Divers > Révolution & Oppression
Auteur : Vassili Nicolaevitch
15/12/07 20h18 | 4 Aquan 3726
Le Baron Vassili ajusta les lentilles de ses jumelles pour obtenir une image nette du village en contrebat. Il balaya du regard les petites maisons, la place, où quelques feux réchauffaient les sentinelles, léglise brûlée, et la petite tour de la mairie, ornée à présent dun drapeau. Rouge. Le regard dacier du Baron se fit plus dur, et ses lèvres minces et pâles sétirèrent en un sourire glacé. Jouant encore avec la molette de ses jumelles, il zooma jusquà pouvoir détailler les visages grossiers, barbus et paysans, des sentinelles. La plupart somnolaient.
« Paysans stupides » pensa til, rassuré de voir quil navait en face de lui que des marauds sans expériences militaires, et non des soldats du Mouvement Libertaire Fraternel Unis des Travailleurs, ou encore des Milices Unies Socialistes du Soviet Central. Ce soir, la partie serait simple à jouer.
Puis, il laissa son regard balayer à nouveau le village, observant les multiples détails qui montraient la lutte qui sy était déroulé : murs noircis, impacts de balles, gibet auquel pendaient trois corps
Crétin de Kszar, pensale baron, en repensant à lhumiliante abdication du souverain le mois dernier, qui avait jeté le pays dans le chaos et la guerre civile. Rejetant ses jumelles, Vassili se redressa de toute sa haute stature, et inspecta un instant sa tenue. Même à la guerre, un noble se doit de rester présentable, particulièrement quand il combat des gens de rien. Il ajusta ses bottes vernis, puis écarta son long manteau gris, révélant sa tunique duniforme impérial gris-bleu, ornée des dorures et décorations indiquant outre son rang nobiliaire, sa charge de Général dans les armées du Kszar. Lissant un instant sa moustache châtain clair taillée à la mode de Novgorod, le jeune baron laissant son regard courir sur ses troupes, massées à lorée dun bois. Puis, il fit un signe discret de la main.
« Baron, à vos ordres ». Fyodor, le premier lieutenant vint se placer respectueusement un pas derrière son maître, au garde-à-vous, en attente des ordres. Le baron désigna le village de la main.
« Fyodor, faites savoir aux hommes que nous allons investir ce village occupé par les forces Révolutionnaires, et en chasser à jamais les éléments subversifs. » Le baron marqua une pause, et rajouta, un sourire mauvais au visage « et assurez leur quils trouveront ici nourriture, alcool, argent, femmes et repos, offerts par la population ! »
Le lieutenant eut un sourire, et alla donner le mot aux hommes. Ceux-ci se rassemblèrent alors, en ordre de bataille. Le Baron ferma un instant les yeux, sadressant au Dieu que les rouges voulaient oublier, et murmura la traditionnelle prière.
« Roi céleste, Consolateur, esprit de Vérité
Toi qui es partout présent et qui remplis tout,
Trésor des biens, et donateur de Vie,
Viens, et fais ta demeure en nous,
Purifie nous de toute souillure,
Et sauve nos âmes, Toi qui es bonté. »
Puis, abaissant sa main, il donna le signal de la charge.
Auteur : Anastasie Mikhailovna
15/12/07 21h04 | 4 Aquan 3726
Laube blanchissait la neige pourpre qui sétalait aux pieds dAnastasie. Elle se tenait debout, une main sur son flanc blessé, une autre portant vaillamment le lourd colt que son père lui avait offert avant de mourir quelques mois plus tôt. Beau cliché. La peau dours polaire crémeuse qui avait pris une teinte rubis, ses dures mains de soldat royal caressant les joues trempées de son enfant, se promenant dans ses cheveux dor pour calmer ses tremblements, lenlaçant une dernière fois en jurant que ce nétait quun au revoir. Puis les rafales incessantes, et les tableaux brisés sur le sol, et la porcelaine de sa mère jetée en éclats rageurs dans ses yeux. Sa longue robe rouge déchirée. Beau cliché. Vécu par cent familles nobles peut être trop proches du Ksar pour avoir le droit dexister.
