Palais du Shadowsong > La nouvelle voie

Au beau milieu de la capitale Vindilisienne qui, fidèle à la politique écologiste, était presque totalement dépourvue de technologie polluante, se trouvait un parc particulièrement grand, presque une petite forêt en réalité. Il s'intégrait improbablement à la ville, ses arbres touffus étant très appréciés pour l'ombre qu'ils fournissent les jours de grande chaleur... Qui plus est, c'était également une sorte bien spéciale de quartier d'habitation, puisqu'il s'agit du milieu naturel des dryades, dont le peuple vindilisien recensse quelques centaines d'individus. Parmi les chênes, érables et autres, avait été planté il y a fort longtemps un arbre qui avait été tellement gorgé d'énergie magique, par les soins réguliers des Maitres-mages de l'état, qu'il avait atteint une taille extraordinaire : ses branches, pourvue de feuilles dorées, s'étendaient bien au dessus du reste de la capitale, bien au dessus même du modeste palais de l'Archidruide, dont les tours fines et élégantes desplendissaient à la lumière du jour. Ses feuillent touchent le ciel et ses racines puisent l'essence de Gaïa au plus profond de son sein.

Et, invisible à tous, au sommet de la plus haute branche de la cime même de l'arbre avait été installé une minuscule plateforme, tout juste assez grande pour qu'un homme puisse s'y tenir assis en tailleur. Les vents secouaient parfois bien fort cette plateforme, mais un simple sortilège rétablissait le calme... Comme au jour d'aujourd'hui, par exemple, où le Vindilis-ror s'y trouvait. C'était l'un des rares à connaitre l'existence de ce lieu semi-sacré, et il aimait y méditer, comme à son habitude.

De là, il pouvait voir une bonne partie de son pays : il remarqua que les scènes de destructions, dues à la guerre contre les Compagnons de Sheptal, avaient disparu, les reconstructions allant bon train. Son pays continuait d'être pur de toute souillure... Mais l'avenir était pour le moins sombre : sans la puissance de Cybélia, les pollueurs de toutes planètes pouvaient travailler plus librement ! Intolérable, bien sûr, mais les moyens de l'Evintizia pour lutter contre ce fléau universel sont malheureusement faibles...

Le druide en était à ce point dans ses réflexions quand il remarqua, si loin qu'il ne pouvait presque pas le voir, un léger point sombre. Comme si de la fumée s'échappait d'une usine... Ou plutôt une aura magique étrange... Oui... Quelques faibles tremblements de terres, quasi-imperceptibles, prouvèrent que des expériences magique de première importance se déroulaient au lointain [HRP>> allusion à la construction des Solars <<HRP]. Et, au vu de la direction, cette expérience se déroulait sans aucun doute sur les terres du redouté Shadowsong, l'état Vindilis n'en étant, pur hasard, relativement voisin. Ce surcroit d'activité ne surprît pas vraiment le druide... Il était revenu, et Il ne le cachait nullement. Tuer ! Tuer tout ce qui s'apparente à un humain, voici ce qui devait être le leitmotiv de l'Héritier.

Une pensée folle prît forme dans l'esprit acéré du druide...

Pensée qui ne s'avéra pas si folle que ça, lorsque, quelques jours plus tard, il l'eût exposé au reste des dirigeants Evintiziens. L'absence de Malinia manquait dans de telles situation, elle qui savait toujours quelle solution serait la meilleure pour l'alliance... Le druide, sans avoir aucun signe de vie de la part de Madame, ne pouvait s'empêcher de penser que malgré cette situation était étrange...

-Enfin, dit-il à Reid de Savara, Solar de Kleenex, Iorek d'Ayreon, Isildur de Minas Ithil et au reste de l'Evintizia, nous tombons d'accord. Notre nouveau chemin sera dur, soyez-en certain.

Réunis en assemblée extraordinaire, les chefs avaient débattus de longues heures, mais étaient parvenus à un accord... Une solution.

