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Auteur : Le Chapelier Fou
14/05/06 20h42 | 24 Volcan 3724

Kalyso :
Pieds nus, les cheveux trempés, une fine robe de coton, et le collier de l’Hérétique autour du cou, c’est ainsi que Kalyso quitta le palais du Shadowsong. Se faufilant discrètement par la petite fenêtre de la salle de bain de la chambre qui lui avait été assignée, la jeune femme était partie. Elle courait à présent entre les branches des arbres du parc. Elle devait faire vite : sa petite escapade devait passer inaperçu.

Quelques semaines plus tôt, Le Chapelier Fou lui avait donné rendez vous. C’était son dernier souvenir concret. Cet homme lui inspirait la crainte, mais il avait un certain pouvoir, et son rôle dans cette « guerre » pouvait être important pour la situation finale.

Autour de la jeune femme, les ombres s’allongeaient de plus en plus.
C’est le centre d’une clairière qu’elle choisit pour s’arrêter, quelque peu essoufflée.
Elle s’assit sur le sol, à genoux, et traça du bout du doigt des runes que lui avait apprises son maître Oldwë une année auparavant. L’invocation d’un démon conscient était aisée, s’il apportait son aide, encore plus.

Au bout de quelques secondes à peine, elle fut encerclée d’une ombre noire sur le sol.
Une main sortit de celui-ci et s’accrocha à sa jambe.


Le Chapelier Fou :
La main sortie du trou d'ombre n'était autre que celle du Chapelier Fou. Aussitôt, son homologue la rejoint en s'accrochant à l'autre jambe de Kalyso. Cette dernière ne frémit pas un instant, elle s'était attendue à une arrivée de ce style... Peu après, le Chapelier était entièrement sorti du sol, le trou d'ombre s'était refermé, et dit, en guise de salutations : " Bouh ! ". Il partit aussitôt d'un grand éclat de rire enfantin. Il se ressaisit néanmoins en se rendant compte que sa farce n'avait pas été des plus appréciées : Kalyso n'avait même pas réagi. Alors, reprenant son tact ordinaire, le Chapelier posa un genou au sol - soulevant cette fois-ci l'intrigue de la jeune femme - et saisit sa main au creux des siennes. Il y déposa un baiser, salut respectueux, pour rattraper son échec humoristique. C'est ce moment que choisit le sceau estompé du Shadowsong, aposé sur le bras de Kalyso, pour réagir à la magie émanant du Chapelier Fou. Kalyso s'écarta vivement, hurlant alors :

" - Fourbe ! Comment osez vous user de votre magie sur moi ?!
- Rassurez vous, jeune sauvageonne, nous n'oserions jamais faire usage de nos dons sur une personne de votre..., il regarda la tenue débraillée de sa compagne, perplexe,... classe. "

Il s'approcha alors, et Kalysa se laissa faire, à nouveau confiante. Il l'envellopa dans sa cape noire quelques instants... Lorsque le voile sombre fut retiré, Kalyso avait été transformée des pieds à la tête. Sa chevelure ondulée était maintenant soigneusement coiffée, retombant en cascade sur ses grâcieuses épaules, et mainteue par un diadème noir pailleté d'argent. Elle portait deux boucles d'oreilles de la même matière, elles aussi noires refletant l'argent. Aucune trace de maquillage n'avait en revanche souillé ce si magnifique visage... Autour de son cou pendait un second collier, fait d'une fine chaînette d'argent, et ornée du symbole du Chapelier Fou : deux triangles croisés emprisonnant un cercle. Elle portait une robe noire - dos nu - lui recouvrant le corps jusqu'aux genoux, et maintenue par deux ficelles attachées grâce à un noeud derrière sa nuque. Ses pieds étaient maintenant enserrés dans une paire de chaussures à talons, noires elles aussi. Le Chapelier Fou sourit :

" - Maintenant, vous êtes présentable.
- ...
- Allons-y, ajouta-t'il, perdant son sourire par la même occasion. "

Alors le trou d'ombre se reforma autour des deux personnes. L'être d'essence démoniaque demanda une dernière fois à sa compagne si elle était prête pour le voyage au travers du Voile, celle-ci acquisa de la tête. Ils s'enfoncèrent tous deux dans la pénombre du trou, qui se referma aussitôt après qu'ils y soient entièrement passés.

