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Mais où étaient donc passées les dernières années ?

Kalyso se tenait dans l’embrasure de la porte, enroulée dans le drap blanc que le maître des lieux avait déposé sur elle. La colère avait cédé la place à un émerveillement presque enfantin sur son visage tandis qu’elle explorait les mille étoiles qui illuminaient la pièce.
La toile marine du ciel nocturne, transpercée de ces nombreux éclats, se reflétait dans les yeux de l’ange qui lui, gardait le regard fixé sur la jeune femme. Un silence les unit quelques minutes avant que, sans se détourner, elle ne prenne la parole.

Existe-t-il ?

Il n’y a que vous qui puissiez vous répondre, Kalyso.

Il passa la main au dessus de l’eau, lui donnant une teinte argentée qui rendait son corps invisible à la vue de la jeune femme. Celle-ci se dirigea vers un miroir, offrant celle de son dos nu à Kadamõn. Qu’elle avait changé… Et pourtant si peu… Elle était encore une enfant, mais les rides d’inquiétudes avaient marqué son front en quelques endroits. Ses yeux gris avaient été ravagés par des larmes secrètes dont les brèves heures d’un sommeil torturé n’avaient su effacer le passage. A côté de cela, elle restait la même. Petite, pâle, les traits réguliers, d’une beauté formelle, emprunte de banalité mais quelque part déviée par l’inébranlable volonté qui l’habitait.

Elle se détourna, se promettant de ne plus jamais croiser ce regard qui la plongeait dans une rage bouillante, et marcha doucement vers son hôte. Le drap soyeux glissa sur sa peau et tomba à ses pieds, la dévoilant entièrement, quelques secondes à peine. Puis elle rejoignit l’ange dans l’eau chaude, dont l’agréable contact l’éloigna un temps indéfini de ce lieu, la promenant parmi de proches souvenirs, pourtant si inaccessibles.

Faut il que tout soit enchanté chez vous, créatures divines, pour que mon esprit se perde en douloureux mais attachants vagabondages chaque fois qu’il faut que mon chemin croise celui de l’un d’entre vous.

Que craignez vous ?

Je ne crains rien. Je cherche à retrouver une sensibilité qui s’est envolée avec l’un des vôtres.

Racontez moi.

Elle eut un rire nerveux et joua quelques secondes avec ses cheveux trempés avant d’entreprendre un court récit.

Rien. Il n’y a rien à dire. Nous étions jeunes, idéalistes, amoureux, et surtout crédules. Nous sommes arrivés sur Galactica un jour où le soleil dardait au travers d’épais nuages et nous sommes regardés, comme si enfin la chance nous éclairait par ses rayons. Comme nous avions tort… Nous avions perdu un fils, mais notre force nous promettait son retour prochain. Il faut croire que j’étais trop faible, car il me fut pris, lui aussi...
Je ne pleure plus depuis longtemps mon doux Solar. Il vit ailleurs l’heureuse existence qui vous est accordée, à vous créatures naïves d’un maître incertain. Mais je cherche l’homme qui me le prit. Je veux connaître l’instrument de ma malédiction. Je n’en puis plus de souffrir le doute qui me ronge nuit et jour sans en savoir l’origine. Alors j’erre, sans cesse, allant et venant. Veuve malheureuse, cherchant un enfant disparu… La seule piste encore inexplorée est celle que m’offre ce nom. Omkada. Je ne puis vous dire où je l’ai entendu, ni même ce qui me donne à croire qu’il m’ouvrira une porte. Mais j’y crois. Je pensais que vous pourriez m’en apprendre d’avantage. Si vous ne le pouvez, alors je partirai dès l’aube, vous offrant en gage d’excuse une promesse de présence dans n’importe quelle situation où vous aurez besoin de moi. Si en revanche vous avez une information, même minime, une de ces onces d’espoir qui font que mon cœur ne s’est arrêté de battre, alors je vous conjure, à genoux s’il le faut, de me l’offrir. Et en remerciement je vous ferai don de ce qu’il vous plaira d’obtenir de ma personne.

Le ton de la jeune femme avait perdu son calme habituel, ses mots s’étaient accélérés. Elle regardait à présent l’Ange, ne luttant presque plus pour dissimuler le désespoir qui noyait ses iris. Et ses lèvres s’agitaient imperceptiblement en une muette prière.