-Nous allons nous engager dans ce combat, et de toutes nos force nous nous acharnerons sur nos ennemis : déchirés, ils ne feront plus de mal à Gaïa, Mère de Tous et de Tout ! Je m'en vais de ce pas annoncer la nouvelle. Préparez-vous : vous avez quelques heures avant que la nouvelle ne se répande...

Se levant immédiatement, le druide salua ses confrères, puis se retira dans la Salle de Téléportation du QG evintizien. Après quelques instant d'incantation, il se trouva téléporté, pour la première fois de sa vie, devant le batiment que beaucoup en ce monde redoutaient : le Palais du Shadowsong. Reprenant un peu de courage en voyant la végétation alentours, le Vindilis-ror s'avança, gravissant les premières marches... Immédiatement se fît sentir une phénoménale puissance magique : des sortilèges surpuissants protègent l'immense palais. Étrangement, comme si son principal occupant connaissait déjà les intention du druide, cette pression magique s'évanouit aussi soudainement qu'elle était apparue. Sans se poser les dangereuses question à propos de ce que cela impliquait, le Vindilis-ror continua. Les portes massives s'ouvrirent d'elle même, libérant le passage. Une fois rendu à l'intérieur, elle se refermèrent... L'étrange éclairage n'illuminait qu'un seul accès, qu'une seule issue, qu'une seule voie possible : bien en face de lui, vers ce qui devait être une salle du Throne ou quelque pièce semblable.

Réfléchissant deux secondes, l'Archidruide pensa que cette situation représentait bien ce qu'il faisait, au nom de son alliance : s'engager dans une Nouvelle Voie, avec tout les risques que cela importait.

Personne en vue... Mais une présence indéniable se faisait sentir, devant lui, plus forte et plus... omnipotente ( un frisson lui parcourut le dos à cette pensée ) à mesure qu'il avançait. Bientôt il y parvint tout à fait, à cette présence : pénétrant dans une vaste salle, il se trouva en face, à une bonne vingtaine de mètres, d'un être dont l'aura était particulièrement impressionante : il était en présence du Shadowsong.

Quelques pas de plus l'en rapprochèrent, après quoi il mit un genoux à terre pour le saluer.

-Warren Shadowsong, je vous présente mes respects...

Le druide se relève, d'un air solennel :

-Et je vous apporte l'assurance du soutien de l'Evintizia dans votre entreprise.

Devait-il s'expliquer ? Devait-il attendre une réponse ? Tout était dit...

Warren Shadowsong fixa longuement le Vindilis-ror, ressassant incessament les paroles de Shingaz. Il savait que, d'un certain point de vue, son conseiller avait raison. Une fois qu'on avait fait un choix, on devait s'y tenir. Et aller jusqu'au bout. Cependant, les implications de ceci effrayaient le Shadowsong. Il était prêt à tout pour ramener Kalyso parmi les vivants, et ne regrettait pas son choix, mais chaque action que cette décision lui imposait lui coûtait beaucoup. Ce que suggérait Shingaz était trop difficile pour lui. Non, il ne pouvait agir ainsi. Cela ne lui correspondait pas. Il savait que Kalyso ne l'aurait pas voulu.

Tant pis, pensa-t-il. Je n'irai pas jusqu'à ces extrémités, quoi qu'on m'en dise. Je me contenterai d'appliquer les résolutions que j'ai prises en mon âme et conscience.

- Pourtant, lui sussura une voix au fond de lui, Shingaz a raison. Tu dois tuer cet homme...
- Il est venu ici. Seul. En me faisant confiance. Je ne trahirai pas cette confiance.
- Tu as décidé de mettre fin à la vie de millions d'humains pour ta Kalyso, mais tu es incapable d'en tuer un seul.
- Ne souille pas le nom de Dame Kalyso.
- Si tu veux mon avis, là où elle est partie, il n'y a pas que son nom qui est souillé...

- Silence !!! hurla Warren devant le Vindilis-ror ébahi.

Sa respiration était saccadée, les battements de son coeur lui déchiraient la poitrine. Au fond de ses prunelles, une sombre lueur rouge pulsait. Peu à peu, elle disparut, le Shadowsong retrouva alors son calme et se rassit. Quelques larmes perlaient à ses yeux.