Kalyso avait fermé les yeux, de peur de se retrouver dans un monde effroyable... Elle sentait le contact de la main de son guide dans la sienne, il ne la lâcherait pas. Elle sentit son corps se déformer, se rétracter, puis gonfler, avant de revenir à la normale... Elle entreprit alors d'ouvrir les yeux, et elle fut éblouie par le spectacle qui s'offrait à ses yeux. Elle se trouvait dans un endroit coloré, très coloré... A vrai dire, ce qu'elle voyait comme les parois d'une pièce close n'était qu'un ramassis de couleurs sans réelle organisation qui se mouvaient dans toutes les directions, se mélangant, se séparant dans un chaos indescriptible. Elle entreprit de regarder au sol, et poussa un petit cri en se rendant compte qu'elle flottait... Ils avançaient, et elle se demandait pourquoi les parois semblaient se déplacer avec eux. Le Chapelier Fou prit alors la parole, pour lui expliquer un peu la situation.


" Nous voici dans ce que nous autres, gens de l'Anagura, appelons le Cellier. C'est la partie la plus proche du Voile de notre monde, et c'est elle qui mène aux différentes partie de ce plan. Regardez ces trous noirs, là-bas, il pointait du doigt un cercle noir, cerné par un anneau d'or décoré par quelques motifs runiques inconnus de Kalyso, il s'agit d'un de ces fameux portails. Nous allons l'emprunter pour nous retrouver en Anagura... Nous vous prions aussi de faire attention à ne pas nous lâcher, car vous perdre ici serait aisé, mais vous retrouver le serait moins, ce lieu est infini, et vous aurez beau vous démener et vous déplacer autant que vous le voudrez, vous ne feriez que tourner en rond. Suivez nous, s'il vous plaît. "

Ils parcourirent alors la distance - très courte en réalité - les séparant du portail, portail qu'ils traversèrent main dans la main. Le Chapelier Fou avait du mal à faire attention à Kalyso, car il connaissait et voyait parfaitement tous les pièges de ce monde, alors qu'elle ne pouvait les appercevoir, si il lui venait à l'esprit de n'en faire qu'à sa tête, elle serait certainement perdue.

A l'autre boût du tunnel, le paysage avait considérablement changé... Ils se retrouvaient sur une route grise, qui parraissait sans fin, et qui serpentait, se retournait sur elle même, ondulant, formant des cercles, se divisant parfois. Elle flottait elle aussi en l'air, et le paysage n'était fait que de ce qui pouvait apparaître à Kalyso comme de l'eau noire où se trouvaient des milliers de personnes, des damnés tentant de percer le voile qui les séparaient de la vie, et qui devraient endurer une peine éternelle. Ces êtres semblaient crier, mais aucun son n'apparaissaient à ses oreilles, à dire vrai, l'endroit était empli d'un silence glacial. Les visages des êtres se déformaient, leurs bouches s'allongaient, se rétractaient, leurs yeux rentraient dans leurs orbites, puis en sortaient, de même pour leur sang, leur ossature, et tout leur être, là était leur peine, subir la souffrance éternelle sans espoir de rédemption en contemplant une route vide et morne, enviant et hurlant de rage après les rares personnes qui y passaient.

Le Chapelier Fou, lui, ne prêtait aucunement attention au spectacle qui s'offrait à leurs yeux, il le connaissait déjà par coeur, et finissait par ne plus le remarquer. Il avait repéré leur destination, au loin. Il s'agissait d'un château, plus précisément d'une forteresse.