Une balle siffla à son oreille, faisant voler les mèches blondes que laissait fuir son foulard de soie. Elle tira en retour avant de chanceler, laissant un juron séchapper de ses lèvres pâlies par le froid. La chaleur dans sa main droite lui indiqua que le sang avait traversé son gant de cuir. Si elle ne trouvait un endroit où se remettre, la mort ne tarderait à la happer. Comme ses pauvres parents. Comme ses pauvres frères. Sil y avait un Dieu, elle se serait mise à prier. Mais les récents évènements navaient fait que confirmer les bases de son éducation. Ils étaient seuls, animaux enragés se déchirant les uns les autres.
Amen.
Combien avaient comme elle survécu au massacre ? Combien ne sétaient gonflés didéaux à la con présageant une marche vers lhécatombe ? Tout avait été si rapide. Les rafles, la propagande, les prises de position, la censure, ce silence gêné qui parlait tant. Les blancs, les rouges, quelques anarchistes mieux rangés que tout le reste, explosant de ci de là. La famine, le peuple désillusionné à qui on avait promis du pain, les palais de cristal se faisant nitescences dans la nuit noire.
Anastasie avait trouvé sa place parmi les hommes du peuple. Elle sétait rangée à leur côté, comme son père Mikhaïl Alexandroff Pavlov avant elle. Revenir au point de départ ou changer les choses, le choix navait été difficile. Lassumer létait davantage. Figure féminine tremblotante, aux contours seffaçant dans les promesses dun jour nouveau.
La bataille faisait rage depuis le crépuscule. Les flammes avaient éclairé toute la nuit durant un morne paysage trop longtemps laissé dans lobscurité. Le village qui les abritait avait souffert. Il avait sûrement vu passer depuis labdication des centaines de faces. Sur ses murs criblés de balles avait giclé tellement de sang
Et ce nétait pas près dêtre terminé. Les toits des dernières chaumières étaient la proie de mains armés de flambeau. Un grand feu de joie, célébré par les cris des femmes et des enfants. Le drapeau rouge avait été remplacé par un tissu dun blanc immaculé, qui paraissait pourtant sale à la jeune fille. Elle aurait craché dessus. Les pleurs dun garçonnet furent tus par une explosion. Un cheval hennit.
Et tout devint noir. Et froid.
Auteur : Vassili Nicolaevitch
15/12/07 21h49 | 4 Aquan 3726
La bataille venait de sachever, tandis quun morne soleil austral, blafard, venait faire jouer ses pâles rayons sur le visage du Baron. Clignant des yeux, il chassa une mèche de cheveux de son front, et essuya son sabre sur le dernier des paysans agonisant à ses pieds. Bien malgré lui, Vassili du reconnaître que ces gueux navaient pas démérités. Se redressant tout en rengainant son arme, il laissa courir son regard sur ce qui avait été autrefois un paisible et propret village de Transdinyésie, à présent amas de ruines jonchés de corps aux poses grotesques, silencieux témoignage de labsurdité des hommes.
Autrefois, cette région prospérait sous ladministration de feu le Baron, son père. Vassili nétait pas sans savoir que le régime autocratique du Kszar avait poussé un peuple écrasé dimpôt et privé de liberté à la révolte. Pourtant, jamais son père navait atteint les degrés datrocité que dautres nobles avaient exploré. Le petit peuple de la province de Transdinyésie navait jamais eut à se plaindre de la famille du Baron. Puis, le Kszar avait abdiqué, et des mouvements subversifs étaient entrés sur ses terres. Pour la plupart, les paysans locaux sétaient tenus à lécart des troubles, tout comme la famille du baron. Les premières atrocités étaient le fait de bandes de révolutionnaires nétant même pas nés ici. Et la guerre civile sétaient étendue à la province, poussant des paysans pas mécontent de leur sort à se dresser contre un baron quils aimaient, par crainte des milices rouges.
« Chienlit » marmonna Vassili entre ses dents, essayant de chasser ces pensées, avant quelle ne ramène les tristes souvenirs de la fin de son père. Il se tourna vers un garçon de troupe, presque un enfant, qui leva son cor et sonna le rassemblement. Rapidement, la troupe se rassembla sur la place, tenant en joue une vingtaine de prisonniers hagards, et à peu près autant de civils désarmés. Fyodor, le lieutenant, son visage à moitié masqué par une bande, se rapprocha du baron et lui fit son rapport.
« Baron, nous avons eut trente morts, et à peu près autant de blessés. »
« Quel est leur état ? »
« Tous sen tireront, à part le jeune Dimitri. » Le lieutenant baissa la tête.