- Veuillez m'excuser, dit Warren au Vindilis. Oui, veuillez m'excuser. Nous sommes honorés par la proposition de l'Evintizia, et par la confiance que vous semblez nous accorder. Cependant...

Le Shadowsong sembla chercher ses mots. Ce qu'il devait dire lui était difficile. Refuser ainsi une aide aussi...

- ... intéressée ?
- Non. Aussi généreuse.

Le Démon laissa transparaitre son amusement, sans cependant rien dire de plus.

- Cependant, nous avons pris la décision de ne nous fier à personne, afin de ne pas être entravés dans la quête que nous nous sommes assignés. Je suis désolé de vous dire cela ainsi, mais nous ne pouvons accepter votre aide. Ni même vous promettre que nous ne nous retrouverons pas opposés dans le conflit qui se prépare.
Toutefois, soyez assurés que nous conserverons cette demande à l'esprit, et que nous ne la perdrons pas de vue lorsque nous devrons nous lancer dans la bataille. J'espère sincèrement que les membres de l'Evintizia ne se sentiront pas offensés par ce refus.

- Tue-le, retentit la voix de Shingaz dans l'esprit de Warren. Tu as fait ton choix, assume-le.
- Tue-le, répéta le Démon.

- Vous êtes maintenant libre de regagner votre Etat, reprit le Shadowsong à l'intention du Vindilis, ignorant ces voix. Une nouvelle fois, je m'excuse de ne pas être en mesure d'honorer votre confiance.

Ce qui se disait tout bas parmi les mieux informés du système galacticain semblait être vrai : le cri demandant le silence sembla confirmer les rumeurs. Le Shadowsong n'était pas seul... Un combat intérieur devait être en train de faire rage, pour qu'il se laisse ainsi aller à la colère. Le druide tenta de rester impassible, mais la puissance émanant du personnage en face de lui fît qu'il ne pût retenir une expression étonnée. Cet ordre demandant le silence...

Une dangereuse lueur passa dans les yeux de son interlocuteur, mais peu après le Shadowsong reprît la parole, d'une voix qui semblait normale, mais controlée... Un refus. Après tout, ce n'étais pas une si grosse surprise : venir ainsi voir le Shadowsong dans son propre palais n'étais pas le moins du monde gage de réussite, pas même gage de sécurité. Un refus... Eh bien, les dirigeants evintiziens s'étaient dors et déjà concertés et avaient prévu l'éventualité. Remettant un genous à terre, le druide baissa la tête, fixant le sol : non pas un geste de soumission, mais de respect pour les paroles qui venaient d'être prononcées, malgré le fait que l'être qui les disait soit une abbération de la Nature. Toujours la tête baissée, il s'appercçut que l'atmosphère de la pièce changeait : lui qui était à l'écoute de Gaïa depuis si longtemps ne pouvait pas s'y tromper, une tension était presque palpable, et une agressivité contenue mais latente se situait juste en face de lui. Il prit donc au plus vite la parole, désireux de ne pas non plus provoquer la colère du maitre des lieux :

-Nous comprenons, Warren Shadowsong. Nous acceptons votre verdict, et je me retire. Les paroles sont superflues quand il y a tant à faire. Sachez cependant que, officiellement ou pas, nous nous battrons contre vos ennemis. Vous et ce que la plupart appelle le « Cercle du Shadowsong » n'aurez rien à craindre de l'Evintizia, même si vous étiez d'une faiblesse afligeante. Nous ne vous attaquerons pas, et nous protègerons de notre mieux vos suivants... Et ce d'autant plus que d'étranges émanations proviennent de l'un de vos états, Heyoka : comme si nous connaissions quelque chose à son sujet.