Ils se mirent alors en route, sans un mot, mais Kalyso, regardant la route, la jugeant sûre, préfèra lâcher la main de son partenaire. Il insista, mais elle refusa de l'écouter, alors il lui demanda de le suivre pas à pas, sans prendre la peine de lui expliquer pourquoi. Elle ne l'écouta pas, et au boût de ce qui parurent cinq minutes de marche, elle poussa un cri, tombant dans la route. Le Chapelier plongea à sa poursuite, la rattrapa par les mains et la hissa jusque sur la route, elle avait traversé l'un des nombreux pièges de ce monde, sa condition humaine ne lui permettait pas de les voir. Le Chapelier sourit, et dit :


" Vous comprenez maintenant pourquoi nous tenons à ce que vous preniez notre main ? "

Et ils repartirent en direction de la lugubre forteresse...


Kalyso :
La tête lui tournait. Elle était dans un rêve.
Si elle le souhaitait, elle pourrait s'envoler.
Elle le sentait.
Elle se sentait bien.
Au chaud.
En sécurité.

Les deux compagnons marchaient en silence depuis un moment déjà, le bruit de leur pas sur le sol dur et le vent soufflant d'une manière violente, entraînant dans sa danse vêtements et cheveux étaient les seul coupables de l'absence d'un calme parfait.
La voix calme de Kalyso coupa le chant du vent.

Excusez moi de vous importuner, Chapelier, mais j'aimerai en apprendre d'avantage au sujet de cet endroit. Si j'ai bien compris, nous sommes de l'autre côté du voile, celui qui effraye tant le monde.
Dans mes études, mes recherches à ce sujet - et Dieu sait que j'en ai fait - j'ai lu qu'il n'y avait pire endroit au monde pour un être de notre univers ( le mien, non le votre ). Pourquoi ne ressens je aucun malaise? Pourquoi ai je l'impression de connaître cet endroit? Pourquoi n'ai je pas peur?


Un sourire étira les lèvres de l'homme qui répondit après une courte réflexion.

Il semblerait, chère Kalyso, que nous ne soyons vous et nous pas tant éloignés que ça.

Que voulez vous dire?

Nous voulons dire que vous n'êtes pas d'une pureté parfaite - j'entends par parfaite la pureté de l'être habitant votre monde. Car entrer en celui ci représente être souillé dans l'autre. Vous êtes déjà venue ici, oui. Les souvenirs vous reviendront vite....

Pour venir ici, il faut qu'un Démon m'ait emmenée. Celui qui habite Warren ne m'a emmenée nulle part, il m'a juste... - elle porta une main à son coeur - L'autre solution est de mou...


Voyant l'air amusé du Chapelier, elle leva cette même main jusqu'à son visage. Des images lui revenaient au fur et à mesure que leurs pas les portaient.

Mourir. Oui, elle était morte. Mais une seconde chance lui avait été offerte, un corps de remplacement, une ombre, lui avait été cédé.
Don du ciel? Magie d'une lueur? Coup du destin? Elle n'avait jamais cherché à le savoir.

Vous vous souvenez maintenant, n'est ce pas? Je le vois à la crainte sauvage qui effarouche votre regard, jeune fille. Je le sens à la crispation de vos doigts dans les miens.
C'était il y a un an maintenant, n'est ce pas? Nous étions là...

Vous...?


Nous étions là, oui, tapi dans l'ombre, nous abreuvant d'un rien. Et vous nous êtes apparue. Lorsque votre vie vous fut ôtée, par cette même main qui couvre la mienne si je ne m'abuse, c'est ici que votre âme perdue fut transportée. Ici que le jugement dernier fut prononcé. D'ici que vous fûtes renvoyée à ce substitut charnel qu'était votre ombre - cette ombre qui est restée couvrir l'absence qui sera plus longue que vos espoirs d'ailleurs. Oui, nous nous rappelons, nous aussi, le froid de vos lèvres, la pâleur de votre peau, la brillance de votre âme...
Le peu de temps passé ici, parmi nous, fut suffisant à marquer votre esprit et notre monde. Un être, surtout. Celui qui voit tout.