Le baron pâlit, et séloigna dans un claquement de cape vers la grange où les blessés recevaient les soins. Comme toujours, il fronça les narines à lodeur du sang, de la merde, de la peur, et essaya en vain de fermer ses oreilles aux cris de douleurs. Si ces sensations étaient grisantes dans lardeur du combat, elles devenaient avilissantes quand on reconnaissait parmi les moribonds ceux avec qui ont avait rompu le pain, ou partagé des chants.
Vassili marcha vers le pope, penché sur celui quil savait être Dimitri. Dimitri. Un brave valet dune quinzaine dannée, qui avait défendu feu son père lors de la mise à sac du palais, qui avait couvert le corps de sa mère après que les soudards des milices laient souillée, et qui gisait, à présent, un trou béant au côté, essayant en vain de respirer. Quand il reconnut son baron il marmonna un salut qui se perdit dans un flot de sang, en essayant de se redresser sans y parvenir. Le baron, forçant son visage à sourire, se pencha sur le jeune homme, qui lui murmura doucement.
« Pardon, messire baron, de quitter si tôt votre service
»
« Tu nas pas démérité, Dimitri Mikailevitch »
Le garçon eut un sourire qui broya le cur du baron, puis un hoquet, un long râle pitoyable, avant de senfoncer dans la nuit. Avec un soupir, Vassili ferma les yeux du jeune garçon, et ressortit. De retour sur la place, il darda un regard glacial et haineux sur les prisonniers. Faisant signe à son lieutenant, il marmonna à son adresse.
« Exécutez les mâles, sans limites dâges, prenez les objets de valeurs et les vivres, puis passez le village par le feu. Je veux être de retour au camp avant midi. »
« Et les femmes, seigneur baron ? »
« Les femmes ? Emmenez-les au camp. Je déciderai de leur sort tout à lheure. »
Auteur : Anastasie Mikhailovna
15/12/07 22h53 | 4 Aquan 3726
Nouvre pas les yeux
Elle ne bougea pas, essayant de comprendre où elle était. Il faisait froid, mais pas ce froid sec de lextérieur, qui ronge la peau, gèle les yeux, brise les articulations. La neige navait pas trempé ses vêtements. La jeune femme tenta de bouger. Une pointe de métal senfonça dans sa chair, et elle ne pu retenir un gémissement. Elle était allongée sur un sol dur. Un tissu bandait ses côtes. Il lui sembla que cétait la seule chose qui lempêchait de tomber en pièces. Elle ne portait ni son manteau, ni son uniforme. Ses jambes nues lui brûlaient au dessus du genoux, comme si quelquun venait de ly pincer.
Merde, ils sont pas aussi résistants que prévu
On garde la crème, Alexis. La crème.
Une des voix nétait pas inconnue à Anastasie. Elle ne réussi pourtant à mettre un visage dessus, et se contenta de suivre lordre que lui avait glissé son subconscient.
Un élusif courant dair souleva ses cheveux. Le foulard lui avait été retiré aussi. Elle ne sentait pas le reste de son corps. Où pouvait elle bien être ?
Un gémissement non loin delle la fit sursauter, et elle ne pu sempêcher douvrir un il. Et ce quelle vit la paralysa deffroi.
Elles étaient une vingtaine, femmes, enfants, entassées à même le sol dans ce qui semblait être une cave sans plafond. Les murs nus étaient du même gris que le sol de béton. Rassemblés dans un coin, quelques frêles corps pleuraient, dans lattente dun quelconque salut. Parfois, lamas de bras, de jambes, de chair, de cheveux et de sang, était nourri de quelques autres, qui volaient dans le vide, et atterrissaient mollement. Cétait comme un champs, où dansaient la vie et la mort, jouant silencieusement les âmes qui glissaient dun côté ou de lautre de la fragile frontière. Des enfants dormaient, respirant doucement, la tête enfouie dans la poitrine de cadavres. Que se passerait il si lun venait à se réveiller ?
Cette question trouva réponse avec le cri dune femme. Elle se mit à hu rler, appelant dune voix brisée sa petite Sofia. Et ses ongles cassés se mirent à déchirer les corps sur elle, sous elle, en quête de lange perdu.
De leur poste, les gardiens rirent sans retenue, puis lun deux alla chercher la malheureuse, quil emmena près des autres avant de lui tendre une couverture, et un bol fumant.
