Divers > Il était une fois, ailleurs...

Auteur : Aurel
16/09/07 17h49 | 64 Desertan 3725

HRP : Le cadre de ce texte n'est pas Galactica. Pas de magie universellement connue et reconnue... ;)



De pesants nuages gris s'amoncelaient lentement au-dessus du lac. Une légère brise s'était levée, apportant une touche de fraicheur dans l'atmosphère. Au loin, sur l'autre rive, des lumières s'allumaient les unes après les autres. Les dernières embarcations rentraient au port, secouées par la houle forcissante.

Il reposa sa cuiller, se lécha les lèvres pour savourer une dernière fois le goût sucré de la glace qu'ils venaient de partager. Elle était en train d'écrire, un léger sourire peint sur le visage. Lui laissait son regard se perdre au coeur des vagues. Quelques inconnus les entouraient, mais aucun d'eux ne comprenait leur langue, ici ils étaient de parfaits étrangers.

Son échine fut parcourue par un léger frisson, qui ne devait rien aux caresses du vent. Il redressa la tête, troublé. Son amie continuait à écrire, sans paraitre avoir senti quoi que ce soit. Elle brulait de sa douce chaleur habituelle, éclairant ceux qui l'approchaient et faisant briller ses yeux gris d'une lueur envoutante.

Il se détendit lentement, alors que la sensation d'anormalité qui l'avait assailli disparaissait. Sa peur constante d'être vu comme ce qu'il était vraiment le rendait presque paranoïaque. Il brulait de comprendre, mais redoutait beaucoup trop ses rares semblables pour s'en remettre à eux. Même à elle, qu'il avait appris à connaitre et à aimer, et dont le feu éclipsait de beaucoup le sien, il n'osait pas se confier. Elle était comme lui... Non, elle était beaucoup plus que lui, elle qui parfois, lorsqu'elle était furieuse ou simplement désespérée, faisait paraitre le soleil affaibli par sa simple présence. Et pourtant, il lui semblait qu'elle n'avait pas conscience de ce feu qui brulait en elle, menaçant à tout instant de se révéler.

Alors, c'est pour eux deux qu'il veillait. Les cachant des sens de ceux qui pouvaient les voir. Surveillant sans cesse les alentours pour prévenir leur approche. Et là, il lui avait semblé... Mais non. Rien de perturbait plus ses perceptions.

La main de son amie courait sur le papier, peignant d'une écriture déliée des histoires qui lui semblaient si lointaines, mais s'approchaient pourtant parfois de si près de ce qu'elle pouvait vivre.

Il esquissa un sourire. Tout cela lui semblait si ironique... Il regrettait parfois que l'imaginaire ne le soit pas resté. Tout est tellement plus simple en pensée... Mais non, devant lui, tout autour de lui, il voyait ce qu'il semblait être le seul à voir. Ces arabesques de lumières, ces liens entre les choses et les êtres, ces feux qui couvaient en tout un chacun, feux menaçants parfois, effrayants toujours. Et elle... Elle qui ne se rendait pas même compte de sa rareté, de la manière hors du commun, extraordinaire, dont elle irradiait. Certains êtres rayonnaient plus que d'autres, mais elle... C'était différent.

Tout à coup, il bondit sur ses pieds, ses six sens en alerte. Elle leva les yeux et haussa un sourcil. Sans répondre à sa muette question, il lui fit signe de reprendre son oeuvre et se rassit. Sans pour autant relâcher son attention.

Cette fois, il l'avait vu. Senti avec précision. Pendant un très bref instant – le temps d'un mouvement, ou peut-être d'un éternuement – il avait perçu une énergie hors du commun, non loin d'eux, à à peine cinquante mètres, sur la rive du lac. Et puis tout avait disparu. Il s'appuya sur le dossier de sa chaise et ferma les yeux, oblitérant la vue pour mieux se concentrer sur ses autres sens. Il comprenait maintenant ce qui l'avait interpelé. Ils étaient deux, à la terrasse d'un café. Et ils ne brulaient pas. Aucun feu, pas la moindre étincelle. Mais c'était faux, c'était feint. Rien ne les traversait. Là où il aurait dû les sentir vivre, là où le feu de ce qui les entourait aurait dû les caresser, se courber, épouser les leurs en de complexes motifs, il ne percevait qu'un vide anormal, aberrant.

Il rouvrit les yeux, et croisa aussitôt ceux des deux inconnus. Il détourna le regard précipitamment. Il en était certain, ils les observaient. Ils étaient là pour eux. Ou en tout cas, pour elle, elle qui ne cachait pas ce qu'elle était, tout simplement parce qu'elle l'ignorait. Ils étaient là pour eux, et ils étaient forts. Assez forts pour tout cacher du feu qui les traversait.

Le soleil avait presque disparu derrière les lointaines montagnes, et à ses yeux – et également à ceux des deux inconnus, il en était convaincu – son amie ressemblait de plus en plus à une torche dans la pénombre, renforçant l'angoisse qui l'étreignait.

Capusta... murmura-t-il en prenant la main de son amie.

Hmm ?

Allons-y.


Elle releva les yeux de son cahier, étonnée par le ton pris par Maltshikk.

S'il-te-plait, insista-t-il, dépêche-toi.

Intriguée, elle rangea ses affaires, et tous deux s'éloignèrent d'un pas rapide.

Mal, que se passe-t-il ?

Attends un peu.


Ca y est, les autres les suivaient. Leurs auras se faisaient en chaque instant plus proches, plus menaçants. Maltshikk pressa le pas, entrainant avec lui son amie. Bientôt, ils coururent dans les étroites ruelles pavées. Mais rien à faire, les deux inconnus restaient proches, si proches...

Mal, qu'est-ce qu'il y a ???

Le jeune homme s'arrêta. Fuir ne servait à rien : le feu de son amie était bien trop visible pour pouvoir se cacher. La serrant contre lui, il lui murmura à l'oreille :

Ecoute-moi bien, Cap, parce que nous avons peu de temps. Deux hommes nous suivent. En fait, ils te suivent.

Comment ? Mais pourquoi ?

Cap, essaye de te calmer. De disparaitre. De te fondre dans le noir, de ne plus rien laisser paraitre.

Quoi ? Mal, je ne comprends rien...


La voix de la jeune fille s'était faite nerveuse, anxieuse, et son feu s'agitait, dansant dans l'obscurité, fouillant les alentours, de seconde en seconde plus facile à percevoir.

Et soudain, les autres furent là. Arrivés comme des ombres, ils leur bloquaient toute issue. Le premier était jeune, sans doute pas plus de vingt-et-un ou vingt-deux ans. Les cheveux du deuxième commençaient à grisonner sur ses tempes. Ils semblaient non pas hostiles, mais plutôt circonspects. Leurs expressions rappelaient celles de chasseurs soudain face à un animal inconnu et potentiellement dangereux.

N'approchez pas ! lança Maltshikk.

Du calme, jeune homme. Nous aimerions seulement discuter un peu avec votre amie.