Kalyso était toujours troublée, mais ayant acquis un contrôle de son esprit, elle se contenta de baisser son visage d'un air las, et reprendre d'une voix étouffée.

Celui qui voit tout...

Le maître de cette forteresse.

Je vois...

Non, pas encore. Mais laissez nous vous guider. Contentez vous de fermer les yeux et de vous laisser guider par notre main.


C'est ce qu'elle fit. Très vite, la jeune femme sentit ses pieds quitter le sol. Une chaleur l'entoura. Elle ouvrit les yeux et se découvrit sur une place ronde. Seule. Face à elle, trônait une fontaine. Du chapelier fou, plus aucune présence physique.
Mais il guettait quelque part, tel un ange gardien. Que cherchait il à lui montrer? Elle ne le savait pas. Un sentiment de bienséance l'envahit de nouveau. Elle s'avança, alors, jusqu'à ce que ses jambes rencontrent la pierre froide de la fontaine. D'un geste délicat, elle retira un gant, et se pencha vers l'eau claire qui lui renvoya son reflet. Elle ne se reconnut pas, dans la tenue de soirée qu'elle arborait.
Ses doigts effleurèrent l'eau, et derrière son épaule, à son reflet se joignit celui du Chapelier Fou.

Un être simple ne verrait pas cette e*u.

Qu'appelez vous simple?

De votre monde. D'une race dite "pure", jolie sauvageonne.

Si par "notre monde" vous entendez Galactica, alors il est normal que je ne sois pas aveugle à ce liquide : je viens d'une planète d'un autre système.

Vous y êtes presque, fragile sauvageonne.... - Il récita d'une traite, d’un air jovial - Mais pas encore. Si votre sang - tout comme celui de votre soeur d'ailleurs - était simple, vous ne verriez pas cette e*u.

Si c'est à cela que vous voulez venir, ceux de notre race usent d'une magie ancestrale, certes, mais pas démoniaque.


Le Chapelier se mit à siffloter gaiement et sauta sur le bord de la fontaine.

Mes parents étaient tous deux Svetli....

Une pensée, brève, fugace, lui traversa l'esprit. Cela lui suffit à comprendre.

Je vois. Et vous pensez que....

Ce que nous pensons n'est pas digne d'intérêt. Ce que nous savons vous le savez aussi. Reprenons notre route à présent.


Il prit la main de Kalyso qui se laissa docilement faire, lui remit son gant, et l'entoura de ses bras fins. Leurs deux corps se frôlèrent pour la première fois, et à la grande surprise de la jeune femme, cela lui rappela une sensation connue.
Et ils repartirent, usant d'un de ces passages visibles aux démons seuls.

Ainsi, sa "mort" avait permis un voyage derrière le voile, au delà des rêves.
Son origine quant à elle n'était pas pure non plus : la jeune femme était le fruit d'un viol. Un homme, un démon, était son père. Cela expliquerait bien des choses.

Les quatre pieds rencontrèrent de nouveau la dureté du sol, le vent reprit sa complainte. Ouvrant les yeux, la jeune femme découvrit la lourde porte de la forteresse qui était leur but. Celle ci s'ouvrit dans un grincement, et alors que sa volonté se raffermissait, Kalyso serra la main du Chapelier dans la sienne.

_____

Loin de là, dans un autre monde, du beau côté du voile, une ombre ouvrait les yeux.
Tienn avait été rappelée à la vie.








Peu à peu, les deux battants de cette lourde porte blindée, faite de bois et bardée de fer s'ouvrirent. Derrière eux, une lueur sombre émanait du triste endroit... Au fur et à mesure de l'ouverture des portes, on distinguait de mieux en mieux ce qu'était le hall de cette forteresse. Il y avait au sol un tapis rouge brodé d'or, qui semblait s'étendre sur plusieurs milliers de mètres. La voûte était haute, et ressemblait au ciel d'une nuit sans lune, sans étoiles, noire comme les ténèbres mêmes. Sur les côtés, parallèlement, soutenaient la voûte une série impressionante de colonnes de plomb. Elles étaient larges comme des tours de guet de l'époque médiévale, et étaient ornées de fresques représentant des scènes de batailles sanglantes, toutes différentes. Entre deux colonnes se trouvait un large braséro où brûlait en continuité le bois tiré de quelques arbres.