Le Vindilis-ror était allé trop loin, et il le savait : le danger devenait imminent et il devait partir. En un instant il déclencha le sortilège qu'il avait déjà préparé avant son voyage : une transmutation corporelle. Sa peaux pris une teinte légèrement verte, ses cheveux flottèrent comme si une bourrasque les soulevait, ses pieds et ses jambes changèrent curieusement de consistance pour devenir vaporeux, ce qui lui permettait une retraite très rapide, glissant librement dans l'air grâce au corp d'Esprit des Bois qu'il venait d'acquérir momentannément. Il reculait à une vitesse grandissante, de dos, regardant toujours le Shadowsong de ses yeux vert étincelant, qui rayonnaient une lumière incongrue.

Image de Femme-dryade

Une voix crystalline s'échappa du druide métamorphosé, portée comme un souffle jusqu'au Throne...

-Souvenez-vous de Malinia et de sa philosophie... Nous la suivrons jusqu'au bout, tuant autant d'humains que nous pourrons, car ce sont des ingrats envers Gaïa, et que tous sont des potentiels pollueurs ! Nous anihilerons le mal que nous représentons !!!

Une fois que le druide eut quitté le Palais, Warren poussa un long soupir et s'effondra dans son fauteuil. Il se versa un verre d'eau un but longuement, relachant la tension qui l'habitait.

- Tu ne l'as pas tué, lui fit remarquer Shingaz.

Warren leva les yeux et vit que son conseiller venait d'apparaitre en silence derrière lui.

Je ne l'avais même pas remarqué, songea le Shadowsong. Qu'est-il réellement ?

- Je ne tue pas quelqu'un qui se présente à moi en paix.
- Personne ne s'est présenté avec des intentions hostiles, et personne ne l'aurait fait. Pourtant, tu lèves une armée.
- Je sais que tout cela est contradictoire.
- Tu veux sauver ta Kalyso, mais tu vas détruire bien des vies pour cela.
- Je le sais.
- Ces vies ne valent pas moins que celle de Kalyso. Tu vas éliminer l'espèce humaine.

Warren ne répondit pas.

- Crois-tu que Kalyso te remerciera ? Crois-tu qu'elle te félicitera ? Crois-tu qu'elle t'aimera ?
- Non. Mais je la sauverai.
- Crois-tu qu'elle sera satisfaite de savoir que tu as éliminé tous les humains rien que pour elle ?
- Je me moque de savoir si elle sera heureuse. Au moins, elle sera sauvée.
- Tu mens, Warren. Tu es loin de te moquer de son bonheur.
- ...
- Réfléchis. Tu ne la connaissais pas bien, tu ne lui avais jamais beaucoup parlé. Cependant, considère ce que tu sais d'elle. Ce que tu as perçu de sa personne. Tu sais qu'elle ne voudrait pas ça.

Warren reposa avec bruit son verre sur le bureau. Il repoussa son siège et marcha jusqu'à une fenêtre. Shingaz le regarda sans mot dire.

Quelques minutes s'écoulèrent, durant lesquelles personne ne brisa le silence. Puis, Warren reprit doucement.

- Non, j'ai fait mon choix. Elle vivra. Je mourrai s'il le faut pour cela. J'emmènerai le monde avec moi s'il le faut, mais elle vivra.

Shingaz soupira.

- Dans ce cas, pourquoi avoir épargné le Vindilis-ror ?
- Tous ces hommes luttent pour leur vie. Je peux le comprendre. Je peux l'apprécier. Je n'ai pas perdu toute mon humanité.
- Pourtant, si tu vas au bout de tes projets, il mourra. Même si ce n'est pas de ta main. Si tu ouvres une faille dans le Voile pour aller chercher Kalyso, les Démons détruiront ce monde.
- Peut-être. Mais je n'aurai pas tué quelqu'un venu me proposer son aide.
- Cela ne fait aucune différence.
- Pour moi cela en fait une.

Shingaz ne répondit pas. Il se dirigea lentement vers la sortie.

- Vous enverrez un message à Wanbi et aux autres.
- Oui ?
- Ne touchons pas à l'Evintizia. Du moins pas pour le moment. Si nous ne pouvons accepter une alliance, au moins pouvons-nous leur garantir la neutralité.

Shingaz hocha la tête.

- Ainsi soit-il.
- Vous préviendrez également le Vindilis-ror de cette décision, ajouta Warren après une petite seconde d'hésitation.