Ils ne vont pas tarder à venir vous chercher. Ce sera plus confortable quici..
Anastasie se risqua à regarder autour delle. Pourquoi nétait elle sur le tas ?
Elle gisait en réalité dans un coin semi circulaire de la pièce, à lécart du reste du groupe. A ses côtés, il ny avait ni femme ni enfant, mais des hommes blessés, quelle reconnut comme ses camarades. Ils avaient eu le privilège dêtre soignés.
Ana ! Anouchka tu es en vie !
La voix dans sa tête lui commanda de ne pas bouger. De faire comme si de rien nétait. Comme si Ana était ailleurs. Une fantasmagorie de lesprit du blessé.
Elle le connaissait. Il sagissait dAndreï. Depuis trois semaines, ils étaient inséparables. Dans un autre contexte, sûrement seraient ils devenus amants. Là ils nétaient que frères. De sang, de combat, didées.
Pour un monde meilleur ! Cest ce quils disaient, trinquant en regardant le soleil se coucher. Cétait avant que le signal ne soit lancé. Avant que les troupes blanches meurtrières ne se ruent sur le village. Avant quils soient honteusement battus.
Avant que ce môme ne la touche, et quelle ne le tue.
Ne bouge pas
Essaye de comprendre
Essaye de trouver une solution
Déjà trois hommes emmenaient Andreï, qui tendait ses bras avec espoir vers la jeune fille, et se noyait dans la détresse, et la peur. Il savait ce quon faisait aux révolutionnaires. Surtout quand ils tombaient dans ces petits groupes à moitié officiels. Elle retint des larmes de colère et de crainte, se promettant darracher leur virilité à ces hommes.
La gamine près des chefs, celle quon a ramassée avec un colt. Elle a bougé.
Auteur : Vassili Nicolaevitch
15/12/07 23h23 | 4 Aquan 3726
Le retour de la campagne avait été difficile pour la troupe chargé de prisonniers, sous la rude bise de ce mois de novembre. Ils avaient encore du livrer deux batailles contre les rebelles, mais ils étaient rentrés à Krasnodar, où larmée avait pu prendre ses quartiers dhiver. Même si toute la province navait pas été pacifiée, une bonne part de celle-ci avait été purgé des Bolchéviks, Anarchistes et autres racailles qui la gangrénaient, et, de toute façon, lhiver de Transdinyésie se prêtait mal aux opérations militaires.
Son palais ayant été brûlé par les rebelles, Vassili résidait à présent au vieux château, une ancienne bâtisse toute militaire un peu à lécart de la ville. Cest entre ses murs épais que reposait également sa garde délite, et que les prisonniers étaient gardés. Vassili acheva son repas, et embrassa du regard ses appartements. Arrangés avec soin, ils étaient devenus agréables, le cristal et les tentures masquant habilement les épais murs gris de bétons. Le baron mangeait seul. En véritable aristocrate, il refusait de partager ses repas avec des gens qui ne soient pas de son rang, à lexception bien sûr des repas pris en campagne. Du fait des troubles, nombre nobles avaient été exécutés par les révolutionnaires, et la cour du baron manquait singulièrement de compagnie.
Un serviteur en livrée vient enlever le couvert, et le baron ouvrit son livre, un torchon gauchiste intitulé « Vers une société égalitaire ». Il samusa à lire les commentaires sur le besoin dune dictature du prolétariat, et sur une foule dautres sujets. Visiblement, lauteur avait peine à ânonner trois mots daffilés, et se piquait dêtre un grand auteur politique. Le baron acheva son verre de vin, puis, écuré par sa lecture, il reposa le livre, se leva, et se dirigea vers la caserne.
Si la plupart des soldats étaient de solides soudards envoyés par les responsables du comité contre-révolutionnaires, certains étaient de braves garçons du pays, et le baron avait plaisir à parler avec eux des temps de paix désormais révolus. Alors quil descendait vers la caserne, une petite dizaine de fidèles lencadrèrent : on ne pouvait entièrement être sûr de ses propres soldats en ses temps de guerre civile. Au détour dun couloir des rires et des râles étouffés attirèrent son attention. Etonné, il regarda autour de lui, et remarqua une porte entrouverte menant vers les quartiers dune de ses escouades, doù séchappaient quelques exclamations paillardes. Entre deux grognements et quelques cris déchirants, le baron compris que quelques soudards faisaient subir les derniers outrages à une prisonnière. Ces garçons y mettaient, pour autant quil puisse en juger, une énergie, une application et une imagination louable. Le baron sapprêtait à passer son chemin et à laisser les jeunes samuser quand, haussant un sourcil, il se dirigea vers la porte, en faisant signe à Fyodor de sapprocher.
