la figure ce quil ma remis... Je regarde alors quel est cet objet et je constate que cest une guitare... Je suis lhomme en essayant de ne plus me poser de question afin dépargner mon crâne qui est tout juste pris dassaut par un début de maux.
Nous arrivons sur une scène où plusieurs musiciens sont installés, ils règlent leurs instruments, nous sommes donc un groupe ? Je suis dans un groupe...
Je branche ma guitare comme si cétait quelque chose dhabituel. Je la tiens contre moi, prêt à titiller ses cordes. Peut-être que cela commence enfin à revenir car je sais pratiquement quoi jouer.
Le batteur lance le départ et je fais résonner les notes doucement, faisant parcourir mes doigts qui savent au final plus que moi ce quils font. Je joue en voyant que je sais jouer, le son entre dans mes oreilles et mon cur le renvoie dans tout mon corps. Je vibre plus fortement que linstrument, produisant une harmonie des plus enivrantes, des plus nécessaires, existant grâce à un savoir faire qui mest pour linstant inconnu. Je suis bouleversé, je pleure de joie et je remercie intérieurement les cries qui nous accompagnent. Ces cries nous faisant face... Ils proviennent dune foule qui, il y a à peine une minute, ma terrifié. A présent je suis devant eux et je me laisse aller. Je danse au rythme de notre musique. Je pleure au rythme de mes sentiments, le premier saccélère car ces derniers se multiplient, sentremêlent, mattristent et memplissent de bonheur...
Une image mapparaît, je saute en avant vers une femme qui en fait de même. Puis japerçois plusieurs engins métalliques qui semblent rapidement foncer sur nous... Cela me fait sursauter et jouvre les yeux.
De nouveau conscient, sur cette scène qui fait de moi le sujet des cries. Des cries dailleurs qui ne se font plus entendre, tout comme notre musique, elle sest éteinte et en guise de guitare je tiens du foin. Je me retourne vers mes camarades musiciens, je ne vois que leurs ombres immobiles. Javance et je descends de la scène pour observer de plus près mes fans...
Des fans de bois, car ce sont tous des pantins, des marionnettes sans visages et sans vie...
Je dois devenir fou... javance plus encore et je suis une allée au milieu de laquelle se trouve un marais.
- Mon Marais !
... Je ne sais pas pourquoi jai crié cela... Ce Marais me paraît vraiment familier pourtant, et je tiens toujours le foin qui en regardant bien a une forme de couronne.
Je sors de la salle immense et je continue, jusquà ce que je me retrouve vraiment dehors. Là, le ciel est partagé. Il fait moitié jour et moitié nuit...
Je voyage à travers... Je me souviens ! Je suis lêtre qui na pas dautre corps que lastre traversant les temps ! Et jai un mauvais souvenir qui maintenant me revient, mon faux départ du dernier voyage. Je métais éteint dans une fausse béatitude. La sérénité qui mhabitait nétait quune manipulation de ma naïveté...
Mon impression de nêtre en fait nulle part grandit et de nouveau, même en pensant me souvenir, je ne sais plus qui je suis...
Il se met à pleuvoir... Une eau tiède qui dépose sur ma langue un goût salé...
Un sanglot qui laisse sur mon cur un goût amer...