De l'extérieur, cette forteresse ne semblait pas si gigantesque, mais une fois entré, les mesures nous semblaient incroyables. Tout était gigantesque... Le Chapelier Fou se tourna vers Kalyso, lui indiquant la direction du couloir :


" Très chère... Nous devons nous absenter un court instant pour annoncer votre venue, nous vous laissons le soin de continuer la marche seule durant un moment, nous vous retrouverons en chemin "

Le Chapelier Fou sembla s'effacer, pour ne laisser place qu'au vide. Kalyso se retrouvait seule...

" - Le Chapelier Fou demande audience !
- Qu'il entre, répondit une voix ténèbreuse... "

La salle était grande, pourpre dans son ensemble. L'architecture était ici plus chaotique que dans l'entrée de la forteresse, mais elle était aussi plus magnifique. Adossé au mur, assis sur un trône d'or recouvert d'une ombre noire et impénetrable, se trouvait le Maître de la Forteresse.
Un garde de cérémonie vêtu de façon extravagante poussa une porte. Dans l'ombre de celle-ci se trouvait le Chapelier Fou... Il s'avança et posa un genou à terre, baissant la tête, il dit :


" - Messire.
- Ah, te voila enfin, mon petit B...
- Maître ! Nous ne sommes que le Chapelier Fou.
- Oh... Excuse moi... Des nouvelles de ta mission ?
- Oui, Maître. Nous avons correctement accompli nos premiers engagements. L'Anagura s'est créé et s'est forgé quelques amitiés fortes utiles pour son avenir. Notre puissance militaire s'accroit rapidement, et nos mages font tout pour lever les scellés. Bientôt, nos premiers frères pourront franchir le Voile et arpenter le monde matériel aisément.
- Fort bien, Chapelier. Tu fais un travail formidable... Il ne reste plus que le problème de ma propre incarnation. As-tu trouvé quelqu'un succeptible de m'accueillir en son sein ?
- Oui, mon Maître... D'ailleurs, j'ai amené cette personne ici même. Elle se nomme Kalyso, et a déjà eu en elle le démon, elle en porte encore la marque, d'ailleurs. Il s'agit de celui qui en voulait au Shadowsong...
- L'affaire se corse... Pourquoi l'as tu choisie elle, imbécile !
- Parce que vous nous aviez demandé, maître, de trouver une personne digne de vous recevoir, et nous n'avons trouvé que celle-ci.
- Je vois... Tu peux te retirer .

Auteur : Kalyso
14/05/06 21h23 | 24 Volcan 3724

Kalyso continua d'avancer dans le long couloir, doucement, prenant le temps d'observer les tableaux, espérant sentir le Chapelier apparaître derrière elle, posant sa main sur son épaule et s'amusant de son étonnement.
Il n'en fit rien.

Les scènes dépeintes lui évoquaient toutes quelque chose, qu'elle l'ait lu dans un livre, ou même vécu. Il s'agissait pour la plupart de batailles, de guerres, d'incantations...

Un en particulier attira son attention à tel point qu'elle s'en approcha et posa sa main dessus. Ce fut une erreur, elle se sentit aussitôt comme aspirée à l'intérieur. La scène s'anima devant ses yeux.

Elle était dans une petite pièce sombre, aux rideaux déchirés, aux meubles poussiéreux. Une lune claire filtrait par une fenêtre aux vitres brisées, et caressait quelques points de la pièce où étaient posés divers objets sans importance.
Tendant son cou, elle regarda par la fenêtre et reconnut ... le parc du Palais du Shadowsong! Ce même parc qu'elle venait de traverser en courant sous une lune rouge.