« Lieutenant, dites-moi, avons-nous distribués les prisonnières à la troupe ? »
« Je ne crois pas, seigneur baron
»
« Allons expliquer alors à ces garçons le concept de lobéissance, et de lordre de grade pour les filles ».
Le baron poussa la porte, mécontent.
Auteur : Anastasie Mikhailovna
16/12/07 00h03 | 4 Aquan 3726
Une nouvelle fois, Anastasie se jeta contre le mur de sa prison.
Arrête ça gamine. Tes efforts sont vains. Tes trente kilos ne viendront pas à bout de la pièce.
Venir à bout de ce grotesque décor ? Si seulement cétait son but
Ses efforts nétaient vains. Elle voulait juste se briser, rejeter des pores de sa peau le dégoût que lui inspirait son corps. Nouvelle course, craquement sec. Elle seffondra et se mit à vomir, secouée de sanglots.
Trois heures. Elle avait passée trois heures où elle avait subi mille sévices, où elle avait été souillée, brisée, laissée à létat demballage vide et déchiré. Trois heures qui marquaient le clivage entre avant, et après. Il ny avait plus de rêve dans ses yeux, plus de joie sur ses lèvres, plus de désir dans ses frissons. Juste une haine incommensurable, pour eux tous, pour elle-même.
Elle était pure. Cétait une vierge. Elle était destinée à un homme de bien, un bon parti, intelligent et sage. Elle avait échangé cent billets avec lui, se promettant corps et âme à sa bonté. Puis on lui avait annoncé son départ, peu après labdication. Dans une missive ultime, où il lui promettait de venir la chercher, elle avait lu lavenir.
Cet avenir venait dêtre arraché en trois maudites heures durant lesquelles elle navait été quun répugnant objet sans volonté.
Elle les tuerait tous.
Gamine !
Elle ne leva pas la tête vers son geôlier, et attendit quil termina sa phrase sans bouger, gardant une main sur son épaule blessée.
Le seigneur tattend. Je sais pas pourquoi, mais il veut te voir. Sois respectueuse, si tu veux vraiment avoir une chance de vivre.
Et on vint la chercher, on lemmena sans quelle ne se débatte. On lui fit traverser une cour de dalles glacées, qui avait dû être agréable, en un temps lointain. On la fit passer sous les pieds noircis dAndreï, pendu et portant en héros sa punition. Stupide héroïsme qui les enterrerait tous. Et elle fut nettoyée, et habillée, et poussée devant un miroir quon la força à regarder.
Sa toilette la ramena loin en arrière, où ses préoccupations étaient de futiles conversations avec ses amies, et ses rêves de longues errances vers un futur certain. Elle blanche, de froid, de fatigue, de dégoût. Ses yeux bleu étaient soulignés de cernes presque noires. Ses cheveux, retenus en un chignon, la faisaient penser à des fleurs flétries. En trois heures, elle était devenue la catin du démon. Idiot déguisement, qui ne donnait pas même lillusion que le cauchemar était chimérique.
Et elle fut traînée, enveloppe charnelle qui ne pensait quà être éteinte, vers son nouveau bourreau.
Il était grand, et fort, et sur de lui. Dans ses yeux se mêlaient mépris et confiance.
Son parti et ses idées sortiraient vainqueurs de cette bataille.
Dun mouvement du poignet, il fit sortir ses hommes.
Ordure. Fasciste. Monstre !
La voix de la jeune fille était montée crescendo. Elle lui cracha au visage, et voulut le frapper. Lui, retint sa main et regarda la douleur se peindre dans ses yeux.
Nobliaux prétentieux. Jai plus de sang bleu dans un orteil que ce qui peut sêtre par mégarde étalé dans ta famille entière. Enfant de putain, charognard, démon inconscient, instrument stupide ! Où est ton Dieu, où sont les valeurs que tu prônes ? Menteur ! fourbe ! frustré ! Je te tuerai !
Il saisit son autre bras qui fendait lair, et serra ses poignets jusquà ce quelle seffondre en larmes, le suppliant de la relâcher. Et avec un sourire, il entreprit de lobserver.