Un gémissement attira son attention. Elle remarqua enfin, dans un coin de la pièce un lit à baldaquin. S'approchant discrètement pour ne pas faire craquer le plancher, elle en écarta les rideaux et étouffa un petit cri. Sa respiration s'accéléra tandis qu'elle se penchait sur les deux créatures enlacées qui s'y trouvaient.

Oh mon dieu...Wa....

Une main gantée se posa sur sa bouche et le Chapelier lui apparut, un index sur les lèvres. Puis il tournèrent tous les deux la tête vers le lit où Kalyso observa quelques instant encore un Warren pâle et faible, enlaçant une monstrueuse créature. Elle avait un corps de femme, parfait en apparence, mais couvert de moult marques et déchirure d'où s'échappaient des flammes qui léchaient sa peau noircie.

Le Chapelier prit la main de la jeune femme, lui sourit, et il se fondirent tous les deux dans le sol pour réapparaître devant une nouvelle porte gravée d'étranges bas reliefs.

Notre hôte vous attends, ma chère .

Ne venez vous pas?

Nous ne sommes pas attendus...

Le Chapelier pût percevoir l'ombre d'une peur passer dans le regard froid de la jeune femme mais ne lui laissa guère le temps de rétorquer. Il lui saisit le bras d'une force insoupçonnée et appuya sur un battant de la porte.

Auteur : Kalyso
19/06/06 20h33 | 60 Volcan 3724

Parce qu’un cœur bat derrière cette insensibilité apparente, elle s’est attachée à l’enfant.
Telle une sœur, une mère, une amie, parce qu’elle tient à lui, elle veut qu’il arrête.

Vêtue d’une robe noire aux bords déchirés contrastant avec son teint plus pâle que jamais, longs cheveux jusqu’à des jambes dénudées et marquées de traces sanguines, regard éteins, la prisonnière du voile garde les yeux fixés sur le destin de son monde.

Le Chapelier l’a emmenée, quelques mois plus tôt, à son nouveau maître, son nouvel amant, son ultime geôlier. Cet homme, ce démon qui use et abuse de ses pouvoirs pour obtenir de la jeune femme déjà soumise les grâces les plus inattendues. Et elle les offre, pauvre créature, chétive, abandonnée. Elle les offre, elle s’est résignée. Elle a fait son temps et n’est plus.
Dans les mémoires elle restera peut être cette petite fille timide qui eut l’illusion de marquer un temps, ou cette guerrière farouche qui brisa entre ses doigts mille vies sans trembler. Pour d’autres elle est cette femme, simple et triste, qui pleura assez pour remplir des rivières.

En réalité, elle n’est plus qu’un corps, las et laid.

Et elle regarde dans son miroir, non pas en quête de son image – non, celle-ci elle la rejette – mais en quête d’un passé tant aimé. Elle voit la déchéance, la décadence. Elle voit ses amis partir. Elle voit un monde s’effondrer.
Chaque jour ajoute sur ses épaules un poids supplémentaire, mais elle refuse de s’effondrer totalement, elle a déjà trop perdu la face. Elle reste spectatrice muette d’un monde à l’agonie.

Ses pensées sont en ce moment tournées vers Warren. Elle a mal de le voir réaliser pour des idéaux quelconques les pires horreurs. Bientôt il fera chanter la magie. Et bientôt le présent deviendra passé, et une nouvelle ère commencera. De nouvelles batailles, de nouveaux êtres, de nouvelles règles.

Mais pour le moment, le monde dort. Et Kalyso avec lui.
Elle avance, faisant trainer sa longue robe sur le sol poussiéreux. Elle avance et s’allonge sur son immense lit froid, et elle ferme ses yeux vides, voulant rêver une fois encore avant que tout ne s’arrête pour renaître.
Un dernier regard vers le miroir lui montre un ciel brumeux. Les yeux d'une statut la rendent nostalgique.

La porte grince, il arrive.

[ Attention à toi Warren… ]